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ARRESTATION DE JEAN CLAUDE BOUDA


La nouvelle a fait l’effet d’une bombe au Burkina Faso : Jean Claude Bouda, ancien ministre de la Défense, interpellé et déposé à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Qui l’eût cru ? Il y a de cela quelques années encore, c’était quasiment impensable qu’un haut cadre proche du président de la République, connaisse un tel traitement qui passe, aux yeux de beaucoup, pour une humiliation voire un lâchage en règle, tant des dénonciations de cas de mal gouvernance et de prévarication des biens publics, il y en a eu à la pelle sans que cela n’ait ému au plus haut sommet de l’Etat. Du temps de Blaise Compaoré, on se demandait même si le locataire du palais de Kosyam ne fermait pas volontairement les yeux sur les agissements de ses collaborateurs pour mieux les tenir par la barbichette. Sous Roch Marc Christian Kaboré, les mêmes tares dans la gouvernance et autres reproches de mauvaises pratiques faits au régime déchu de l’enfant terrible de Ziniaré, reviennent telle une vieille rengaine alors que le peuple insurgé s’attendait à une rupture.

Un signal fort à l’endroit des dirigeants actuels

Alors question : l’arrestation de l’ancien ministre de la Défense que l’on dit très proche du chef de l’Etat, marque-t-elle un tournant pour une gestion plus vertueuse de la chose publique ? Les Burkinabè n’en demandent pas plus. En attendant, force est de constater que Jean Claude Bouda qui, dans le cas d’espèce, fait l’objet d’une plainte du Réseau national de lutte anticorruption (RENLAC) pour délit d’apparence en lien avec sa villa cossue construite dans sa région d’origine, à Manga, à coût de centaines de millions de francs CFA, est un gros poisson pris dans la nasse de la Justice burkinabè. Pas seulement en sa qualité d’ancien ministre, mais aussi en tant que membre influent du parti au pouvoir. De là à le voir comme le mouton du sacrifice du pouvoir à quelques encablures des prochaines élections, il y a un pas que d’aucuns ont vite fait de franchir. Surtout si son dossier judiciaire devait connaître le même sort que certains dossiers emblématiques qui ont jusque-là de la peine à connaître leur épilogue en Justice. C’est pourquoi, autant l’arrestation de celui qui fut aussi ministre de la Jeunesse sous l’ancien régime et Directeur général du SIAO (Salon international de l’artisanat de Ouagadougou) peut être perçue comme une grande avancée dans la lutte contre la corruption au Burkina, autant les Burkinabè sont curieux de connaître l’épilogue de cette affaire. Pourvu donc qu’éclate la vérité ! En attendant, cette interpellation apparaît comme un signal fort à l’endroit des dirigeants actuels. Et si cela peut les amener à plus de rigueur dans la gestion de la chose publique pour ne pas risquer de se laisser rattraper par leur passé, ce sera déjà cela de gagné. Car, si l’objectif de la loi sur le délit d’apparence votée en 2015, est de tendre vers un assainissement des mœurs en matière de gestion des biens publics, il n’en demeure pas moins qu’elle a toutes les allures d’une loi expérimentale qui ne demande qu’à être affinée, au regard des difficultés qu’elle rencontre dans son application. De ce point de vue, Jean Claude Bouda, sauf erreur ou omission, en apparaît comme le premier cobaye et l’on attend de voir comment la Justice sera rendue dans son cas et quelle en sera la portée.

Il faut espérer que l’affaire aille jusqu’au bout et que les choses se déroulent dans la plus grande transparence

C’est dire si l’arrestation de celui qui, dans un passé encore récent, voulait « terroriser les terroristes », est aussi un défi pour la Justice burkinabè. Et c’est peu dire qu’elle joue aussi sa crédibilité, dans un dossier comme celui-là. Car, une chose est de juger quelqu’un pour délit d’apparence, une autre est de prouver de façon irréfutable, sa culpabilité. Et c’est sur ce terrain-là que la Justice burkinabè est attendue. D’autant que la mentalité post-insurrectionnelle de certains Burkinabè, a déjà fini de condamner le prévenu. Or, jusqu’à preuve du contraire, Jean Claude Bouda bénéficie de la présomption d’innocence. Au-delà, son cas pourrait en appeler d’autres.  En tout état de cause, cette interpellation d’un cacique du régime en place sous la pression d’un mouvement anticorruption, est, dans la forme, un fait suffisamment rare sous nos tropiques pour être souligné. C’est la preuve que les lignes bougent au Burkina Faso et que le « plus rien ne sera comme avant » est en marche, même si c’est à pas de caméléon.  A ce propos, il faut rendre hommage au Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) dont on salue le courage et la détermination. S’il n’avait pas porté plainte, il est quasi certain que l’affaire serait restée sans suite. En tout cas, cette arrestation vient marquer, d’une certaine façon, l’indépendance de la Justice dans une affaire qui aurait pu être étouffée d’une façon ou d’une autre. Et si cela relève de la volonté du président Kaboré, de ne pas interférer dans les affaires de la Justice en ne cherchant pas à protéger la tête de proches, cela est à son honneur. Dans le fond, il faut espérer que l’affaire aille jusqu’au bout et que les choses se déroulent dans la plus grande transparence. Il y va de l’intérêt de tous, y compris de Jean Claude Bouda qui ne demande qu’à laver son honneur et dit s’être volontairement « mis à la disposition de la Justice afin que la vérité soit manifestée… ».

 « Le Pays »


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