HomeA la uneMANIFS AU NIGER : Nuages sur la démocratie nigérienne  

MANIFS AU NIGER : Nuages sur la démocratie nigérienne  


 

A peine l’orage né des turbulences des élections de mars 2016 s’est-il éloigné dans le ciel nigérien, que le tonnerre se met à nouveau à gronder avec le triduum de manifs décrété par la société civile. Après une tentative avortée, le Collectif Résistance citoyenne « a remis ça » en observant hier jeudi, une journée ville morte, suivie aujourd’hui d’une journée dite de prières et une nouvelle manifestation le samedi. Le motif de ce nouveau bras de fer sur les rives  bien agitées du fleuve Niger, serait « la remise en cause de l’ordre démocratique ». Dans ce bouillon de culture, on retrouve des revendications liées aux droits et libertés consacrés par la Constitution, mais aussi des revendications plus politiques, telles la démission de la Cour constitutionnelle, la dissolution de la CENI ou l’équité d’accès aux médias de tous les acteurs politiques et sociaux. Sauf à enfouir la tête dans les dunes du désert du Ténéré pour faire la politique de l’autruche, le rififi était prévisible. D’abord, parce que les cœurs ne sont véritablement pas désarmés après le bras de fer du 17 avril dernier, même si, in fine, les opposants à Mahamadou Issoufou, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, sont rentrés dans les rangs. Et comme aiment à le dire les Ivoiriens : « les anciens tisons s’allument vite ». Ensuite, parce que les récriminations de la société civile ne sont pas sans fondements. Avant les élections, le pouvoir, à tour de bras, a procédé à des arrestations d’opposants et de leaders d’OSC qui croupissent encore dans les prisons sans jugement. Les institutions républicaines incriminées n’ont pas non plus été sans reproches dans la conduite du processus électoral. Au regard de ces éléments, on serait tenté de se  féliciter de la bonne retenue de la société civile qui s’est abstenue de mettre l’huile sur le feu aux heures chaudes de la contestation électorale où pouvoir et opposition se toisaient. Pour autant, cette brusque montée d’adrénaline des OSC nigériennes ne peut manquer de susciter des interrogations. N’agissent-elles pas par procuration pour le compte de l’opposition politique ?

La société civile, tout comme l’opposition, aurait tort de ne pas savoir faire la part des choses

Sans emboucher la trompette facile de l’infantilisation des OSC, la question a tout de même son sens dans la mesure où bien des arrestations faites, l’ont été dans les rangs de ses militants. Même à accorder le bénéfice du doute à Moussa Tchangari et aux autres leaders du mouvement de contestation, le risque de récupération politique est en tout cas réel et ce d’autant plus que sous nos cieux, la plupart des OSC sont idéologiquement inféodées aux partis politiques, quand ce n’est  tout simplement pas les partis politiques qui constituent leurs bailleurs de fonds. L’autre interrogation, non moins importante au regard de la nature très politique de certaines revendications,  est la suivante : « quelle est la frontière entre le champ d’action des OSC et celui des partis politiques ? ». Il y a en tout cas urgence à clarifier la question dans des pays où le camouflage est en passe de devenir la règle dans l’arène politique. Dans les savanes et forêts africaines, OSC et partis politiques ont souvent le même pelage et bien malin qui saurait en faire le distinguo. Enfin, on ne peut manquer de s’interroger sur l’agenda de la lutte de la société civile qui frise presque l’acharnement. Le nouveau gouvernement n’a presque pas bénéficié d’un temps de grâce que les règles de l’élégance politique lui confèrent, de la part de la société civile qui ne s’est même pas encombrée de fioritures en passant par la case avertissement. Tout se passe comme si on voulait l’empêcher de poser ses bases. On peut donc légitimement se poser la question suivante : «pour qui roulent les OSC ?» Dans tous les cas, le président Mahamadou Issoufou est averti. Son mandat ne sera pas de tout repos. Dans une atmosphère interne survoltée, il devra trouver les moyens d’assurer la sécurité de son pays. C’est loin d’être un pari gagné, quand on sait que pour vaincre le péril sécuritaire qui menace le Niger sur au moins deux de ses frontières, il a besoin de la nécessaire collaboration de tous ses concitoyens, si ce n’est tout simplement d’une union sacrée. Mais la société civile, tout comme l’opposition, aurait tort de ne pas savoir faire la part des choses et s’arrêter à temps. Il y va d’abord de leur  bien. Jonathan Tropper affirmait que : « à un moment, la rancune et la colère deviennent de mauvaise habitudes, comme fumer, et tu t’empoisonnes la vie sans t’en rendre compte. ». Il y va surtout de l’intérêt supérieur du Niger.

SAHO  


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