HomeOmbre et lumièrePROCES DU PUTSCH MANQUE DE SEPTEMBRE 2015 « Les témoins du parquet diront les mêmes choses », selon le général Diendéré

PROCES DU PUTSCH MANQUE DE SEPTEMBRE 2015 « Les témoins du parquet diront les mêmes choses », selon le général Diendéré


L’audition des témoins dans le cadre du putsch de septembre 2015 s’est poursuivie devant le Tribunal militaire de Ouagadougou hier 18 février 2019. Après le colonel-major Théodore Palé, c’était au tour des colonels-majors Béréhoudougou et Gambo de passer livrer leurs versions des faits, sous serment, devant le juge Seydou Ouédraogo. Des témoignages que le général Diendéré et le colonel-major Kiéré rejettent en plusieurs points.

L’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle) était un détachement de l’Armée de terre, mis à la disposition de la présidence du Faso, et bien de ses éléments ont fait partie des bataillons de maintien de la paix dans des missions à l’étranger, fait observer le général Diendéré en réaction aux déclarations du colonel-major Théodore Palé. A ceux qui estiment que l’ex-RSP avait l’indiscipline dans sa nature, le général indique que les mutineries de 2011 ont révélé que bien des pans entiers des corps militaires et paramilitaires l’étaient aussi. Il déplore que le major Palé se souvienne de ce qui n’a pas été fait et ne se souvienne pas de ce qui a été fait au moment des évènements. Il indique que le 28 septembre 2015, tout le gratin parmi les corps militaires et paramilitaires l’a accompagné à l’aéroport pour accueillir les chefs d’Etat de la CEDEAO et mentionne que, s’il y avait une ferme volonté de s’opposer au coup d’Etat comme le disent les témoins, on aurait pu, par exemple, « fabriquer une panne » pour lui refuser l’hélicoptère qui a servi à aller chercher le matériel de maintien d’ordre à la frontière ivoirienne. Le général précise sur le mouvement des troupes des garnisons provinciales en direction de Ouagadougou, que cela n’était pas de l’initiative du commandement militaire qui était de son côté. Le commandement militaire a été humilié, de son point de vue, ce qui a conduit aux évènements du 16 septembre 2015, dit-il. Pour le colonel- major Palé, le « non catégorique » de la hiérarchie militaire au général a été déterminant dans l’échec du putsch. Le colonel-major Noufou Béréhoudougou succède au major Palé à la barre et embouche la même trompette que lui. Tous ceux qui étaient à la rencontre de la Commission de réflexion et d’appui aux décisions (CRAD) le 16 septembre ont dit qu’il n’était pas question que l’Armée s’implique dans le putsch, déclare-t-il. Il relève qu’un communiqué a été proposé au général Diendéré en vue d’une sortie de crise à l’issue de la rencontre du 16 septembre, mais le colonel-major Kiéré et le général Diendéré ont estimé nécessaire d’en référer d’abord à la base (les jeunes du RSP ayant mis aux arrêts les autorités), selon son récit. Et de ce fait, ils se sont retirés pour aller échanger avec les hommes avant de revenir s’opposer au communiqué en question, proposant un autre communiqué en lieu et place du premier communiqué. Dans ce communiqué, transparaît l’idée de coup d’Etat, selon son récit. Appelés à la barre pour confrontation, le major Kiéré et le général Diendéré indiquent ne s’être retirés à aucun moment la nuit du 16 pour aller rencontrer les hommes et il n’y a pas non plus eu de communiqué soumis à leur appréciation. Le seul retour vers les hommes, c’est lorsqu’ils ont devancé les médiateurs nationaux chez les hommes au camp Naaba Koom pour préparer la rencontre du 17 avec eux.

« Malheur à celui qui appelle bien  un mal et mal  un bien »

Le général s’étonne que les colonels-majors Palé et Béréhoudougou n’aient pas fait mention du besoin en matériel de maintien d’ordre exprimé à la rencontre par l’état-major de la gendarmerie. Le colonel- major Kiéré relève que le 16 la hiérarchie n’était pas d’accord pour le putsch, mais le Chef d’état-major général de l’Armée (CEMGA), le général Pengrenoma Zagré, a marqué son accord pour que l’Armée assure le maintien de l’ordre, à la demande du général Diendéré. Et c’est là que se situe la responsabilité du général Zagré, selon Kiéré. Les témoins amenés par le parquet diront les mêmes choses, selon le général. S’ils avaient été entendus par le juge d’instruction au même moment que les accusés, leurs déclarations allaient diverger, à son avis. Les premiers témoins convoqués par les juges d’instruction ont refusé de déférer aux convocations et les juges ont été remerciés, rappelle-t-il. C’est 8 mois après qu’ils ont été à nouveau convoqués par le juge, suite à la clameur publique, poursuit le général Diendéré qui déplore que d’autres accusés dans les mêmes circonstances que les témoins ont été déférés à la Maison d’arrêt et de correction des Armées (MACA) avant d’être entendus par le juge d’instruction. Me Dabo, conseil du général, estime que les procès-verbaux (PV) des rencontres des 16 et 17 septembre 2015 ont été dressés par le major Béréhoudougou au moins un mois après, ce qui met en doute la sincérité, la fidélité et l’intégrité de tels PV. Cela, d’autant plus que le général Diendéré qui a dirigé ces rencontres n’a pu signer ces PV de rencontres, à son avis. Me Yelkouni Olivier, l’autre conseil du général, estime que si l’attentat à la sûreté de l’Etat est une infraction continue, ceux qui ont actionné le mécanisme ayant permis à l’hélicoptère d’aller prendre le matériel de maintien d’ordre à la frontière ivoirienne, ceux qui ont accompagné le général à l’aéroport et ceux qui ont organisé les patrouilles en ville sont aussi complices de l’infraction. Après quelques questions au témoin Béréhoudougou, Me Bonkoungou Dieudonné, avocat de la défense, fait observer que le parquet, tout comme les avocats des parties civiles, ne savent pas ou ne veulent pas lire les actes de complicité des témoins, de la hiérarchie militaire qui a eu une attitude équivoque, à l’entendre. Et de rappeler ce passage de la bible, à cet effet, à savoir : « malheur à celui qui appelle bien  un mal et mal  un bien ». Quand le colonel-major Léonard Gambo passe à la barre, il vient déposer sous serment et indique dans son récit que les médiateurs nationaux ont raisonné le général Diendéré pour accepter une sortie de crise, assortie d’une annonce au peuple. Mais, le général a refusé cela, avant de revenir plus tard poser les préoccupations des hommes, suivies d’une déclaration, selon le récit du major Gambo. Le général rétorque contre les majors Béréhoudougou et Gambo que certains officiers lors de la rencontre du 16 septembre n’ont même pas pris la parole et le major Gambo n’a pas pris part à la rencontre du 17. Il déplore les contradictions dans leurs déclarations à la barre. Les médiateurs nationaux sont allés à la rencontre des hommes au camp Naaba Koom à la demande du général Diendéré, selon ses mots. Alors que les témoins confient que c’est l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo qui a proposé que la médiation aille les voir. Le général Diendéré maintient n’avoir aucunement parlé de la sécurité des hommes et de leurs familles le 16 septembre. L’audition des témoins continue ce 19 février à partir de 9h au Tribunal militaire.

Lonsani SANOGO


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