HomeA la uneSOMMET ANNONCE DE LA CEDEAO SUR LA GUINEE-BISSAU :Quels moyens coercitifs pour l’institution sous-régionale ?

SOMMET ANNONCE DE LA CEDEAO SUR LA GUINEE-BISSAU :Quels moyens coercitifs pour l’institution sous-régionale ?


En Guinée-Bissau, le ton monte entre la CEDEAO et le président José Mario Vaz. En effet,  la décision de ce dernier,  de démettre le gouvernement du Premier ministre, Aristide Gomez pour en nommer dans la foulée un autre,  a entraîné le pays dans une véritable crise institutionnelle au sommet de l’Etat, avec deux Premiers ministres et deux gouvernements. Une situation qui a obligé la CEDEAO à dépêcher, le 3 novembre dernier, une délégation à Bissau, pour tenter de dénouer la crise entre les deux protagonistes. Réaffirmant son soutien au gouvernement du Premier ministre, Aristide Gomes, l’institution sous-régionale a fait comprendre au président Vaz, le caractère « illégal » de son décret. D’autant qu’au terme de son sommet de juin dernier, la feuille de route qui avait été arrêtée, prévoyait clairement le maintien du président Vaz à son poste, malgré l’expiration de son mandat, mais avec des pouvoirs limités. Par conséquent, il revenait au gouvernement  d’Aristide Gomes de mener le pays aux élections.

Le président Vaz est toujours dans la fuite en avant

Mais la rencontre de Bissau a tourné plutôt court. Le président Vaz ayant non seulement fait dans la résistance, mais aussi dans la défiance en campant sur sa position.  Ne voulant pas rester sur un échec, la CEDEAO n’a pas mis du temps à comprendre à quel type de personnage elle a affaire et surtout le jeu trouble auquel veut s’adonner le chef de l’Etat. Ce qui pourrait avoir des conséquences fortement dommageables pour ce pays qui tient pourtant la stabilité de ses institutions de la forte implication de l’instance sous-régionale.

En effet, en qualifiant ses récents décrets d’«irréversibles » et en mettant en avant son titre de chef suprême des armées,   le président Vaz dont la rencontre avec les émissaires de la CEDEAO n’a du reste duré qu’une toute petite demi-heure pour un sujet aussi crucial pour l’avenir de son pays, est toujours dans la fuite en avant et est déterminé à organiser ses élections. A quoi est-il adossé pour adopter une telle attitude de bravade vis-à-vis de l’institution sous-régionale, quand on sait qu’il a été lâché par son propre parti ?  Lui seul a la réponse à une telle question. Mais en choisissant d’ignorer royalement la CEDEAO et d’en faire à sa tête, « Jomav », fait preuve d’une ingratitude à nulle autre pareille, quand on sait qu’il doit quelque part son accession à la tête de l’Etat, à l’implication de l’instance sous-régionale qui a jusque là permis de tenir la soldatesque à distance du pouvoir.

Cela dit, pour la rencontre de Niamey, la CEDEAO a été claire. « Nous avons rencontré le chef de l’Etat, qui nous a donné les raisons pour lesquelles il a eu cette réaction, qui tient surtout à des rapports internes entre les deux. Nous lui avions fait comprendre que la légalité doit pouvoir continuer à prévaloir. Il y a un sommet le 8, le chef de l’Etat sera à Niamey. Les chefs d’Etat lui donneront la primeur de leur décision finale ». Va-t-on vers un ultimatum de la CEDEAO à l’endroit du président Vaz ? Les menaces de sanctions suffiront-elles à le faire revenir sur sa décision ou couleront-elles sur lui comme de l’eau sur les plumes d’un canard ? De quels moyens de coercition dispose l’institution sous-régionale pour faire fléchir le maître de Bissau ? On attend de voir. Car, une chose est de convoquer un sommet, une chose est d’avoir les moyens de sa politique.

On attend de voir qui de Vaz et de la CEDEAO aura le dernier mot

Mais en la matière, la CEDEAO a plus d’une fois su prouver qu’elle savait non seulement faire preuve de fermeté contre les brebis galeuses de la démocratie dans la sous-région, mais aussi qu’elle savait se faire respecter quand la situation l’exigeait. Ce fut notamment le cas avec le capitaine malien Amadou Haya Sanogo quand ce dernier a tenté de confisquer le pouvoir à Bamako et l’ex-dictateur gambien, Yahya Jammeh, quand il a aussi tenté de remettre en cause les résultats de la présidentielle qui avaient vu la victoire de son rival, Adama Barrow.

La CEDEAO était intervenue dans les deux cas, pour faire respecter l’ordre. C’est pourquoi il y a des raisons de croire que le cas bissau-guinéen est un nouveau défi pour l’institution sous-régionale qui, on l’espère, saura une fois de plus faire triompher le droit. Il y va de sa crédibilité. Surtout qu’elle n’entend pas s’écarter de sa feuille de route qui veut que le calendrier électoral du 24 novembre prochain, soit aussi respecté. C’est dire si la CEDEAO est engagée dans une véritable course contre la montre. D’autant que la campagne de la présidentielle a été lancée le week-end dernier. C’est donc peu de dire que tous les regards sont à présent tournés vers elle.

Et pour la symbolique, on peut se réjouir du choix de Niamey pour la tenue de ce sommet extraordinaire tant le président nigérien, Mahamadou Issoufou, dans cette faune politique africaine où les chefs d’Etat se montrent les uns toujours plus assoiffés de pouvoir que les autres, a su faire preuve d’un admirable détachement du pouvoir. Une attitude de noblesse qui fait honneur à la démocratie et qui devrait permettre au chef de l’Etat nigérien d’assener ses quatre vérités au maître de Malabo qui est en train d’emboîter le pas à tous ces satrapes du continent qui ne s’imaginent pas une vie en dehors du pouvoir, et qui sont prêts à toutes sortes de dérives et de micmacs politiques pour s’accrocher à leur fauteuil, dussent-ils pour cela entraîner leur pays dans le chaos.

En tout état de cause, maintenant que les dés sont jetés et que le compte à rebours de la présidentielle a commencé, on attend de voir qui de Vaz et de la CEDEAO aura le dernier mot.

« Le Pays »

 


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