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BILAN DE L’ANNEE ELECTORALE EN AFRIQUE DE L’OUEST


Plus que quelques heures et le voile tombera définitivement sur 2020 qui aura été, en Afrique de l’Ouest,  une année électorale. Le bal des scrutins électoraux a été ouvert dès le premier trimestre de l’année par le Togo, puis le rythme de la danse a été suivi et maintenu par  la Guinée-Conakry,  la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Ghana et le Niger. Quel bilan peut-on dresser de ces compétitions électorales qui ont rythmé la vie des Etats du soleil couchant sur le continent africain ? Avant tout propos, l’on peut se féliciter de la tenue effective de ces consultations électorales qui commencent à entrer dans les habitudes des populations. Trois décennies après le discours de La Baule, les Etats africains, dans leur grande majorité, semblent avoir pris goût à la démocratie et s’efforcent, malgré les énormes coûts financiers, de tenir régulièrement des élections pour désigner leurs dirigeants. Pour l’année 2020 en particulier, le pari de la tenue de ces élections n’était pas gagné d’avance en Afrique de l’Ouest, non seulement en raison de la pandémie de la Covid-19 qui a imposé de nouvelles règles aux activités humaines,  mais aussi en raison de la menace sécuritaire qui est allée croissante sur toute la bande sahélo-saharienne.

 

Le constat d’une Afrique de l’Ouest divisée en deux camps

 

L’insécurité, particulièrement, a manqué parfois d’hypothéquer complètement les scrutins électoraux en rendant impossible l’accessibilité à des franges entières de certains territoires nationaux comme l’on a pu le constater au Burkina Faso. Malgré toutes ces difficultés, les Etats ont fait preuve d’ingéniosité pour développer une salutaire résilience qui a permis d’assurer la continuité du processus démocratique en Afrique. L’on peut, sans tomber dans une autosatisfaction, s’en enorgueillir.   Cela dit, lorsque l’on établit la cartographie des élections qui ont eu lieu en 2020, c’est le constat d’une Afrique de l’Ouest divisée en deux camps, qui s’impose : la classe des cancres de la démocratie  et celle des bons élèves. Est inscrit en premier sur la liste des mauvais élèves, le Togo de Faure Gnassingbé qui a entraîné par effet de contagion,  la Guinée d’Alpha Condé et la Côte d’Ivoire d’Alassane Dramane Ouattara dans la mare nauséeuse des dictatures en Afrique. Ces deux derniers ont fini même par lui ravir la vedette en dévoyant le générique des tripatouillages constitutionnels pour créer leur propre label à travers le concept des troisièmes mandats. Dans les trois cas, le processus électoral a été émaillé de violences meurtrières avec des pics en Côte d’Ivoire et en Guinée. Ces dérapages du processus électoral sont essentiellement le fait de la boulimie du pouvoir des princes régnants qui ont bénéficié de  la malveillante complicité des institutions judiciaires et des organisations en charge des scrutins électoraux. Quant à la classe des bons élèves, elle comprend le Burkina Faso, le Ghana et le Niger, même s’il faut attendre pour ce dernier pays, la fin du processus électoral en cours. Dans ces trois pays, même si l’on peut déplorer des incidents mineurs, l’unanimité est faite pour saluer la transparence et l’équité des élections.

 

Le bilan donne plus à craindre pour la santé démocratique en Afrique de l’Ouest, qu’à espérer

 

 Il faut donc, ici, saluer la maturité politique des peuples, qui donne à espérer quant à l’avenir démocratique du continent.  Mais cette division manichéenne des Etats en mauvais et bons élèves de la démocratie, ne suffit pas, à elle seule, à rendre compte de la santé démocratique en Afrique de l’Ouest. En effet, alors que la fièvre électorale de l’année 2020 était censée reléguer aux oubliettes le passé révolu des régimes d’exception, il est intervenu, en août 2020, au Mali, un acte de déni et de défiance de la démocratie, qu’est  le coup d’Etat militaire contre le régime du président Ibrahim Boubacar Kéita, conduit par Assimi Goita et ses frères d’armes venus de la garnison de Kati. Ce coup de force, tout en contestant les élections comme mode de désignation des responsables politiques, rappelle la menace permanente que représentent les armées pour la démocratie, sur le continent, même s’il constitue par ailleurs un avertissement pour les dictateurs qui tripatouillent les lois fondamentales de leurs pays respectifs pour se faire élire dans des conditions pour le moins contestables. Bons ou mauvais élèves de la démocratie donc, il y a le scénario du pire : celui du coup d’Etat. Et ce pire, c’est aussi en partie le précédent qu’il crée pour la démocratie dans une partie du continent où les vieilles habitudes ont la peau dure. En tout état de cause, le bilan de cette année électorale donne plus à craindre pour la santé démocratique en Afrique de l’Ouest, qu’à espérer. Et ce n’est surtout pas l’élection annoncée au Bénin, qui viendra donner une nouvelle couleur à ce tableau en noir et blanc. En effet, lorsqu’on observe toute l’agitation politique qui est née des dispositions électorales prévues par la nouvelle Constitution adoptée par l’Assemblée nationale unicolore du président Patrice Talon, l’on peut affirmer sans trop grands risques de se tromper, que l’on s’achemine là-aussi vers une mascarade électorale. Le traitement réservé par le gouvernement béninois aux arrêts de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) qui tente de ramener les acteurs politiques au consensus de la Loi fondamentale de 1990 avant la prochaine élection présidentielle, prouve, si besoin en était, que la logique du passage en force est déjà bien solidement établie.

 

« Le Pays »

 


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