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CRISE SOCIOPOLITIQUE AU MALI


Les missi dominici de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) avec à leur tête, Goodluck Jonathan, étaient venus au Mali dans l’espoir d’aider le pays à résoudre la grave crise sociopolitique qui oppose Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) au M5-RFP (Mouvement du 5-Juin – Rassemblement des Forces patriotiques). Ils risquent d’en repartir avec le sentiment d’une profonde déception. Et pour cause : le M5 a balayé d’un revers de main, toutes les propositions de sortie de crise de la délégation de l’institution sous-régionale. En rappel, la CEDEAO est arrivée sur les bords du fleuve Djoliba avec le plan de sortie de crise suivant : le maintien du président Ibrahima Boubakar Kéita, la formation d’un gouvernement d’union nationale et le règlement du contentieux électoral. Visiblement, la CEDEAO, par-là, s’est inscrite dans la logique de ne pas apporter de l’eau au moulin du M5 dans sa méthode, pour le moins critiquable, d’obtenir le départ immédiat d’un président qui, qui plus est, a été démocratiquement élu.

La CEDEAO est obligée de jouer à la tempérance et à la prudence

Ce faisant, l’institution sous régionale a évité d’ouvrir une boîte de pandore dont les effets dévastateurs sur l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest, peuvent être facilement imaginés. En effet, dans l’hypothèse où la contestation du M5 aboutirait à la démission de Ibrahim Boubacar Kéita et à l’ouverture d’une transition républicaine comme l’exige, entre autres, cette structure, l’on peut craindre que la chienlit et le capharnaüm s’emparent des leviers de l’Etat dans bien des pays du Sahel africain. Car, certains des reproches faits à IBK, peuvent l’être à l’endroit de certains de ses pairs de la sous-région. Bref, le fossé qui sépare les propositions de sortie de crise de la CEDEAO, de celles du M5, est tellement béant que l’on peut se demander sur quoi encore les protagonistes maliens peuvent s’entendre pour sauver le pays. Ibrabim Boubacar Kéita a déjà fait sa part de chemin même si l’on peut souhaiter qu’il en fasse davantage pour sauver la maison Mali. Il reste à souhaiter que le M5, de son côté, s’inscrive dans la logique du compromis. Car, pour le moment, on peut faire le constat qu’il a fixé la barre trop haut. L’exigence de la démission hic et nunc du président Ibrahim Boubacar Kéita, en est l’illustration la plus achevée. Car, cette revendication ne peut prospérer sans porter un grand coup à la Constitution malienne. En tout cas, la CEDEAO ne peut pas manger de ce pain-là sans courir le risque d’exposer l’ensemble des Etats membres, à une instabilité susceptible de rayer certains Etats de cet espace de la carte du monde. De ce point de vue, la CEDEAO est obligée de jouer à la tempérance et à la prudence. Mais le M5 serait mal inspirée d’assimiler cette attitude à de la faiblesse. Car, de par le passé, l’institution a su utiliser la manière forte quand la situation l’exigeait dans certains pays membres. De ce point de vue, l’on peut dire que le M5 joue gros en se mettant dans une posture qui peut irriter l’organisation sous- régionale. C’est pourquoi l’autorité morale du M5, c’est-à-dire l’imam Dicko, doit tout faire pour éviter le clash entre son mouvement et la CEDEAO.

Le changement brutal de président est loin d’être la planche de salut pour le Mali

En tout cas, c’est sur lui que Goodluck et sa délégation comptent pour amener les maximalistes de son groupe à infléchir leur position. Et Goodluck Jonathan ne désespère pas de convaincre l’imam le plus charismatique du Mali et cela, dans les meilleurs délais. L’optimisme dont fait preuve l’ancien président nigérian, quant à l’issue de sa mission, est fondé sur cette lueur d’espoir.  Goodluck Jonathan a aujourd’hui, en réalité, un seul interlocuteur : l’imam Dicko. Les autres leaders du M5 comptent en vérité pour du beurre. En effet, non seulement la preuve n’est pas faite qu’ils sont plus vertueux que Kankélétigui, mais aussi l’on peut dire qu’ils sont tous pratiquement comptables de la situation dans laquelle se trouve le Mali. En tous les cas, rien ne dit que dans une compétition à la régulière, ils peuvent damer le pion à IBK. L’imam Dicko le sait. Il sait notamment que la plupart d’entre eux sont d’illustres opportunistes qui veulent exploiter son aura pour avoir des maroquins que leur assise politique réelle ne permet pas d’obtenir. Ensuite, il est conscient que tout le monde est en train d’observer à la loupe tous ses faits et gestes. Et l’on sait pourquoi il est tenu à l’œil. En effet, il est soupçonné, à tort ou à raison, de vouloir remettre en cause la laïcité de l’Etat malien. Toujours est-il que ses prêches incendiaires et fortement teintés d’idéologie wahhabite, inquiètent la communauté internationale. C’est pourquoi, aujourd’hui, il est obligé de jouer à l’apaisement sous peine d’être taxé d’élément travaillant à préparer le terrain pour favoriser la deuxième invasion du Mali par les terroristes ; la première ayant eu lieu en 2012. Et on se rappelle qu’elle a été favorisée par le putsch du Général Amadou Sanogo. L’une des leçons que l’on peut tirer de cet épisode douloureux de l’histoire du Mali, est que le changement brutal de président est loin d’être la planche de salut pour le Mali.

« Le Pays »


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