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CAUTION POUR LA PRESIDENTIELLE AU BENIN


La barre n’est-elle pas un peu trop haute pour la démocratie ?

250 000 000 de F CFA ; c’est le montant de la caution Que devront désormais débourser les candidats à la présidentielle au Bénin, au terme de la réforme du Code électoral adoptée par l’Assemblée nationale. Objectif : limiter le nombre de candidatures et favoriser les regroupements pour avoir « des partis forts et non des individus et des hommes forts ». Mais cette « sélection par l’argent » ne passe pas au sein de toute la classe politique béninoise. Pendant que dans les rangs de l’opposition, des voix s’élèvent pour dénoncer « l’indécence » d’une telle loi pour « un pays pauvre », certains observateurs y voient une forme d’exclusion de citoyens, qui aurait pour conséquence de favoriser l’avènement d’une « République des riches ».

Le montant de 250 000 000 de F CFA n’est pas à la portée de tous

Cela dit, va-t-on vers une ploutocratie au Bénin ? Si oui, alors, cette loi qui vise à faire une décantation par le poids du porte-monnaie, ne pouvait pas mieux tomber dans un pays où, comme un peu partout ailleurs en Afrique, les grosses fortunes ne sont pas loin de se compter sur les doigts d’une seule main. Si non, la question que l’on pourrait se poser est de savoir si la barre n’est pas un peu trop haute pour la démocratie au Bénin. D’autant plus qu’aux termes des dispositions antérieures, le montant de cette caution se chiffrait à quelque 6 500 000 F CFA. D’où vient alors la nécessité de multiplier ce chiffre par 38, pour une démocratie qui se veut l’une des plus avant-gardistes du continent africain, sans paraître faire dans la discrimination ? En effet, si l’on peut comprendre la volonté d’assainir pour éviter les candidatures pléthoriques et fantaisistes, il faut reconnaître que le montant de 250 000 000 de F CFA n’est pas à la portée de tous et paraît pour le moins rédhibitoire pour nombre de candidats et pas des moindres. D’où la nécessité de ramener la question au niveau des partis politiques et non pas à la seule personne des candidats, même si à l’échelle des formations politiques, réunir une telle bagatelle est véritablement la mer à boire pour certains partis. Mais, pour un parti sérieux et organisé, qui plus est, aspire à diriger le pays, ne pas pouvoir réunir une telle somme pour cautionner la candidature de son porte-étendard, pourrait tout aussi bien susciter de nombreux questionnements. C’est pourquoi  il y a lieu de trouver le juste milieu à la fois pour ne pas biaiser les règles du jeu démocratique et pour conférer à la fonction présidentielle, tout le sérieux qui va avec. Ce, en évitant que des politiciens à la petite semaine, sans véritable ligne idéologique, ne fassent tout simplement de la politique un fonds de commerce plus par leur capacité de nuisance que par leur apport à la démocratie. Et ils sont nombreux, sous nos tropiques, les politiciens à se livrer à ce jeu nauséeux et à accumuler sans vergogne  les scores squelettiques alors que leurs militants ne remplissent pas une cabine téléphonique.

Il revient aux Béninois de trouver le juste milieu

L’Afrique de la démocratie doit se montrer beaucoup plus mature que cela. C’est pourquoi on peut encourager le Bénin à aller dans le sens de réformes courageuses pour mettre de l’ordre, mais en gardant tout de même un seuil raisonnable. Car, si dans les démocraties les plus avancées, l’éligibilité à la fonction présidentielle n’est pas avant tout une question de caution, cela veut dire qu’il est possible d’y parvenir sans forcément mettre la question de l’argent en avant.  En France, par exemple, outre les critères de nationalité, de majorité légale et de jouissance de ses droits de vote et d’éligibilité, ce sont les questions de signatures à recueillir, de parrainage et de probité morale qui sont les plus mises en avant.

C’est dire qu’avec cette loi, au Bénin, le risque est grand d’ouvrir la fonction présidentielle à une petite minorité de Crésus qui n’ont pourtant pas forcément le profil de l’emploi.  Dans ces conditions, l’on ne devrait pas non plus s’étonner d’une éventuelle collusion entre le pouvoir et le monde des affaires, au cas où un président élu verrait sa candidature portée ou parrainée par des magnats de la finance. Un tel cas de figure est le pire ennemi de la démocratie, car ce serait la porte ouverte au pillage systématique des ressources avec des velléités toujours plus grandes de confiscation du pouvoir pour la préservation des intérêts. Et le Bénin n’est pas à l’abri d’une telle éventualité. Par conséquent, il revient aux Béninois de trouver le juste milieu car, d’un côté comme de l’autre, la loi portant révision du Code électoral qui vient d’être votée, présente autant d’avantages qu’elle ne manque pas d’inconvénients.

« Le Pays » 


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