HomeA la unePROJET DE 3E  MANDAT EN GUINEE  

PROJET DE 3E  MANDAT EN GUINEE  


En Guinée, la mobilisation contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, ne faiblit pas. En effet, après une semaine agitée de manifestations qui ont laissé une dizaine de morts sur le carreau, l’opposition guinéenne a décidé de maintenir la pression sur le chef de l’Etat qu’elle soupçonne de manœuvrer à prolonger son bail au palais Sékoutoureya. En effet, frappé d’inéligibilité au terme de son second mandat qui échoit en octobre 2020, Alpha Condé s’est engagé dans une folle course à l’organisation d’un référendum constitutionnel dont l’opposition conteste, du reste, l’opportunité. Car, pour cette dernière,  le seul but d’une telle opération ne vise qu’à contourner la disposition constitutionnelle qui  empêche le chef de l’Etat d’être candidat à sa propre succession. Donc, une mesure censée lui ouvrir la voie d’un troisième mandat que lui refuse son peuple mobilisé dans la rue, à l’appel de l’opposition.

 

On se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours

 

Mais, alors que l’on croyait que le sang versé des Guinéens à l’occasion des journées de protestation de la semaine dernière, serait un signal suffisamment fort pour amener le président Condé à jouer balle à terre, c’est avec surprise que l’on entendra ce dernier rejeter la responsabilité des tueries sur l’opposition qu’il accuse d’agir de la sorte dans le but de pourrir son mandat. Si ce n’est pas jeter de l’huile sur le feu en aiguisant la polémique, cela y ressemble fort. Le président accuse l’opposition de vouloir ternir son mandat. Mais quid de la qualité de ce mandat dans un pays où la majorité de ses compatriotes continuent de tirer le diable par la queue et où la corruption, la concussion et les détournements de deniers publics n’ont de cesse  de faire  les choux gras de la presse ? Mais à entendre le chef de l’Etat guinéen qui, à défaut de se taire, s’est fendu d’arguments si spécieux qui convaincraient difficilement même ses partisans les plus crédules, l’on se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours au point de lui faire perdre toute lucidité. Car, c’est peu de dire que si le Professeur n’était pas mû par la volonté irrépressible de goûter au fruit défendu du troisième mandat dans le jardin …du Fouta Djallon, la Guinée aurait certainement fait l’économie des pertes en vies humaines de la semaine écoulée. Aussi, loin de lui dénier le droit de recourir à l’arbitrage du peuple, l’on se pose des questions sur l’opportunité d’une telle démarche quand la moitié de la population, voire plus, est déjà vent debout contre son projet. Comment, dans ces conditions, peut-il raisonnablement penser pouvoir organiser un référendum et recueillir l’assentiment du peuple guinéen si ce n’est qu’en Afrique, on n’organise pas des consultations électorales pour les perdre ? C’est pourquoi l’on est fondé à croire, à la suite de l’artiste-musicien reggae man ivoirien, Tiken Jah Fakoly, qu’«Alpha Condé devient fou ». Ce d’autant qu’il continue de jouer l’autruche, en tentant de réduire l’ampleur de la contestation à quelques poches résiduelles de la capitale et dans quelques rares villes, alors que la contagion est en train de gagner visiblement tout le pays.

A 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir

 

Mais moins qu’une attitude irrévérencieuse à l’endroit du chef de l’Etat guinéen, cette interpellation énergique de l’artiste est une invite à un examen de conscience, pour éviter au Professeur de dresser le bûcher contre son peuple. D’autant qu’à 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir. Déjà, son obstination à vouloir jouer les prolongations à la tête de l’Etat guinéen, a entraîné la mort de bien de ses compatriotes. Refuser de voir la réalité en face en se croyant suffisamment fort pour résister à la bourrasque de la colère de son peuple, c’est faire preuve d’une folie aventurière ou d’une myopie politique qui pourrait être fatale à son pouvoir. L’expérience humiliante en 2014 de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, devrait lui servir de leçon. Mais si malgré ce rappel de l’Histoire, et malgré les appels à la raison de personnalités politiques du continent comme le Sénégalais Abdoulaye Bathily et d’anciens chefs d’Etat africains signataires de l’appel de Niamey, le chef de l’Etat guinéen se montre autiste au point de ne pas reconnaître sa responsabilité et de rejeter la faute à autrui, il faut croire que rien ne le fera reculer dans sa volonté de tenir son référendum querellé pour s’ouvrir le chemin d’un troisième mandat.  En tout état de cause, comme le dit l’adage, « il n’est jamais tard pour bien faire ». Et Alpha Condé a encore toutes les cartes en main, pour sortir de l’histoire politique de son pays par la grande porte. Mais, pour paraphraser un autre dicton,  s’il choisit malgré tout de semer le vent, qu’il s’attende à récolter la tempête. Car, dans l’histoire du monde, aucun dictateur n’est jamais venu à bout d’un peuple déterminé.

 « Le Pays »


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