AFFAIRE DE TENTATIVE D’ENROLEMENTS FRAUDULEUX : Que s’est-il passé à Ouahigouya ?
L’affaire fait déjà couler beaucoup d’encre et de salive. Il s’agit de celle dite de tentative d’enrôlements frauduleux entrant dans le cadre des élections présidentielle et législatives du 11 octobre prochain. Les faits se sont déroulés le dimanche 22 mars 2015 dans la cité de Naaba Kango. Comment en est-on arrivé à cette polémique qui a fait monter la tension entre les partis politiques au Yatenga ?
Ouahigouya, 22 mars 2015. En cette journée dominicale, la ville grouille de monde avec des mariages en cascade. Il était 15h passées, lorsque nous avons été alerté de la présence « suspecte » de 3 cars transportant des personnes, la plupart des jeunes. Notre informateur précise que lesdits cars sont en stationnement au niveau de la cité des forces vives. Aussitôt informé, nous nous y sommes rendu pour vérifier l’information. A notre arrivée, nous n’avons trouvé qu’un car et non 3. Il était rempli de jeunes gens, dont l’âge varie entre 18 et 30 ans. Ces voyageurs d’un soir ont occupé une villa cossue à la cité des forces vives. Nous nous sommes approché d’un des occupants pour satisfaire notre curiosité. Notre interlocuteur nous apprendra qu’ils sont à Ouahigouya, dans le cadre d’un mariage. Un autre, apparemment plus âgé, nous explique : « C’est un mariage qui se déroule à 16h à Gourcy. Nous sommes là pour nous désaltérer avant de retourner à Gourcy.» C’est lors de notre conversation qu’un deuxième car, d’immatriculation burkinabè, arriva. A son bord, un nombre impressionnant de jeunes. Un des voyageurs du car nous confie être là pour un mariage qui a lieu au secteur 5 de Ouahigouya. Immédiatement, nous nous y sommes déporté pour vérifier le déroulement dudit événement. Sur les lieux, une de nos sources nous apprend qu’il s’agit d’enrôlement. Nous voilà à l’école du secteur 5 où sont logés 3 sites d’enrôlement. Selon les 3 opérateurs de kits avec qui nous avons pu nous entretenir, la journée du dimanche y a connu une inscription massive. Chacun d’eux a laissé entendre avoir enrôlé une trentaine de personnes, alors que les jours précédents, ils ne dépassaient pas 5 personnes. A 16h 27mn, l’opérateur Ismaël Sawadogo totalisait 95 enrôlés et ses collègues Jean-Baptiste et Marcel Bationo, respectivement 91 et 99. Ces chiffres représentent les six jours d’enrôlement.
Des cars loués à 450 000 F CFA
A en croire Ismaël Sawadogo, une personne, détentrice d’une carte d’identité nigérienne, voulant se faire enrôler, a été purement et simplement refoulée. Aussi, au moins trois personnes enrôlées portent le nom Tassembédo. Ces témoignages nous ont été donnés en présence du président de la Commission électorale communale indépendante de Ouahigouya (CECI), Adama Ouédraogo. Alors que l’horloge marquait 16h 53mn, le secrétaire général adjoint du CDP/Yatenga arrive.
Il tient des propos inamicaux aux opérateurs de kits et dit avoir été informé d’une fraude massive en préparation dans cette école. Mis au courant du nombre d’enrôlés du jour, Barou Ouédraogo monte au créneau pour demander à Ismaël Ouédraogo et à ses pairs de faire preuve de vigilance. Dans le même temps, nous avons joint au téléphone le commissaire de la CENI pour le Nord, Philomène Saba, qui a confié avoir été alertée d’une vague massive d’enrôlements dans ce bureau. Des véhicules ont-ils convoyé des gens depuis la Côte d’Ivoire pour se faire enrôler à Ouahigouya ? Nous ne pouvons rien confirmer. Toujours est-il que nous sommes entré en contact avec le PDG des 2 cars. Celui-ci, répondant aux initiales de Y.G, reconnaît avoir loué ses deux véhicules à 450 000 F CFA pour la seule journée du dimanche. « Ils sont venus me voir et m’ont dit qu’ils voulaient louer mes deux cars pour un mariage à Ouahigouya. Je suis commerçant et je ne pouvais vérifier leur destination. C’est par la suite que des gens m’ont appelé pour dire que ce sont des politiciens. J’ai souffert en Côte d’Ivoire pour avoir mes cars et je ne m’y connais pas en politique», nous a confié le propriétaire des cars. A écouter les militants de l’ex-parti majoritaire, ces véhicules auraient été envoyés par des « gourous » du MPP depuis la Côte d’Ivoire, afin d’obtenir l’enrôlement de ces jeunes à Ouahigouya. « Faux ! », a rétorqué Mamadou Ouattara que nous avons rencontré dimanche soir à son domicile. « Nous sommes étrangers à ces cars et nous ne sommes mêlés ni de près ni de loin à ce qui se dit. Si ces cars viennent de la Côte d’Ivoire, on peut d’ores et déjà imaginer les commanditaires. » Un autre responsable du MPP est formel : « Nous avons des sources qui nous disent que ces cars ont été loués par l’ADF/RDA. Il y a eu un car qui a continué à Soubo » (ndlr : village natal du président de l’ADF/RDA). En tout cas, les supputations vont bon train.
Dans le même ordre d’idées, une structure se réclamant de la société civile menant des activités bénévoles pour les élections au Burkina Faso, a convoqué lundi soir la presse pour une conférence. Les conférenciers, Sawadogo Tasséré dit Tass Tass et Abdramane Barry ont révélé qu’un car transportant des étrangers a été vite détecté le dimanche dans le village de Soumiaga. Aux dires des conférenciers, une quinzaine de personnes se sont fait enrôler. Alerté, Abdramane Barry s’est déplacé sur les lieux et a pu vérifier les informations. C’est en pleine conférence que les journalistes ont reçu une autre information qui met en cause une enseignante prise en tentative de fraude. Lorsque nous sommes arrivé à la gendarmerie, cette dame était gardée par les pandores. Ces derniers se sont refusés à tout commentaire. Une autre dame que nous avons croisée sur les lieux, nous a dit être la sœur de l’interpellée. « Elle est victime de sa naïveté ; elle aurait pu éviter ce qui lui arrive. C’est une histoire d’actes de naissance… ». Mais elle sera immédiatement stoppée dans ses explications par un monsieur qui, selon toute vraisemblance, a des rapports familiaux avec la dame en question. Aux dernières nouvelles, nous apprenions que la dame a été libérée pendant que l’enquête se poursuivait. Quant aux fameux cars qui font polémique actuellement, les forces de l’ordre sont à pied-d‘œuvre pour tirer l’affaire au clair.
Hamed NABALMA