HomeA la unePASSAGE A LA VE REPUBLIQUE : Les avantages et les inconvénients des voies parlementaires

PASSAGE A LA VE REPUBLIQUE : Les avantages et les inconvénients des voies parlementaires


 

La commission constitutionnelle installée le 29 septembre 2016, a remis officiellement le projet de Constitution de la Ve République au président du Faso, le 14 novembre 2017. Depuis lors, beaucoup d’encre et de salive rivalisent d’argumentaires sur la voie idéale de son adoption pour un Burkina post-insurrection prospère.
C’est à ce tumulte de guéguerres politico-juridiques que nous avons voulu apporter notre modeste touche de contribution technique afin d’ajouter de  «la terre à la terre» pour paraphraser le doyen des avocats, Maître Pacéré Titinga.
Notre exercice consistera à faire une analyse sommaire des avantages et des risques de chacune des voies d’adoption de notre nouveau « contrat social » (Rousseau) que constitue la nouvelle Constitution.
Au préalable, il n’est pas superfétatoire de relever le ratio legis (la raison d’être) d’une nouvelle Constitution au Burkina Faso.
Du point de vue constitutionnel, l’avis de la Cour constitutionnelle du Niger du 25 mai 2009 consécutif à la volonté de Tandja de passer à une VIe République disait ceci : «une nouvelle Constitution ne peut s’envisager que dans deux hypothèses : l’Etat n’est régi par aucune Constitution parce qu’il est nouveau, qu’il n’en a jamais eu ou que la Constitution a été suspendue ou abrogée suite à une situation de fait extra-constitutionnel ( …) ».
Les circonstances de l’avènement d’une nouvelle constitution et partant d’une nouvelle république sont, la révolution, la création d’un nouvel Etat, l’insurrection, etc.
Dans le contexte du Burkina, en sus de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 à la suite de laquelle la Constitution a été suspendue puis rétablie et complétée par une Charte, notre pays a connu son énième putsch quoiqu’ayant essuyé un échec.
Ainsi donc, du seul fait de ce « fait extra-constitutionnel », l’impérieuse nécessité d’un nouvel ordre constitutionnel n’est point sujet à caution.
Quid à présent de la voie idéale pour son adoption ?

LES ENJEUX DE LA VOIE PARLEMENTAIRE

Les tenants de cette option fondent leur argumentaire d’une part, sur le contexte socio-économique et sécuritaire difficile que traverse notre pays et, d’autre part, du fait du consensus ayant prévalu à l’adoption du projet de Constitution au sein de la commission constitutionnelle. Toutefois, cette option n’est pas sans risque.
La Constitution burkinabè ne prévoit pas la possibilité de l’adoption d’une nouvelle Constitution par voie parlementaire. Pour ce faire, il y a lieu de procéder à une révision de la Constitution afin de prévoir la possibilité d’une adoption par voie parlementaire. Ce qui pourrait être une équation à multiples inconnus, voire une voie sans issue.
En effet, selon l’article 165 de notre Constitution, « …le projet de révision (de la Constitution) est adopté sans recours au référendum s’il est approuvé à la majorité des trois quarts des membres de l’Assemblée nationale ».
Ce qui signifie que le recours au référendum est imparable, faute des ¾ des membres de l’Assemblée. Pourtant, le parti majoritaire, même avec le renfort de la mouvance, ne dispose pas de cette majorité confortable. Il n’est donc pas improbable que le référendum que nous redoutions tant ne se mette au travers de notre chemin.
Le second risque serait le tripatouillage du projet de Constitution. Ce d’autant plus que les parlementaires n’accepteront point se faire « hara-kiri » en adoptant une Constitution qui les mettrait rapidement sur le banc de touche. En l’occurrence, par exemple, selon la nouvelle Constitution, aucun parlementaire ne pourrait désormais faire plus de trois mandats à l’hémicycle.
Ensuite, si l’argumentaire sécuritaire a eu raison du référendum, ce serait sans aucun doute un aveu cuisant d’un défaitisme patriotique car ce serait accepter que la nébuleuse terroriste soit maître de notre jeu politique en nous imposant son diktat. Partant, la porte ouverte à l’hypothèque des consultations électorales à venir, qui plus est, constitue une abdication à l’unité nationale et à l’intégrité de notre territoire.
Enfin, il y a fort à craindre, au cas où la voie parlementaire serait usitée, que cela crée un précédent dangereux qu’un pouvoir en difficulté pourrait s’en référer pour procéder à des réformes « déconsolidantes » de la loi fondamentale afin de consolider son pouvoir.

LES ENJEUX DE LA VOIE REFERENDAIRE

« Il n’y a de Constitution que celle qui est acceptée par le peuple ». Cette déclaration de la convention nationale française de 1792 exprime clairement qu’une nouvelle Constitution ne peut résulter que de la volonté directe du peuple.
Contrairement à la voie parlementaire (indirecte), « le peuple législateur » exprime sa souveraineté directe.
D’ailleurs, lorsque notre Constitution énonce son préambule en ces termes : « Nous, peuple souverain du Burkina Faso », elle exprime avec force la théorie de la légitimité rapprochée, contrairement à celle éloignée que constitue la voie parlementaire.
La volonté de rupture d’un ordre politique et celle de jeter les jalons d’un véritable renouveau constitutionnel et politique ne peuvent faire l’économie d’une consultation populaire.
Aussi, le poids de la tradition constitutionnelle constitue un argument massue pour la voie référendaire. En effet, le référendum du 27 novembre 1960 a marqué la Ire République, celui du 14 juin 1970  la IIe république, celui du 27 novembre 1977 la IIIe et enfin, la dernière République par celui du 2 juin 1991. Tenant compte du contexte économique et sécuritaire, le couplage du référendum à l’élection présidentielle pourrait être le « couplet gagnant » dans cette course de propositions.
Cependant, le bémol non négligeable serait le risque que la déferlante des enjeux de la campagne électorale fasse de l’ombre sur le débat autour de la Constitution.
En dernier, le débat sur la Constitution ne peut être un secret d’alcôve, encore moins la panacée des seuls initiés. La Constitution est l’affaire de tous. Elle n’est peut-être pas la panacée pour un monde meilleur, mais comme le disait pertinemment Guy Carcassone, juriste français spécialiste du Droit constitutionnel, « une bonne Constitution ne peut suffire à faire le bonheur d’une nation ; une mauvaise peut suffire à faire son malheur ».

Wilfried ZOUNDI

Juriste-consultant
Membre de la commission constitutionnelle
Chevalier de l’Ordre national


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