HomeBaromètreCONTESTATIONS DE NOMINATIONS DE PERSONNALITES : « Pourquoi notre mémoire est-elle si courte ? »

CONTESTATIONS DE NOMINATIONS DE PERSONNALITES : « Pourquoi notre mémoire est-elle si courte ? »


L’auteur du point de vue ci-dessous revient sur ces contestations tous azimuts qui ont cours dans notre pays, depuis le cas Adama Sagnon à celui de Moumouni Diéguimdé. Selon lui, il faut savoir faire la part des choses en distinguant le bon grain de l’ivraie. Car, s’interroge-t-il, « être compétent signifie-t-il être irremplaçable et éternel ? ». Lisez !

 

Séparer l’ivraie du bon grain

 

La chienlit est-elle en train de s’installer au Burkina ? Au regard de ce qui se passe jour après jour et semaine après semaine, il faut malheureusement le craindre. Les contestations et les protestations doublées d’un incivisme hasardeux et désolant ont pris des proportions démesurées et glissantes. Cette question des contestations tous azimuts est difficile à aborder parce qu’ici il y a la sincérité, et là, il y a la mauvaise foi. Telle contestation se justifie solidement et telle autre est une subtile machination. Si par exemple, s’opposer à la prise de fonction de Adama Sagnon en qualité de ministre de la Culture et du tourisme se défend, si exiger la démission du ministre Moumouni Diéguimdé pour les faits à lui reprochés est fondé, si manifester contre la nomination du directeur général de la CAMEG peut se justifier, a contrario, les grognes à tous vents et sans arguments solides sont déplorables voire condamnables. Surtout que certaines manifestations semblent être instrumentalisées au bénéfice de personnes mécontentes de perdre des avantages ou mues par des désirs de vengeance.

Comment comprendre autrement ce groupe de gens qui ont manifesté dans la région de l’Est contre le remplacement d’un directeur régional, élu par ailleurs membre du Conseil national de la transition (CNT) ? La double raison avancée par les manifestants-tenez-vous bien- étant que d’une part le nouveau directeur régional nommé en remplacement de celui devenu député de la transition est le cousin du ministre qui l’a nommé et d’autre part, il aurait commis antérieurement des malversations. L’enquête, on le sait, a démontré que ce sont là des accusations infondées s’apparentant à une diffamation gratuite. Visiblement les populations ont été induites en erreur. Comment comprendre également qu’on manifeste pour le maintien d’un haut-commissaire au prétexte qu’il est compétent. Etre compétent signifie-t-il être irremplaçable et éternel ? Est-ce qu’à la nomination de celui-ci les populations savaient à quel type de personne elles auraient affaire ? Qui dit que le nouveau haut-commissaire ne sera pas meilleur ? Pourquoi notre mémoire est-elle si courte ? N’est-ce pas de pareils arguments sur un Blaise Compaoré irremplaçable qui ont suscité l’insurrection populaire l’ayant emporté ? Il n’y a personne qui soit irremplaçable, ne serait-ce que parce que nous sommes tous de simples mortels. Il faut que les populations arrêtent de se faire instrumentaliser.

Il y a aussi ces protestations qui sont fondées mais qui ont pris des formes répréhensibles. C’est le cas des manifestations des populations de la commune de Namissiguima dans le Yatenga qui ont incendié le 14 janvier des installations et équipements de la société minière True Gold sur le site du projet Karma près de Ouahigouya. Dans le fond, ces populations ont raison dans la mesure où elles avaient à plusieurs reprises lancé des avertissements et attiré l’attention des autorités sur les désagréments multiples qu’engendrerait l’exploitation minière dans cette localité. Pour autant, fallait-il qu’elles s’expriment avec tant de violence pour se faire entendre ? En s’organisant, les populations de Namissiguima ne pouvaient-elles pas empêcher le démarrage des travaux de la mine par exemple par des sit-in ininterrompus sur le site ?

 

Aider les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu

 

L’on pourrait multiplier les exemples de manifestations dont les unes sont aussi suspectes qu’illicites et les autres aux formes déplorables. Apparemment des gens de mauvaise volonté à travers des officines malodorantes sont en train de saper les fondements de la transition. Apparemment de l’ivraie en grande proportion est en train de se mélanger voire de supplanter le bon grain de notre révolution.

Bien entendu, ce « salmigondis » social nous a été légué par le régime Compaoré qui a laissé la gabegie et la corruption gangréner la société burkinabè. C’est un régime qui laissait faire et pourrir la situation avant d’accourir en médecin après la mort. Le régime Compaoré a tant bradé l’autorité de l’Etat à travers l’injustice et la corruption que ce n’est pas du jour au lendemain que celle-ci renaîtra comme par enchantement. C’est à tous les acteurs à quelque niveau que ce soit d’œuvrer à la restauration de l’autorité de l’Etat et du civisme et non aux seuls leaders de la transition. Et les premiers de ces acteurs devraient être les responsables politiques qui ont tous curieusement disparu de la scène de la transition. Bien sûr, ils sont omniprésents sur le terrain politique, mais on voit bien qu’ils évitent soigneusement de se mêler des affaires de la transition au point de n’avoir même plus ni le temps ni l’intelligence politique de condamner certains actes. Erreur grossière à mon avis. Car s’ils n’aident pas les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu, c’est bien à eux que sera refilée bientôt la patate chaude.

Et puis, ce sont les anciens opposants du CFOP qui ont décrété la désobéissance civile. Ça leur a réussi. Blaise Compaoré est parti. Mais l’on peut craindre que cette désobéissance ne soit pas partie avec lui. C’est pourquoi les différents leaders politiques, au lieu de passer le temps à se faire des crocs-en-jambe démontrant à qui-mieux-mieux fut partisan ou adversaire de Blaise Compaoré, gagneraient à œuvrer aux côtés des autorités de la transition à remettre l’Etat burkinabè à l’endroit. L’heure n’est pas à l’identification des fuseaux horaires de chacun dans le chantier de déboulonnage de Blaise Compaoré, mais à la reconstruction morale de la société. Ce qui importe en ce moment, ce n’est pas de démontrer qui est le héros des hérauts et qui est le zéro des Zorro de la révolution d’octobre (car chacun a joué sa salutaire partition), mais de travailler à remettre sur les rails les valeurs d’intégrité de la patrie. A donc foncer, pour les hommes politiques, tête basse vers l’élection présidentielle, sans se soucier des avatars de la transition, le réveil pourrait être douloureux pour celui d’entre eux qui parviendrait dans quelques mois à Kosyam. Car hériter du désordre de Blaise Compaoré et de la pagaille de la transition créerait simplement une situation ingérable si l’on a la chance de ne pas vivre un non-Etat.

Les organisations de la société civile pour leur part, ne devraient pas exercer leur veille uniquement sur les organes de la transition, mais aussi sur ceux que l’on pourrait appeler les fossoyeurs de la transition. Ils sont dans l’ombre c’est vrai mais ils sont bien présents ; eux qui ne veulent pas du succès de la transition.

 

Je m’exprime ainsi parce que je crains que de leur terre d’exil, Blaise Compaoré et les siens ne rient tôt ou tard sous cape de notre révolution. Alors à bon entendeur, salut.

 

Issaka Luc KOUROUMA


No Comments

Leave A Comment