HomeLignes de mireREPORT DES ELECTIONS LOCALES AU BENIN :A qui profite le crime ?

REPORT DES ELECTIONS LOCALES AU BENIN :A qui profite le crime ?


Pour des « contraintes physiques, matérielles, techniques, technologiques, constitutionnelles et légales », les élections municipales, communales et locales sont à nouveau reportées au Bénin. L’annonce en a été faite en début de semaine, après une rencontre entre le chef de l’Etat et les présidents des institutions de la République, en dehors du président de l’Assemblée nationale qui était absent. Mais à dire vrai, les Béninois ne sont pas vraiment surpris par cette décision, étant donné que la liste électorale serait toujours en cours de correction.

 

Si le constat du retard est clair, le report est louable pour la bonne tenue du scrutin

 

Et tant que cette étape cruciale n’est pas franchie, il ne saurait y avoir d’élections, d’autant plus qu’au Bénin, cette liste est informatisée et est la seule forme de liste électorale valable pour tout scrutin, suite à une décision de la Cour constitutionnelle, prise en avril 2010. Toutefois, en raison justement de l’informatisation de ce fichier, les choses devraient, en principe, permettre d’aller beaucoup plus vite en besogne pour pouvoir tenir les élections à bonne date, à moins que le logiciel utilisé ne soit pas fiable ou qu’il n’y ait d’autres types de problèmes.

Mais disons-le tout net. Le report des élections, en lui-même, n’est pas condamnable. Si le constat du retard est clair et qu’il y a d’autres raisons objectives de le faire, cela est même louable pour la transparence et la bonne tenue du scrutin. Du reste, ce n’est pas la première fois que des élections sont reportées en Afrique.

Mais quand on sait que ces élections-là devaient se tenir depuis 2013, et qu’après un premier report, le président Yayi Boni s’était engagé  à les organiser d’ici à la fin de l’année 2014, il est incompréhensible qu’à presque deux mois de cette échéance, les choses n’aient pas évolué de façon à favoriser la tenue de ce scrutin dans ce délai. Qu’a-t-on fait pendant tout ce temps ? Ou que n’a-t-on pas fait ? En tout cas, selon le président de la Cour suprême dont on se demande du reste s’il était la voix la mieux indiquée pour faire cette annonce, il apparaît aujourd’hui que les délais sont trop courts pour le dépôt des candidatures, qui doit intervenir 45 jours avant le scrutin d’une part, et la convocation du corps électoral dont la liste doit être déposée 60 jours avant la date du scrutin, d’autre part. Aussi, se baser sur ces arguments pour justifier ce report suscite-t-il quelques interrogations. Les autorités béninoises se sont-elles laissé piéger dans un processus informatique mal maîtrisé ? Si c’était le cas, quelles en seraient les conséquences sur les élections législatives et présidentielles à venir ? Ce retard a-t-il été volontairement causé pour servir des desseins cachés ? Dans ces conditions, à qui profiterait-il ? Faut-il y voir une manœuvre, une ruse du pouvoir, ou est-ce une simple nécessité? Autant de questions que l’on peut légitimement se poser, d’autant plus que ces élections de proximité ont été reportées sine die, toutes choses qui ont justement poussé l’opposition à donner de la voix pour demander  la publication d’un calendrier électoral précis.

 

Il revient aux autorités de Cotonou de surprendre agréablement leurs compatriotes

 

En tout état de cause, même si l’on peut croire en la sincérité du report, l’on ne peut s’empêcher de penser que les autorités ont profité de cette situation pour prendre une décision qui pourrait les arranger, compte tenu de la confusion qui règne en ce moment au sein du parti au pouvoir où les rangs ne sont plus très serrés derrière le président Yayi Boni.

Dans tous les cas, l’on n’aurait pas vu derrière ce report des intentions immorales, s’il n’y avait pas justement eu ce clash au sein de la majorité présidentielle, et si malgré ses dénégations mille fois répétées, le doute n’avait pas subsisté quant aux velléités de Yayi Boni de modifier la Constitution de son pays pour se représenter à l’élection présidentielle de 2016, au terme de son dernier mandat constitutionnel.

Il revient donc aux autorités de Cotonou de surprendre agréablement leurs compatriotes et les observateurs de la scène politique béninoise, en tenant à bonne date les élections législatives de 2015 et les présidentielles de 2016.

 

Outélé KEITA


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