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CONFLIT COMMUNAUTAIRE A PASSAKONGO : Le cri d’alarme du MBDHP


Ceci est une déclaration du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) section du Mouhoun sur les risques d’affrontements entre deux communautés à Passankogo. Pour lui, ces risques d’affrontements sont imminents si rien n’est fait par les autorités administratives pour amener les protagonistes à la raison. Lisez plutôt !

Rappel des faits

Le conflit entre les communautés bwaba et peulh a éclaté le 16 Avril 2012 à Passakongo. Il est la résultante d’une longue série de crises tant larvées qu’ouvertes, pour le contrôle et la gestion du patrimoine foncier commun. Ces deux communautés, considérées comme deux entités autonomes sur le plan coutumier, ont une très longue tradition de cohabitation et de gestion de ce patrimoine commun, avec une parfaite intégration entre elles. Rien ne pouvait laisser présager, absolument rien, qu’un jour il y aurait une crise aussi grave dans leur village commun, Passakongo.
Les accrochages ont toujours eu lieu entre individus des deux communautés (agriculteurs – éleveurs), mais ces conflits ont toujours été gérés sans difficultés par les notables du village. Beaucoup se plaisaient même à dire, sous forme de plaisanterie, que les peulhs de Passakongo et de Massala ne le sont que de nom, car ayant « troqué la calebasse de lait contre la calebasse de dolo », pour témoigner le degré de cohésion qu’il y avait entre peulhs et bwaba.

C’est pratiquement depuis 2000 que des problèmes ont commencé à faire surface en début d’hivernage, suite à la pression foncière de plus en plus accrue (cf PV tribunal départemental du 11 Avril 2000). Pire, sur certaines parties du domaine foncier commun, les bwaba auraient constaté l’implantation d’écriteaux en arabe, signe que les peulhs y ont jeté des sorts contre eux. Un conflit latent s’est alors ouvert entre les deux communautés, conflit qui a viré au drame suite aux décès accidentels, dans l’espace d’un an, de deux personnalités influentes de la communauté bwa (un oncle et son neveu) dans les mêmes conditions tragiques. Il semble qu’un membre de la communauté peulh aurait dit publiquement être à l’origine de ces accidents, à travers des pratiques occultes. Ces propos auraient créé un grand émoi et un sentiment de révolte au sein de la communauté bwa, non seulement de Passakongo, mais de tous les villages environnants.

Le 16 avril 2012, les bwaba à Passakongo ont décidé de chasser les peulhs en s’en prenant à leurs biens. Alertées, les Forces de Défense et de Sécurité (F.D.S) se sont déplacées sur les lieux pour protéger les biens et les personnes. Mais de l’avis de la plupart des populations bwa, l’intervention brutale des forces de l’ordre suivie de bastonnade de jeunes et de l’incendie des hangars du marché, a laissé croire qu’elles sont venues soutenir les peulhs, toute chose que les habitants ont trouvé inacceptable. Ce qui devait arriver arriva. Le conflit a éclaté et contraint 68 familles et environs 370 personnes dont 40 enfants scolarisés, à quitter le village pour trouver refuge dans les locaux de la Mairie de Dédougou et dans des abris de fortune. Dans la course-poursuite qui s’est engagée contre la communauté peulh, celle-ci a perdu d’importants biens (cases incendiées, maisons démolies, greniers éventrés, troupeaux abattus …). C’est à ce spectacle désolant auquel bwaba et peulhs se sont livrés, dans un village qui passait pour être un exemple parfait de cohabitation pacifique dans toute la région.
Face à cette situation dramatique, dans une déclaration en date du 30 juin 2013, la Coalition des Organisations de la Société Civile (OSC) du Mouhoun, en exprimant leur point de vue, avait interpelé les autorités administratives sur la gestion de cette crise, avant de tirer la conclusion suivante : «Ensemble, faisons en sorte que la cohésion et la paix sociale soient préservées à travers la mise en place et le fonctionnement de cadres de concertation inter-villageoise et par la promotion d’initiatives et de mécanismes de prévention des conflits ! »
La cellule de crise qui avait été mise en place par les autorités le 18 avril 2012, avec pour objectif de réconcilier les deux communautés et de ramener la paix, a cessé toute activité. Elle avait identifié les causes du conflit, touché des personnes ressources, engagé des pourparlers avec les protagonistes et réussi à amener les acteurs à accepter le retour de la plupart des familles peulhs qui avaient fui après le conflit. Juste au moment où elle était sur le point de rapprocher les positions, une procédure judiciaire a été déclenchée et a abouti à la condamnation de 23 personnes à des peines de prison de 3 à 18 mois fermes et à payer 30 millions de FCFA à 56 plaignants. Il va sans dire que ce règlement judiciaire du conflit a freiné l’élan de cette médiation et ravivé les tensions.
Cinq (5) ans après, que peut-on retenir ?
La cellule de crise est actuellement en hibernation, voire dans l’agonie totale. Le climat est devenu délétère. Les agissements de part et d’autre laissent entrevoir clairement que des menaces sérieuses à la cohabitation existent.
En effet depuis le retour des familles peulhs, la situation est tendue et pour causes : leurs champs sont toujours occupés, une partie de leur quartier est morcelé et des maisons sont construites même aux abords de la mosquée. Les zones de pâturage, les pistes à bétail et l’accès aux points d’eau ont été volontairement obstrués par un groupe de personnes.
La communauté peulh est désemparée et cherche vainement à ce que sa cause soit entendue par les autorités. Toutes les démarches entreprises auprès de la cellule de crise et des autorités administratives (Maire, Haut-Commissaire, Gouverneur) sont restées vaines. C’est donc dire que tout le processus enclenché par les autorités, est complètement en panne sans aucune explication aux populations.
Les signaux envoyés par les deux communautés laissent craindre le risque d’une reprise des hostilités, toute chose qui pourrait embraser la zone dans la mesure où les conflits latents sont nombreux et sources de nombreuses tensions récurrentes dans toute la région.
C’est face à cette situation que la section MBDHP du Mouhoun a été interpellée et a décidé de s’investir dans la résolution de cette crise qui n’a que trop duré. C’est ainsi que depuis Août 2016, elle a commencé à se rendre à Passakongo pour rencontrer les deux communautés et tenter de calmer les esprits et apaiser le climat social. Tour à tour, elle a rencontré les communautés bwaba et peulhs, les personnes ressources, le Conseil Villageois pour le Développement (C.V.D), les conseillers municipaux et certaines associations de la localité. Il ressort des discussions que toutes les parties restent disposées pour un dialogue franc et la résolution définitive du conflit.
Aussi, le MBDHP est disposé à accompagner l’administration en tant que garante de la sécurité des personnes et de leurs biens, à trouver les voies et moyens de régler définitivement et pacifiquement le conflit en mettant en branle tous les mécanismes de préventions et de gestion des conflits. Rien ne sert à l’administration, comme à son habitude, de renvoyer dos à dos les protagonistes ou de déplacer les problèmes, ou encore de les renvoyer aux calendes grecques. Cette attitude qui consiste à jouer le médecin après la mort est très dangereuse et contraire à la culture de la paix et de la cohésion sociale.
Au regard de tous ces faits, la section du MBDHP du Mouhoun :
– Salue la disponibilité des deux communautés concernées et des autres acteurs au dialogue, à la concertation afin de préserver les liens séculaires de fraternité et de vivre ensemble entre bwaba et peulhs qui ont toujours caractérisé les villages de Passakongo et de Massala.
– Condamne les ’’extrémistes’’, les éléments incontrôlés des deux camps et certains ressortissants loin des réalités, qui entretiennent ce conflit pour des raisons inavouées.
– Appelle les deux protagonistes à créer les conditions pour lever tous les obstacles empêchant les peulhs d’accéder à leurs champs, aux zones de pâturage et aux points d’eau qui ont été volontairement obstrués.
– Exhorte instamment l’administration à tout faire pour éviter un second conflit en amenant les deux parties à s’asseoir autour d’une même table en vue de trouver des solutions justes, durables et acceptées par les deux communautés
– Demande aux autorités publiques, aux ONG, aux projets et programmes d’apporter un soutien à la communauté peulh pour la reconstruction son cadre de vie.
Dédougou, le 23 Mars 2017
Pour la Section/Le Président
Lamoussa KADINZA


Comments
  • Ces faits décourage ! Bwaba et peulh qui se bagarent ! Quelle honte !

    28 octobre 2018

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