CONFIRMATION DE LA VICTOIRE DE WILLIAM RUTO AU KENYA : Raïla Odinga se soumettra-t-il à la décision de la Cour suprême ?
La victoire de William Ruto à la présidentielle du 9 août dernier, a été validée par la Cour suprême. En effet, les résultats provisoires donnaient gagnant, le vice-président sortant, William Ruto, avec 50, 49% des voix, contre 48, 85% pour l’éternel challenger et éternel perdant, Raïla Odinga. Le score était serré, ce qui érige chacun des deux candidats au statut d’homme d’Etat pouvant avoir vocation à gouverner le pays. Raïla Odinga contestant les résultats provisoires a, à cet effet, introduit un recours devant la Cour suprême. Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays africains, la Cour suprême du Kenya jouit d’une bonne réputation. Lors de l’élection présidentielle de 2017, sur recours de Raïla Odinga, elle avait invalidé le scrutin en raison d’“irrégularités” et ordonné la tenue d’une nouvelle élection dans un délai de deux mois. Cas assez rare sous nos tropiques, d’autant plus que celui contre qui la décision avait été prise, était le président en exercice, Uhuru Kenyatta, alors candidat à sa propre succession. C’est donc une Cour qui a de l’envergure et dont la crédibilité est affirmée. Le 5 septembre 2022, la Cour a rendu sa décision en déclarant William Ruto vainqueur de l’élection. Peu avant, les deux prétendants s’étaient engagés à respecter la décision des « Sages ». Cela dit, rien n’est moins sûr. Car, vu le score assez serré, chacun espérait sortir vainqueur de l’épreuve. William Ruto parce qu’il avait déjà été donné gagnant, Raïla Odinga parce qu’il pouvait espérer, comme en 2017, être entendu par la Cour, vu qu’il prétend avoir soutenu son recours par des documents jugés crédibles.
Il faut souhaiter que la maturité politique des Kényans les conduise à éviter le pire
La décision de la Cour peut donc avoir l’effet d’une mauvaise surprise pour Raïla Odinga et son camp dans la mesure où elle confirme la victoire de William Ruto. Les contestations électorales ont la mauvaise habitude d’entraîner des troubles et des pertes en vies humaines au Kenya. Les contestations consécutives à l’élection présidentielle de 2007 avaient fait plus de 1 500 morts et environ 300 000 déplacés. Le président sortant, Uhuru Kenyatta, a déjà prévenu qu’il ne permettra pas de troubles. Mais, sera-t-il entendu ? On attend de voir, tant l’élection présidentielle au Kenya a toujours été teintée de régionalisme. C’est une lutte de positionnement entre les deux ethnies dominantes, les Kikuyu du président sortant, Uhuru Kenyatta, et les Luo de l’éternel perdant, Raïla Odinga. D’où la violence des contestations. Cette fois-ci, les Kikuyu étaient absents de la course, et c’est le vice-président, William Ruto, issu d’une ethnie minoritaire, les Kalengin, mais qui prétend représenter la grande masse des laissés-pour-compte, qui faisait face à Odinga. A supposer que Raïla Odinga ait la volonté réelle d’accepter la décision de la Cour, ses partisans et ses militants l’accepteront-ils ? N’est-il pas l’otage de son ethnie et de son électorat ? Le risque de troubles n’est donc pas tout à fait à écarter, même s’il faut souhaiter que la maturité politique des Kényans les conduise à éviter le pire. Les décisions de Justice sont rendues au nom du peuple et pour la paix sociale. Autant que possible, elles devraient tendre à produire plus de bien que de mal. Dans un cas comme celui du Kenya, où le score est assez serré, pourquoi ne pas décider que le même mandat sera assumé à tour de rôle et pour moitié par chacun des deux candidats ? En 1970, à défaut de les départager, le Bénin avait constitué un Conseil présidentiel de trois anciens présidents, Hubert Maga, Sourou Migan Apithy et Justin Ahomadegbé, pour une présidence tournante de deux ans chacun. Au nom de la paix sociale, il faudrait parfois « oser inventer l’avenir ».
Apolem