CLAUSES EXCLUSIVES POUR LES PRIMAIRES AU PDCI/RDA
Hier, 4 juin 2020, s’est ouverte la session extraordinaire du Bureau politique national (BPN) du Parti démocratique de Côte d’Ivoire /Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA), destinée essentiellement à l’examen des critères d’éligibilité internes du candidat à la présidentielle d’octobre prochain. Après son divorce avec le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) de Alassane Dramane Ouattara (ADO), le parti de Henri Konan Bédié (HKB) se prépare donc à aller seul aux futures échéances électorales et a pris l’option d’organiser des primaires pour désigner son candidat qui fera face à Amadou Gon Coulibaly. De prime abord, l’on peut se féliciter de cette décision d’organiser des primaires, qui tourne la page des candidats naturels au sein du parti. En effet, elle témoigne non seulement d’une vitalité de démocratie interne au sein du parti ; ce qui, en principe, peut augurer de bonnes pratiques en cas d’accession au pouvoir. Mais aussi, elle permet de désigner les candidats qui présentent le plus de compétences pour la magistrature suprême.
On peut se demander si Bédié ne fait pas preuve d’une coupable amnésie
Un autre aspect positif du recours aux primaires pour désigner le candidat du parti à la présidentielle, est qu’il permet de changer les rapports des leaders politiques avec leur formation politique d’appartenance. En effet, ces rapports sont différents selon que c’est le parti qui fait le leader politique ou que c’est le leader politique qui fait le parti. Dans le premier cas, le responsable politique est astreint à la discipline du parti, au partage du pouvoir et à la redevabilité dans la gestion tandis que dans le second, c’est le parti qui se plie aux desiderata du responsable qui en use comme d’un instrument au service de ses propres intérêts. L’un dans l’autre, c’est un important pas que le PDCI/RDA fait et qui traduit sa maturité politique. Mais si l’on peut se féliciter des avancées démocratiques que les primaires annoncées apporteront au parti de l’Eléphant en Côte d’Ivoire, l’on ne peut faire preuve du même enthousiasme quand on regarde les critères d’éligibilité édictés par le document de travail à soumettre aux membres du BPN et qui constituent un net recul dans le temps. Parmi ces critères, celui qui fait le plus de gorges chaudes, c’est le critère-barrière de la nationalité exclusivement ivoirienne du candidat du PDCI. Non seulement ce critère, il faut le déplorer ouvertement, exclut de l’investiture du parti, des candidats qui ne comptent pas pour du beurre dans le paysage politique ivoirien tels que Jean Louis Billon, Tidiane Thiam, Kouakou Konan Bédié (KKB) pour ne citer que ceux-là, mais aussi il vient exhumer « l’ivoirité » qui a jadis mis le feu aux poudres en Côte d’Ivoire. On peut se demander si Bédié ne fait pas preuve d’une coupable amnésie ou s’il n’est pas frappé de sénilité quand on connaît le danger que ce critère fait courir à son parti. En effet, en cherchant à éliminer ainsi des adversaires sérieux par des critères iniques et aux antipodes de l’égalité des chances entre camarades du parti, le vieux chantre de l’ivoirité crée non seulement un véritable séisme politique qui pourrait entraîner l’implosion du PDCI, mais aussi, il compromet toutes les chances du parti de réaliser son rêve du « tout sauf le RHDP ».
Les membres du BPN peuvent encore surprendre agréablement l’opinion ivoirienne en refusant de lier leur sort à HKB
En effet, on peut parier sans trop grand risque de se tromper, que si le BPN venait à entériner cette clause exclusive, il aurait en même temps porté au parti le coup de machette qui pourra occasionner la saignée qui va le vider de tous ses cadres. Dans ce cas, le parti de Félix Houphouët Boigny verrait son rêve de revenir au pouvoir, se transformer en une chimère. Tout aussi discriminatoire que la clause de l’ivoirité est cette exigence de « dix années de présence continue au BPN », qui écarte de la ligne de départ de la course à l’investiture, tous les jeunes loups du parti. Finalement, on peut se poser la question suivante : avec qui et pour qui Henri Konan Bédié compte-t-il conquérir le pouvoir en Côte d’Ivoire en définissant des critères plus contraignants que ceux mêmes édictés par la Constitution ivoirienne ? Henri Konan Bédié, en premier, devrait comprendre cette exigence du moment parce que de tous les mammouths politiques avec lesquels il s’est mesuré dans l’arène politique ivoirienne, il est le seul à s’accrocher à un passé nostalgique qui semble à jamais révolu. On peut tout aussi regretter le fait que le PDCI/RDA continue de surfer sur l’argument du repli identitaire dans un monde de plus en plus ouvert où d’ailleurs les progrès les plus remarquables réalisés par différentes nations, l’ont été par des chefs d’Etat allogènes. On peut citer à cet effet, l’emblématique cas de Barack Obama aux Etats- Unis. Cela dit, les membres du BPN peuvent encore surprendre agréablement les militants du PDCI et l’opinion ivoirienne en refusant de lier leur sort à HKB qui semble vouloir emporter dans sa tombe, le parti.
« Le Pays »