ARRESTATION DE NAIM TOURE : « Une violation de la liberté d’expression », selon des OSC
Ceci est une déclaration d’Organisations de la société civile, suite à l’interpellation de l’activiste Naïm Touré par la gendarmerie. Interpellé le 14 juin dernier, ce dernier est accusé d’incitation à la révolte.
Le jeudi 14 juin 2018, le jeune activiste et lanceur d’alerte de renom, Naïm Touré, a été interpellé par la gendarmerie nationale et placé en garde à vue, au motif d’incitation à la révolte. L’acte incriminé est une publication assez critique effectuée par Naïm Touré sur le réseau social facebook, la veille de son arrestation.L’appel de Naïm est une réaction, suite à un écrit du journal Sidwaya dans sa rubrique Kantigui du mercredi dernier. Les faits ont été révélés par le quotidien d’Etat, afin d’attirer l’attention du public et des autorités sur le sort d’un soldat qui a failli laisser sa vie au service de son pays.
A la lecture de l’écrit de Naïm Touré, il nous apparaît qu’aucune interprétation ne peut déboucher sur une incitation à la révolte. Il s’agit, tout au plus, d’un cri de révolte et d’humanisme, face à la situation d’un agent de la sécurité (gendarmerie) blessé lors d’une opération de protection des personnes et des biens, contre des présumés terroristes. L’arrestation du jeune activiste comporte donc quelques curiosités criardes. Les faits sont-ils erronés ? Le blessé a- t- il déjà été soigné et mis hors de cause en ce qui concerne sa santé ? Au moment de l’affaire, Henry Traoré est-il en passe de perdre l’usage de son bras ou non ? Enfin, est-il en souffrance d’évacuation pour des soins plus appropriés ou pas ? Si les réponses à ces questions sont celles suggérés par Kantigui, alors l’indignation de Naïm Touré est profondément légitime, et tous les défenseurs des droits humains la partagent. Le sort de Henry Traoré, si les faits sont avérés, révèle de la négligence de la part des services en charge de son cas médical et les responsabilités devront être situées. Les investigations menées auprès de la gendarmerie pour connaître ce qui est reproché à Naïm Touré sont restées infructueuses. Les services de gendarmerie se renvoient la responsabilité et prétextent l’absence des «chefs» pour même permettre de rencontrer le prévenu ou d’avoir des informations. Manifestement, les règles de procédures ne seront pas respectées, puisque la garde à vue pourrait atteindre cent vingt heures, ce qui est un abus pour les délits courants et ne se justifie que dans les affaires de terrorisme. Par ailleurs, les services judiciaires répandent des bribes de demi-informations, du genre : «ce n’est pas seulement l’écrit de Naïm qui lui vaut d’être arrêté, il y a d’autres éléments». Il s’agit là d’une pratique bien connue, ces éléments ne seront jamais portés à la connaissance ni du prévenu, ni de l’opinion, et le détenu restera un certain temps en prison.
Les défenseurs des droits humains considèrent la détention de Naïm Touré comme une violation de la liberté d’expression consacrée par la Constitution et une destruction de l’élan de solidarité et de l’union sacrée entre les Burkinabè et leurs vaillants combattants au front contre l’ennemi qui endeuille le Burkina Faso. En tout état de cause, il s’agit clairement d’un délit d’opinion qui constitue un abus en démocratie. Les autorités judiciaires savent très bien que le rôle des défenseurs des droits humains et des lanceurs d’alerte est de révéler les situations irrégulières, de dénoncer les dérives et les négligences et d’interpeller l’opinion et les autorités responsables. Il ne sera fait aucune concession sur ce rôle hautement sociétal. Par ailleurs, l’accusation d’incitation à la révolte paraît nettement risible dans ce cas-ci. Si un tel écrit peut entraîner des unités de gendarmerie à la révolte, il faudrait réviser leur professionnalisme et leur loyauté. Si ce risque existe vraiment, l’Etat-major gagnerait à changer ses effectifs. Les organisations de protection des droits humains et les défenseurs des droits de l’Homme et de la démocratie signataires du présent communiqué, au vu des éléments en leur possession, estiment qu’aucune infraction n’est constituée dans l’écrit de Naïm Touré et sa détention est arbitraire. Pour ce faire, elles :
– exigent sa relaxe pure et simple sans délai,
– tiennent les autorités pour responsables de l’indifférence que les populations pourraient afficher vis-à-vis des FDS dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme,
– prennent à témoin les démocrates, les partenaires du Burkina Faso, en particulier l’Union européenne et les défenseurs de la liberté d’expression, de la remise en cause de ce principe fondamental de la démocratie au Burkina Faso.
Fait à Ouagadougou, le 16 juin 2018
Ont signé :
– Cercle d’éveil,
Evariste Konsimbo
– Réseau des organisations de société civile pour le développement, (RESOCIDE),
Siaka Coulibaly
– Observatoire pour la démocratie et les droits de l’Homme (ODDH),
Lookman Sawadogo
– Convergence citoyenne et panafricaine (CCP),
So Ousmane
– Association Femmes Battantes,
Bertine Ouédraogo
Made
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Les gens ne savent pas qu’il faut parfois saisir l’occasion de se taire. Quand ce qu’on veut dire est nettement moins que rien, il faut savoir se taire. Si c’est une entrave à la liberté d’expression, alors, que ces OSC publient la même chose pour voir ce qui va leur arriver. La liberté d’expression n’est pas la culture de l’idiotie dans ces publications. Allons au niveau micro: si quelqu’un qui vit dans ma cours incite publiquement et officiellement mes enfants, femmes et frères à se révolter contre moi, il verra ce qui va lui arriver. Ces OSC ont raté une belle occasion de se donner de la valeur. Ce activiste aura largement le temps de méditer sur ses activités en prison.
22 juin 2018