HomeA la une2ND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE BISSAU-GUINEENNE

2ND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE BISSAU-GUINEENNE


Les Bissau-guinéens ont été appelés aux urnes, hier,   29 décembre, pour élire leur nouveau président. En rappel, au terme du premier tour du scrutin organisé le 24 novembre dernier, deux candidats avaient été retenus. Il s’agit de Domingos Simoes Pereira et de Umaro Sissoko Embalo. Le premier avait obtenu 40,13% des voix et le second 27,65% des suffrages. Il faut aussi rappeler que les Bissau-guinéens, à ce premier tour, avaient fait preuve de  maturité et de responsabilité. Et cerise sur le gâteau,    les perdants s’étaient pliés aux résultats des urnes. La CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), qui s’était beaucoup investie pour que le pays  renoue avec la normalité institutionnelle, n’avait pas hésité un seul instant à rendre hommage aux uns et aux autres. Car, pour qui connaît ce pays, les choses n’étaient pas gagnées d’avance. Hier donc, il fallait parachever ce que les Bissau-guinéens avaient bien commencé. Et tout laisse croire que les Bissau-guinéens sortiront de ce deuxième tour par le haut. La preuve, c’est que la campagne électorale s’est passée comme un long fleuve tranquille.

 

La logique, en politique, n’est pas  mathématique

 

Le pays s’est même offert le luxe d’organiser un duel civilisé entre les deux finalistes. Ce grand moment digne des démocraties avancées, a été suivi avec intérêt par les Bissau-guinéens. L’un dans l’autre, l’on peut dire que le pays est en train de s’aménager une place dans le concert des nations civilisées. En tout cas, c’est tout le mal que l’on peut souhaiter au pays d’Amilcar Cabral. Cela dit, le scrutin du 29 décembre a de fortes chances d’être le scrutin le plus ouvert de l’histoire du pays. Et c’est tant mieux pour la démocratie. Théoriquement, l’on peut prendre le risque de pronostiquer pour Domingos Simoes Pereira. Et les raisons sont les suivantes : D’abord, au premier tour, il est  arrivé largement tête avec un score de 40,13%. En outre, il est porté par un parti dont l’histoire se confond avec celle du pays voire avec celle du Cap Vert. En effet, le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée  et du Cap-Vert), puisque c’est de lui qu’il s’agit,     a joui pendant très longtemps du statut de parti-Etat et a su, de ce fait, se forger une machine électorale redoutable et efficace. La probabilité est donc forte que son candidat en profite pour se faire élire. Mais pour autant, Embalo a aussi des chances réelles de remporter le scrutin. D’abord, la logique, en politique, n’est pas   mathématique. De ce point de vue, le score obtenu par son rival au premier tour peut ne pas se renforcer au 2nd tour. Le cas de la Guinée est édifiant sur ce sujet. En effet, lors de la présidentielle de 2010, Cellou Dalein Diallo avait eu un score confortable au premier tour, laissant très loin derrière lui, Alpha Condé. Au second tour, ce dernier avait réussi le tour de force d’inverser les tendances en battant son rival. La deuxième raison est que Embalo est à la tête d’un parti créé par des dissidents du parti historique. Et en l’espace d’un an et demi, il a su apporter la preuve qu’il ne compte pas pour du beurre sur l’échiquier politique du pays. En effet, le MADEM G15, son parti, est la première force politique de l’opposition au sein du parlement.

On attend de voir si les jeux d’alliance vont fonctionner

 

La troisième et dernière raison qui milite en faveur du champion du Madem G15, est qu’il s’est positionné comme l’homme du changement et de la rupture. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cet argument peut être bien reçu par les électeurs. En effet, comme cela s’est passé sous d’autres cieux, comme en Tunisie par exemple, ce scrutin peut donner lieu à un vote sanction contre le parti historique. En effet, n’ayons pas peur des mots. Le PAIGC a certes conduit le pays à la libération et à l’indépendance, mais l’on peut véritablement se poser la question de savoir si sa longue gouvernance a su bonifier l’indépendance acquise en 1974. L’on peut en douter. En tout cas, entre le Cap-Vert et la Guinée-Bissau, c’est le jour et la nuit. Et le gâchis dans lequel végète la Guinée-Bissau depuis 1974, peut être imputé au PAIGC. Et le simple fait que Pereira en est le porte-flambeau aujourd’hui, peut lui valoir un vote-sanction. Il n’est donc pas exclu que les Bissau-guinéens mettent à profit le deuxième tour de la présidentielle pour tremper leur foutou dans une autre sauce que celle du PAIGC. Au centre donc de ce scrutin, se pose la question de savoir si les électeurs vont se positionner pour la continuité avec le candidat du parti historique ou pour la rupture avec le candidat du Madem G15. Une autre donne qui pourrait être déterminante pour l’issue du scrutin, est   liée au report des voix. A ce sujet, l’on sait que le chef de file du Madem G15 a déjà bénéficié du soutien des candidats arrivés 3e et 4e au premier tour du scrutin. Mais, en Afrique plus qu’ailleurs, ce genre d’alliances n’engage que les responsables de partis qui les ont scellées. Et tout cas, on attend de voir si ces jeux d’alliance vont fonctionner ou pas. Et c’est l’un des enjeux de ce deuxième tour. Un autre enjeu non moins important est le taux de participation. Car, au moment où nous tracions ces lignes, il était jugé intéressant. Il reste à souhaiter que le meilleur gagne et que ce meilleur travaille enfin à résoudre les nombreuses préoccupations du peuple bissau-guinéen ; lui qui, depuis l’indépendance du pays en 1974, est abonné à la misère, aux coups d’Etat violents et au  manque de perspectives pour les jeunes. De ce point de vue, quel que soit le vainqueur de ce scrutin, il doit immédiatement retrousser ses manches, tant les défis qui l’attendent sont immenses et complexes.

 « Le Pays »


No Comments

Leave A Comment