ASSASSINAT DU CHEF SHEBAB GODANE :Il en faut plus pour vaincre la nébuleuse
« Touché, mais pas coulé ». C’est le message que le mouvement shebab a visiblement envoyé au monde entier. En effet, les islamistes somaliens viennent de remplacer au pied levé leur chef, Ahmed Abdi Godane, tué dans un raid américain, et réaffirmer, à l’occasion, leur affiliation à Al-Qaida. Désormais et jusqu’à une éventuelle décision contraire des chefs suprêmes du mouvement, c’est à Oumar Abou Oubaïda que revient la lourde tâche de conduire ces islamistes dans leur croisade. La disparition de Godane est, à n’en pas douter, un coup dur pour les Shebabs. Réputé charismatique, le chef abattu avait réussi à préserver la capacité de nuisance de son groupe même lorsque les troupes de la Mission de l’Union africaine (AMISOM) avaient réussi la prouesse de les chasser hors de Mogadiscio. On se souvient, en effet, que les Shebabs avaient réussi à lancer des attaques contre la présidence de la République et les locaux des services de renseignements du pays.
Le nouveau chef shebab peut se révéler plus redoutable que celui qui a été abattu
Avec cette disparition, on peut donc se demander si les Shebabs pourront conserver leur force de frappe, continuer à mener des actions d’envergure dans la durée. Car d’un chef à un autre, on n’a pas le même charisme, la même capacité de mobilisation. On peut, de ce fait, espérer que les Shebabs accusent le coup. Mais, il faut tout de même éviter de verser dans l’optimisme béat. Car il faut reconnaitre que ces islamistes sont encore capables du pire. Acculés sur terre, ils sont capables de se replier en mer d’où ils pourront toujours s’illustrer négativement par des attaques. De toute évidence, ils voudront venger leur défunt chef et il faudra désormais se préparer à faire face à leur furie meurtrière dans les jours à venir ; le nouveau chef shebab peut se révéler plus redoutable que celui qui a été abattu. Ayant été pendant longtemps chef des renseignements de ce mouvement jihadiste, il est fort à parier qu’il connait bien son monde et les ficelles sur lesquelles il devra tirer pour garder son groupe dans sa dynamique, voire le rendre plus cruel. Il n’est donc pas exclu que les Shebabs soient à l’image de Boko Haram. En effet, on constate que depuis l’exécution de son chef historique par l’armée nigériane, le mouvement terroriste qui sème la terreur à tout vent au Nigeria, au lieu de régresser, a gagné en puissance et en férocité avec le nouveau chef, Aboubacar Shekau.
Il importe donc de durcir le ton avec l’Erythrée pour priver ces islamistes des zones de repli dont ils disposent dans ce pays
C’est dire que les Etats-Unis, l’AMISOM et les autorités somaliennes ne doivent pas dormir sur leurs lauriers après avoir eu la tête de Godane. Certes, on peut espérer que ce genre de frappes ciblées décourage bien des candidats à la chefferie des mouvements terroristes. Mais, couper la tête d’une hydre pareille n’est très souvent qu’une solution temporaire. Il faudra aller au-delà des simples éliminations physiques. Il importe, entre autres solutions, de priver les Shebabs des soutiens divers dont ils bénéficient. Ainsi, il serait judicieux de traquer et de mettre hors d’état de nuire tous leurs complices dans ce qui est considéré comme appareil d’Etat somalien. De même, il faudra œuvrer à tarir les sources de financement de ce mouvement. Mais on imagine toute la difficulté d’une telle entreprise au regard du caractère occulte de ces financements. En tout cas, c’est une tâche ardue que de vouloir couper les sources de financement de ces jihadistes, surtout au regard de leur appartenance à l’ « International terroriste » qui leur vaut des soutiens et non des moindres à travers le monde. C’est dire que c’est un combat qui vaut certes la peine d’être mené, mais un combat de longue haleine compte tenu des difficultés évidentes qu’il y a à démanteler des réseaux occultes et mafieux du genre. Quoi qu’il en soit, les autorités somaliennes et la communauté internationale devront s’employer à faire preuve de fermeté contre au moins les soutiens de ce mouvement dont les visages sont connus. En effet, c’est une lapalissade de dire que l’Erythrée constitue une base arrière pour ces islamistes. En effet, on sait que les relations sont tendues entre l’Ethiopie et l’Erythrée. Et que, de ce fait, dès que les troupes éthiopiennes ont mis pied en Somalie, les Shebabs ont trouvé en l’Erythrée un allié naturel. Il importe donc de durcir le ton avec l’Erythrée pour priver ces islamistes des zones de repli dont ils disposent dans ce pays. En tout cas, il faut déployer tous les efforts pour contenir la montée des islamistes. En cela, la main tendue du gouvernement qui propose l’amnistie aux combattants de ce mouvement qui accepteraient de déposer les armes, est une bonne chose. Il faut espérer que certains saisissent en toute sincérité cette perche. En outre, les autorités somaliennes devront revoir la gouvernance du pays dans son ensemble. Il leur appartient surtout d’œuvrer à mobiliser les populations contre l’endoctrinement, la radicalisation religieuse dans lesquels les Shebabs sont passés maîtres. Et cette mobilisation passe par l’amélioration des conditions de vie des populations. Il faut notamment faire face au chômage des jeunes. Car, comme on le sait si bien, le fanatisme et le terrorisme qui s’en suit, se nourrissent de la misère et de l’ignorance. On ne saurait, de ce fait, vaincre durablement les Shebabs si on fait l’économie d’une politique sociale osée à même de redonner espoir aux populations, surtout aux jeunes. La communauté internationale également ferait vraiment œuvre utile en aidant les autorités somaliennes à avoir les moyens de cette politique sociale d’ampleur.
« Le Pays »