CAMEROUN : Cure de jouvence au SDF
Lors de la présidentielle d’octobre 2018, le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), Paul Biya, aura face à lui Joshua Osih, âgé de 49 ans, du Social democratic front (SDF), parti fondé par John Fru Ndi. Ainsi en a décidé le dernier congrès dudit parti tenu ce week-end. Si donc du côté du pouvoir, le « roi Biya » n’envisage pas, en tout cas pour le moment, de céder la place qu’il occupe au palais d’Etoudi depuis 35 ans, à quelqu’un d’autre, il en va autrement au sein du principal parti d’opposition. On peut appeler cela une cure de jouvence au SDF, dans un contexte où les présidents-fondateurs, en général, n’ont pour vision que de régenter à vie leurs partis politiques. C’est vrai, à la veille de la désignation de l’homme d’affaires originaire du sud-ouest anglophone comme challenger du candidat du RDPC, le SDF avait reconduit son leader charismatique, John Fru Ndi. John Fru Ndi reste donc à la tête du parti et Joshua Osih se positionne comme candidat du SDF à la prochaine élection présidentielle. Même dans cette configuration, c’est déjà un pas de fait qu’après avoir échoué à plusieurs élections présidentielles, Fru Ndi accepte d’en tirer toutes les conclusions en laissant la place à un autre militant qui, qui plus est, n’est pas de sa lignée biologique, pour « continuer » le combat. C’est là un changement de paradigme politique qu’il faut saluer à sa juste valeur, pour un parti qui a connu des démissions, et des exclusions en cascades de militants dont le seul tort était d’avoir voulu, à un moment donné, remplacer John Fru Ndi à la tête du SDF.
L’avenir proche nous dira si, durant son règne, John Fru Ndi a semé la bonne graine pour assurer une relève gagnante au SDF
Cela dit, on peut penser que la reconduction de l’homme à la tête du parti, a pour vocation, entre autres, de rassembler les différents clans et de canaliser les courants de pensée qui traversent le parti vers un même objectif qui est la sauvegarde de l’unité et de la cohésion. En effet, la problématique majeure qui se pose aujourd’hui, est de savoir ce qui adviendra de la candidature à la présidentielle de Joshua Osih, dans un contexte marqué par la crise anglophone. En clair, que ce soit le « président sortant », « non sorti », pour paraphraser le Pr. Joseph Ki-Zerbo ou le candidat désigné, Joshua Osih, tous deux sont dans l’obligation stratégique et politique de mouiller le maillot pour espérer bouleverser la configuration politique actuelle à Yaoundé. Car, les portes du Palais de d’Etoudi ne s’ouvrent pas aussi facilement que celles du marché de Douala. Pris entre le marteau des indépendantistes anglophones qui refusent que leur parti de référence, le SDF, participe à une élection organisée par le pouvoir central camerounais, et l’enclume de l’adversaire naturel qu’est le RDPC, Osih a fort à faire. Il doit savoir manœuvrer tel un cycliste au milieu de deux précipices, pour réaliser ses ambitions présidentielles. En tout état de cause, l’avenir proche nous dira si, durant son « règne, » John Fru Ndi a semé la bonne graine pour assurer une relève gagnante au SDF ou si les Camerounais, dans leur majorité, acceptent de boire à la source de la fontaine de Jouvence du parti « anglophone ».
Michel NANA