HomeA la uneTOGO-BENIN : Deux frères consanguins, deux antinomies en démocratie

TOGO-BENIN : Deux frères consanguins, deux antinomies en démocratie


 

Le Togo, ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest, est-il en passe de rompre avec la violence et l’opacité qui ont toujours systématiquement marqué ses rendez-vous électoraux ? L’on pourrait y répondre par l’affirmative, en se fondant sur ce que l’on a pu observer à l’occasion de cette présidentielle. Mais il faut se garder d’être catégorique et de verser dans un optimisme béat. Car nul ne sait  comment les uns et les autres vont accueillir les résultats, selon qu’ils leur seront favorables ou pas. En attendant cette inconnue au sujet de laquelle les Togolais ont des raisons objectives de n’écarter aucune hypothèse, l’on peut déjà saluer le calme dans lequel s’est déroulé le vote et le relatif esprit bon enfant qu’a connu l’entame des opérations de dépouillement. Cela est à mettre à l’actif des acteurs politiques et à celui de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO), qui avait eu le nez creux, peut-on dire, en proposant, pour minimiser les ratés, que la  présidentielle qui était initialement prévue pour se tenir le 15 avril, soit repoussée au 25 avril 2015. Une telle initiative a pu jouer positivement sur la tenue du scrutin. La seule fausse note majeure que l’on peut relever à l’occasion de cette présidentielle, pour le moment, est liée à la forte abstention des électeurs qui n’ont pas daigné faire massivement le déplacement dans les bureaux de vote pour accomplir leur devoir civique. Presqu’un électeur sur 2 inscrits sur les listes électorales, était aux abonnés absents. Cela tranche avec le fort taux de participation que l’on avait enregistré en 2010. Sans préjuger des résultats qui sortiront des urnes à l’issue du dépouillement, l’on peut déjà dire que cette abstention n’est pas pour déplaire au président sortant,  Faure Gnassingbé. En  effet, généralement, en Afrique, les partisans des présidents sortants, dans le souci de préserver leur bifteck, ne se font pas prier pour prendre d’assaut les bureaux de vote pour se donner plus de chances de maintenir leur mentor à son poste. C’est plutôt les électeurs qui sont acquis à la cause de l’opposition, qui, par dépit, sont tentés par l’abstention.

Cela dit, la grande question que l’on peut se poser aujourd’hui à propos de ce scrutin est  la suivante : le scénario nigérian a-t-il des chances de se produire au Togo ? Si cela se produisait au pays des Gnassingbé, le Togo ferait ses adieux aux républiques du Gondwana d’Afrique pour rejoindre le camp des nations qui, comme le Ghana et le Bénin voisins, peuvent se targuer d’être de véritables démocraties. Malheureusement, au Togo, cette hypothèse a peu de chances de se réaliser, au regard des considérations suivantes : d’abord, le Togo est sous la prégnance d’une dynastie vieille de plus de 40 ans. Cette longévité au pouvoir du clan Gnassingbé permet au candidat Faure de disposer d’une infernale machine électorale rodée aux techniques d’achat de consciences et de tenir en laisse toute l’administration du pays. Ce n’est donc pas demain la veille que l’opposition pourra démolir par les urnes cette forteresse, tant elle paraît inexpugnable.

Le Bénin est  irréversiblement arrimé à la démocratie

Ensuite, il y a que l’opposition togolaise est allée à cette présidentielle en rangs dispersés, contrairement à ce qu’a fait l’opposition nigériane avec les résultats que l’on sait. Enfin, il y a le fait que la donne ethnique et tribale biaise le jeu démocratique dans ce  pays. Ce constat nous amène à dire que le candidat Faure est parti, à ce scrutin, avec la garantie de rafler toutes les voix de la partie Nord du pays, sa région natale. Cette donne tribale est tellement omniprésente dans le pays et Gnassingbé père a tellement travaillé pour qu’il en soit ainsi, que le fait de voter pour un candidat qui n’est pas de son ethnie, peut être perçu comme une hérésie. Dans le même registre, Faure pourra aussi bénéficier du vote du Sud du pays, région dont est originaire  sa mère.

Toutes ces considérations font que le Togo est diamétralement opposé au Bénin voisin où ont débuté hier dimanche 26 avril 2015, des élections législatives à l’effet de renouveler le parlement. Ce pays bénéficie d’une culture démocratique qu’il a mise en place depuis que Mathieu Kérékou, l’ancien putschiste, a choisi de faire le jeu de la démocratie en 1990. Depuis lors, la démocratie béninoise continue son bonhomme de chemin en se bonifiant. Tous ceux qui soupçonnaient Yayi Boni d’avoir des velléités de tripatouiller la Constitution pour s’accrocher au pouvoir, ont été rassurés par le président béninois, pas plus tard qu’hier. En effet, celui-ci, après avoir accompli son devoir civique, a dit ceci : « Je ne serai candidat à aucune élection. Mon ambition est de mettre en place au Bénin, des institutions fortes ».

De ce point de vue, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que les présentes législatives béninoises se seront déroulées selon les normes de la vraie démocratie et qu’elles auront été un test pour la présidentielle de 2016. Une preuve supplémentaire que le Bénin est  irréversiblement arrimé à la démocratie. Le fait qu’il a adopté un calendrier électoral qui place les législatives avant la présidentielle souligne davantage la beauté de son jeu démocratique. Ailleurs en Afrique, la polémique autour du calendrier électoral est en train de faire couler beaucoup d’encre et de sang. Et sous cet angle, la Guinée a encore beaucoup de chemin à parcourir pour espérer atteindre le niveau de qualité de la démocratie béninoise. Pour toutes ces raisons, l’image la plus parlante pour traduire le paradoxe abyssal en matière de démocratie entre le Togo et le Bénin, pourrait être la suivante : Togo-Bénin, deux frères consanguins, deux antinomies en matière de démocratie.

Cette image sera-t-elle déconstruite un jour par les urnes au Togo,  pour que ce pays qui est proche du Bénin, de par la géographie, lui soit aussi proche de par ses pratiques démocratiques ?

« Le Pays »


Comments
  • Bonjour,
    Tant que la revendication fondamentale n’est pas gagné c’est à dire et tout le monde le sait c’est l’indépendance.
    Dites-moi qui des composantes du Mali s’est battue pendant un demi-siècle…
    Faites la part des choses… l’histoire vous rattrapera et vous jugera vous les décideurs…

    27 avril 2015

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