RCA


Le tout n’est pas de signer un accord…

Va-t-on vers le bout du tunnel en Centrafrique ? En tout cas, après dix jours de négociations sous l’égide de l’Union africaine (UA), les frères ennemis centrafricains sont parvenus à un accord de paix qui semble donner satisfaction à toutes les parties. Ainsi le texte de l’accord qui a été paraphé le 5 février dernier au Soudan, a été finalement signé, hier, à Bangui par le gouvernement centrafricain et les 14 groupes armés qui avaient fait le déplacement de Khartoum.

La RCA est loin d’être totalement pacifiée

En attendant la concrétisation matérielle de cet accord de paix, la question que l’on peut se poser est de savoir si cet accord visiblement arraché au forceps marquera la fin du calvaire pour le pays de Faustin Touadéra. Il faut l’espérer. Il faut surtout espérer que l’épée de Damoclès de la Cour pénale internationale (CPI) qui s’est déjà abattue sur la tête d’au moins deux ex-seigneurs de guerre en RCA qui croupissent actuellement dans ses geôles, sera suffisamment dissuasive pour amener le reste des combattants à faire …fusil bas dans la mise en œuvre de ce nouvel accord. Car, ce pays a beaucoup souffert et s’est retrouvé sur les routes de l’enfer depuis qu’il s’est laissé prendre dans l’engrenage de cette guerre civile qui dure depuis bientôt six ans et qui a déjà laissé de nombreux Centrafricains sur le carreau. Malheureusement, malgré les efforts, le pays présente aujourd’hui encore toutes les caractéristiques d’une hydre à plusieurs têtes à telle enseigne qu’il était hasardeux de dire avec exactitude d’où pourrait venir la solution dans ce contexte d’intérêts divergents où le bruit des armes se fait plus entendre que les appels à la paix. Aujourd’hui, la RCA est loin d’être totalement pacifiée. Mais le simple fait que les protagonistes aient pu trouver un modus vivendi pour aller à la paix, est déjà en soi une avancée significative dans ces négociations et un acte porteur d’espoirs. C’est pourquoi l’on est porté à se demander si pour parachever le travail, les groupes armés vont se muer en anges pour accompagner l’Archange Touadéra dans sa difficile tâche de reconstitution d’un tissu social en totale décomposition. Rien n’est moins sûr. D’autant plus que les Centrafricains nous ont souvent habitués à des retournements de situation et autres voltes-faces dont eux seuls semblent avoir le secret. Pour preuve, cet accord de paix n’est pas le premier du genre et rien ne dit qu’il sera le dernier, dans un pays où la situation reste encore volatile sur le terrain. Et comme jusque-là, l’on ne connaît pas le contenu dudit accord, l’on ne serait pas surpris qu’un jour, il soit encore remis en cause par l’une ou l’autre des parties signataires. En tout cas, bien malin qui saurait dire à qui profite la chienlit en RCA.

De la question de l’amnistie

C’est pourquoi il y a lieu de croire que les groupes rebelles qui étaient en position de force dans ces négociations, se sont entourés de garanties sûres et solides pour s’engager sur le chemin de la paix. Pour sûr, quand on contrôle 80% du territoire, c’est que l’on est assis sur du béton et l’on ne peut pas brader une telle position privilégiée pour des broutilles. C’est dire que dans le camp d’en face, c’est-à-dire le gouvernement, l’on a dû faire violence sur soi-même dans l’espoir de ramener la quiétude dans le pays. La question est maintenant de savoir si cela sera suffisant et si dans sa mise en œuvre, cet accord ne va pas buter encore contre d’autres obstacles. Quoi qu’il en soit, si l’obtention de cet accord peut être mis au crédit de l’UA qui, pour une fois, semble tirer son épingle du jeu là où des forces internationales et pas des moindres comme Sangaris semblent s’être brisé les ailes, l’on ne peut non plus ignorer le rôle important du président soudanais, Omar el Béchir qui, malgré ses problèmes domestiques, s’est fortement impliqué dans la résolution de la crise de son grand voisin.

En tout état de cause, l’on attend de voir ce sur quoi va déboucher ce nouvel accord de paix, le huitième du genre. Car, le tout n’est pas de signer un accord. C’est la mise en application qui pose souvent problème. Encore faudrait-il que chaque partie respecte sa parole. Dans le cas d’espèce, si l’amnistie tant demandée par les groupes armés peut contribuer à ramener la paix, il appartient aux Centrafricains et à eux seuls de décider si ce sera le prix à payer. Car, si en la matière, l’on s’accorde souvent à dire qu’aucun sacrifice n’est de trop, il ne faudrait pas non plus oublier que des abus et des excès, il y en a eu à la pelle dans cette guerre où des voisins se sont retrouvés du jour au lendemain dans la peau d’ennemis. Il serait donc impératif de prendre des mesures réparatrices en faveur des familles des victimes et surtout mettre des garde-fous pour que de tels actes abominables ne se répètent plus jamais. C’est à ce prix que les Centrafricains pourront aller au désarmement des cœurs, et à la réconciliation véritable.

 

« Le Pays »


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