HomeA la uneACCORD SUR LE RAPATRIEMENT DU CORPS D’ETIENNE TSHISEKEDI

ACCORD SUR LE RAPATRIEMENT DU CORPS D’ETIENNE TSHISEKEDI


En attendant le glissement…

La polémique qui faisait rage autour du rapatriement de la dépouille de l’opposant historique, Etienne Tshisekedi, de la République démocratique du Congo (RDC), pourrait bientôt s’estomper avec la signature, samedi dernier, d’un protocole d’accord entre les trois parties en bisbilles dans cette indécente affaire, à savoir la famille biologique de l’illustre disparu, sa formation politique et le gouvernement congolais. Aux termes de cet accord signé par Monseigneur Gérard Mulumba au nom de la famille, Henri Mova et André Kimbuta représentant le gouvernement congolais et par Jean-Marc Kabund de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi pourra enfin reposer en paix dans son pays natal avant la fin du mois de mai prochain, du moins si tout se passe comme annoncé. Pour la circonstance, une trêve politique sera décrétée, et des hommages populaires et officiels seront rendus au plus célèbre des opposants politiques congolais, au Palais du peuple à Kinshasa. Le lieu de l’inhumation aurait également fait l’objet de consensus, et c’est la concession familiale qui servira de dernière demeure au vieux patriarche arraché à l’affection des siens depuis le 1er février 2017. A quelques mois du tournant décisif de l’histoire de la RDC avec cette élection présidentielle à hauts risques, prévue pour la fin de l’année en cours, c’est plutôt une bonne nouvelle, politiquement parlant, pour ce pays cycliquement englué dans des crises de tous ordres, car le fait que les différents acteurs ont décidé d’accorder leurs violons pour sortir le corps du défunt du frigo, contribuera un tant soit peu à décrisper l’atmosphère sociopolitique. Mais pour sa famille biologique et politique, de même que pour le clan du président Joseph Kabila, la polémique, pour indécente qu’elle puisse être, avait sa raison d’être puisqu’elle a permis à chacune des trois parties de tirer son épingle du jeu : la famille biologique a obtenu que l’enterrement se fasse dans la cour familiale et non dans le cimetière de la commune populaire de la Gombé comme le souhaitait le pouvoir, et ce dernier peut se féliciter de ce qu’il en soit ainsi, plutôt que de voir celui qui s’est opposé à tous les régimes qui se sont succédé au Congo depuis 1982, reposer au siège du parti qu’il a créé et dirigé de son vivant, pour ne pas en faire un lieu de pèlerinage ou même de ralliement pour tous les déçus de Joseph Kabila Kabengué.

Il n’est pas exclu qu’une éruption politique soudaine provoque d’ici là un glissement de calendrier

Pour l’UDPS et notamment pour son nouveau patron et fils du défunt, Félix Tshisekedi, la renonciation aux exigences de départ a fait certainement suite à des contreparties politiques dont nul ne connaît pour l’instant ni l’ampleur ni la nature. Bref, c’est un échange de bons procédés qui pourrait permettre au nouveau chef de file de l’opposition de sauver les meubles au moment où il est contesté de l’intérieur du parti par des dissidents dont le plus virulent est l’actuel Premier ministre, Bruno Tshibala. Le président congolais, qui n’est certainement pas étranger à cette tentative de balkanisation de l’UDPS, a dû rassurer l’aile dirigée par Félix Tshisekedi en discutant avec elle des modalités de rapatriement du corps, de l’inhumation et des obsèques de son père, plutôt que de laisser à Bruno Tshibala et aux siens, le soin d’organiser ces cérémonies funéraires. Un choix certainement guidé par la realpolitik, et qui pourrait déboucher sur l’éviction du Premier ministre qui ne serait plus d’une grande utilité pour le président Joseph Kabila. Une façon comme une autre pour ce dernier, de négocier le dernier virage avec Félix Tshisekedi avant l’échéance fatidique de décembre prochain qui, en principe, le mettrait à la retraite politique, avec tout ce que cela suppose comme tracasseries judiciaires et redditions de comptes. En tout état de cause, c’est l’aile de l’UDPS incarnée par Tshisekedi-fils, qui pourrait sortir politiquement grandie de ce deal avec le parti au pouvoir, avec la possibilité de se voir attribuer le prestigieux poste de Premier ministre que Jean-Marc Kabund, fidèle parmi les fidèles de Félix Tshidekedi, pourrait occuper. Et comme un arrangement peut en cacher un autre, Joseph Kabila pourrait ainsi négocier pour lui-même et pour ses proches, la clémence du leader de l’UDPS au cas où celui-ci arriverait au pouvoir. Mais tout cela relève de la politique-fiction, et les hypothèses ci-dessus émises ont d’autant moins de chances de se réaliser que nous sommes en République démocratique du Congo, où les alliances se nouent et se dénouent généralement au gré des humeurs du chef de l’Etat. Il n’est donc pas exclu que dans ce pays volcanique, une éruption politique soudaine provoque d’ici là un glissement de calendrier, et que Etienne Tshisekedi, même mort, continue pendant plusieurs mois encore d’alimenter les débats et les controverses qui, habituellement et malheureusement, se terminent par des affrontements et des combats de rue le plus souvent meurtriers.

Hamadou GADIAGA


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