HomeA la uneATTITUDE DES AUTORITES MALIENNES ET GUINEENNES VIS-A-VIS DE LA CEDEAO : La posture de défiance est-elle payante?  

ATTITUDE DES AUTORITES MALIENNES ET GUINEENNES VIS-A-VIS DE LA CEDEAO : La posture de défiance est-elle payante?  


Le 25 mars dernier, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) étaient réunis à Accra au Ghana, pour un nouveau sommet extraordinaire à huis clos, consacré à la  situation en Guinée, au Mali et au Burkina. Concernant le premier pays cité, c’est-à-dire la Guinée, l’organisation sous-régionale donne un délai d’un mois, soit jusqu’au 25 avril prochain, pour que soit présenté un calendrier « acceptable » pour la durée de la transition. Au cas où ce délai ne sera pas respecté, avertit la CEDEAO, le pays s’expose à des sanctions. Outre cela, la CEDEAO demande au gouvernement guinéen de « renforcer l’inclusivité et le dialogue avec les acteurs politiques et la société civile dans la gestion de la transition en vue de réduire les tensions et d’assurer une transition apaisée ». Les autorités de la Transition ont enfin été invitées par l’organisation sous-régionale, à « respecter les dispositions légales et réglementaires dans le processus de récupération des biens présumés appartenir à l’Etat ».

 

Pour Conakry, la CEDEAO peut aller se faire cuir un œuf

 

En rappel, les autorités de la Transition sont en train de dérouler une opération de récupération de biens présumés être ceux de l’Etat. Les hommes politiques Cellou Dalein Diallo et Sydia Touré ont été victimes, à tort ou à raison, de cette opération. Comme on le  voit, la CEDEAO n’a pas mâché ses mots vis-à-vis de la Guinée. Elle a notamment mis le doigt sur ce qu’on pourrait appeler le principal manquement de la transition guinéenne, c’est-à-dire l’absence de chronogramme  de la durée de la transition. Dès lors, on peut comprendre pourquoi les militaires au pouvoir à Conakry, ont immédiatement et violemment réagi à l’ultimatum de la CEDEAO. Selon le porte-parole du gouvernement, Gaoual Diallo, cet ultimatum, en effet, « n’engage que ceux qui ont parlé ». Et le porte-parole d’ajouter ceci : « Le seul effet que cela représente, c’est d’asphyxier la population. Est-ce la mission de la CEDEAO de créer des conditions de précarité et de pauvreté  pour les peuples de la sous-région ? Donc, nous, nous continuons à travailler dans le sens et dans le rythme dictés par le contexte de notre pays ». C’est clair et net pour Conakry, la CEDEAO peut aller se faire cuir un œuf, la Guinée est imperturbable face aux ultimatums. Ce genre de tirades, qui mettent en avant la souveraineté du pays, peut-on dire, font partie de l’ADN de la Guinée. Et cela a toujours été une constante depuis Sékou Touré. Sous le régime de ce dernier, c’est “l’impérialisme français” qui était pointé du doigt dans tous les discours officiels. Aujourd’hui, c’est la CEDEAO qui est prise à partie par Conakry. Pourtant, l’organisation sous-régionale n’est-elle pas dans son bon droit d’interpeller la transition guinéenne sur la nécessité, pour elle, de remettre le pays sur les rails de la démocratie et de l’Etat de droit et cela, dans un délai acceptable ? En tout état de cause, il est difficile de comprendre que plus de six mois après leur avènement, Doumbouya et ses camarades ne soient toujours pas parvenus à établir un calendrier pour la transition.

 

La posture malienne est-elle justifiable ?

 

En outre, ils ont refusé la nomination d’un médiateur pour le pays par la CEDEAO, parce que, selon eux, la Guinée n’est pas en crise. On peut donc croire que la Guinée est dans une posture de défiance vis-à-vis de la CEDEAO. Il est vrai que cette institution, par moments, ne s’est pas affichée aux côtés des peuples dans leur combat pour la démocratie. Elle a même souvent joué le rôle de pyromane en ne faisant rien pour anticiper les crises à cause d’une certaine solidarité entre les têtes couronnées. Ce, au mépris des aspirations démocratiques des peuples. Mais on doit se garder de lui jeter systématiquement la pierre dans ses efforts pour amener les régimes issus des coups d’Etat, à ne pas confisquer le pouvoir. Et à bien observer les choses en Guinée, on peut avoir effectivement l’impression que le lieutenant-colonel Doumbouya est dans cette logique. On peut également lui faire le reproche de ne pas conduire la transition dans l’inclusion. Et au moment où s’ouvrent véritablement les Assises nationales, cela pourrait avoir pour  conséquence de reporter aux calendes…  du Fouta, la question du retour du pays à la normalité constitutionnelle et de celle de la réconciliation nationale. L’autre pays de la sous-région dont on peut dire qu’il est aussi dans une posture de défiance vis-à-vis de la CEDEAO, est le Mali. Pour des raisons qui pourraient être liées au fait qu’en se rendant à Accra, il courait le risque de perdre la sympathie de son opinion, et pour des motifs liés à sa propre sécurité et au sort de la transition, Assimi Goïta n’a pas repondu positivement à l’invitation de la CEDEAO. Pour autant, la CEDEAO maintient encore  le dialogue avec Bamako. Cela dit, l’on peut se poser la question de savoir, à propos de l’attitude des autorités maliennes et guinéennes, si leur posture de défiance vis-à-vis de la CEDEAO, est justifiable. Les prochaines semaines nous apporteront probablement des éléments de réponse.

 

« Le Pays » 


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