PORTE-PAROLE D’UN REGIME DICTATORIAL : Une mission cornélienne
Les effets de l’addiction à la drogue dure du pouvoir, n’en sont que fort désastreux ! On a envie de croire en effet que le flot impétueux du désir du président Joseph Kabila, de s’éterniser au pouvoir, a fini par emporter toutes les digues de la raison chez Kabila-fils. En bandant les muscles à tout ce qui est ou s’apparente à ses yeux, à une menace à ses velléités monarchiques, Kabila a fini par focaliser sur la RDC, les railleries de toutes sortes. En tout cas, les activistes sénégalais Fadel Barro du Mouvement Y en a marre et burkinabè, Oscibi Johann, du Mouvement Le Balai Citoyen, arrêtés alors qu’ils tenaient une conférence de presse avec l’Ong Filimbi, un mouvement citoyen congolais qui lutte pour le changement politique en RDC, ne diraient pas autre chose. Ces activistes seraient d’autant plus fondés à soutenir que ce pays marche sur la tête, qu’ils ne feraient pas plus de tort à la RDC. De fait, le film déroulé par Oscibi Johann du Mouvement Balai Citoyen, en guise de témoignage au lendemain de sa libération, fait froid dans le dos. L’activiste burkinabè qui dit avoir connu la plus grande frayeur de sa vie, affirme avoir été jeté, tel un colis, dans le coffre-arrière d’une voiture des services de renseignement congolais. Et il enfonce le clou en affirmant avoir été traité, comme ses compères sénégalais et congolais, de tous les noms de criminels : bandits détenant par-devers eux kalachnikovs et drogue, terroristes, bref, tout le répertoire de la brutalité verbale leur a été craché à la figure ! Autant dire qu’ils ont été pris ni plus ni moins que pour des ennemis de la RDC, qui auraient pu être réduits au silence si la mobilisation internationale n’avait pas suivi cette énième pratique ténébreuse du régime de Kabila. Il est pourtant curieux de constater qu’à propos de tous les crimes reprochés à ces hérauts de la démocratie, le pouvoir n’ait jamais été en mesure d’apporter la moindre preuve de leur culpabilité. Bien au contraire, tout a été en effet fait, comme si l’on a voulu frapper fort pour l’exemple, aux fins de marquer les esprits. Quant aux preuves, on verra après. On les aurait pris en flagrant délit d’actes déstabilisateurs, qu’on n’aurait rien trouvé à redire.
La démocratie est tout ce qui manque dans la culture de bien des régimes africains
En réalité, dans cette affaire, on a baigné en plein vaudeville où le mensonge d’Etat est pour le moins clair. Et pour donner des ailes au mensonge, une fois de plus, les spécialistes de la rhétorique politicienne et autres défenseurs des causes non défendables ont été mis à contribution. Et dans l’art de transformer le mensonge en vérité, c’est connu, les porte-parole des gouvernants sous les républiques bananières tiennent toute leur place. Franchement, on ne voudrait pas être à la place de certains, obligés qu’ils sont généralement de mentir comme des arracheurs de dents, s’obstinant à vouloir faire passer pour blanc ce que tout le monde voit clairement affiché noir. Quelle responsabilité nauséeuse que celle de porte-parole du gouvernement au service d’une dictature ! Et ces ministres sont d’autant plus à plaindre que, de plus en plus, la soif d’alternance gagne les peuples africains qu’ils finissent par se mettre à dos, par leurs allégations révoltantes faites de déni de la vérité à la limite de l’arrogance. Et pourtant, l’histoire regorge de tristes fins de règne, où l’on a vu des régimes vermoulus, vomis, se voir finalement chasser sans ménagement. Des scènes regrettables qui n’auraient pourtant jamais existé si les gouvernants avaient, bien sûr, accepté de jouer à fond la carte de la démocratie. La démocratie, la vraie, est tout ce qui manque dans la culture de bien des régimes africains, à commencer par ceux de la RDC qui s’en sont pris aux activistes. En vérité, ils représentaient moins une menace pour la RDC, que pour eux-mêmes. Car, en quoi Oscibi Johann, Fadel Barro et autres étaient-ils des terroristes, des ogres s’apprêtant à monter à l’assaut de la citadelle RDC ? Pure fable ! Cela dit, il faut saluer l’attitude des autorités burkinabè et sénégalaises pour leur prompte réaction qui aura permis la libération de leurs compatriotes. Evidemment, la lutte n’est pas terminée. Celle-ci devrait être portée à bout de bras par cette internationale de la société civile en gestation, ainsi qu’une jeunesse africaine qui devraient se montrer plus que jamais déterminées. Elles devraient se montrer engagées non seulement contre l’embastillement des activistes congolais dont la levée d’écrou n’est toujours pas effective, mais aussi pour porter ce message à tous ces dirigeants jamais rassasiés de pouvoir : face à leur boulimie de pouvoir, ils les trouveront sur leur chemin. De sorte que tous ces potentats africains prennent la mesure que plus rien ne sera comme avant, pour emprunter une formule en vogue à Ouagadougou.
“Le Pays”