CRISE LIBYENNE :La solution passe par une mise sous tutelle
Lasses de leurs échecs, les autorités libyennes ont dû se résoudre à appeler au secours la communauté internationale. C’est une attitude réaliste. Car il est de notoriété publique qu’en Libye, tout ou presque échappe actuellement aux autorités régulières. En effet, ce sont les milices qui dictent leur loi, qui contrôlent quasiment tout : aéroport, puits de pétrole, etc. Ces groupuscules terroristes qui essaiment à travers le pays, tiennent en respect les autorités officielles qui assistent, impuissantes, à la désagrégation de la situation du pays. Son niveau de déliquescence est tel qu’il n’est pas exagéré de dire que l’Etat libyen n’existe actuellement que de nom.
L’équation libyenne est difficile à résoudre
La décision de l’Organisation des Nations unies (ONU) de retirer temporairement son personnel de ce pays, en dit long sur le niveau de détérioration du climat sécuritaire. L’opposition politique, face à ce qui est qualifié d’échec de la part des nouveaux dirigeants libyens, appelle à la démission du gouvernement. C’est de bonne guerre. Seulement, cette démission ne saurait suffire à elle seule à relever ce pays qui sombre.
Maintenant, on peut s’interroger sur l’écho que pourrait avoir cet appel au secours. La communauté internationale pourra-t-elle y répondre ? Et comment le ferait-elle ? N’est-ce pas quelque peu tard ? En tout cas, sans être pessimiste, on peut dire que l’équation libyenne est difficile à résoudre. En effet, après toutes les brimades et les étouffements qu’ils ont endurés sous l’ère Kadhafi, les Libyens ont découvert les délices de la liberté. Seulement, ils ont visiblement oublié que toute liberté qui se respecte doit savoir avoir, voire s’imposer, des limites. En d’autres termes, ils ont perdu de vue le fait que trop de liberté tue la liberté. La prolifération des groupes armés qui obéissent à plusieurs commandements, a abouti à la chienlit en Libye. Il n’y a pas un minimum de consensus, aucune personnalité ne fait l’unanimité autour d’elle, les institutions sont à terre. Les protagonistes de la crise libyenne ne semblent pas disposés à s’écouter mutuellement. Bien des personnalités libyennes, aujourd’hui, ne sont d’accord que sur leurs désaccords. Les querelles de leadership entre les hommes politiques et la boulimie de chaque milice, désireuse de se tailler la part du lion envers et contre tout principe républicain, compliquent singulièrement la quête d’une solution pacifique.
Toutes ces difficultés sont accentuées par l’empreinte des islamistes qui n’ont, en aucun cas, besoin d’un Etat libyen fort à même de gêner leurs actions et de remettre en cause leur présence libre et affichée sur le territoire. Dans un tel contexte, face à un tel décor, on se demande ce que peut bien faire la communauté internationale. Face au silence et à l’incapacité de l’Union africaine à prendre des initiatives face à ce délitement de l’Etat libyen, on pourrait penser à un mandat bien musclé du Conseil de sécurité de l’ONU, pour rétablir un minimum d’ordre dans ce pays. Le problème est que pour exécuter un tel mandat, les Nations unies, pour autant qu’elles y soient a priori favorables, ont besoin d’une armée libyenne assez bien organisée sur laquelle s’appuyer, ou au moins, d’une aire sécurisée à partir de laquelle elles pourront déployer leurs propres troupes. Or, l’armée libyenne, comme on le sait, est sinistrée, pour ne pas dire inexistante. De plus, il n’y a aucune zone du pays qui soit sous le contrôle de l’Etat. C’est dire toute la difficulté de l’exécution d’un tel mandat.
Il faudra trouver les rarissimes leviers qui peuvent encore être actionnés
Une autre solution serait de placer le pays sous tutelle onusienne jusqu’à ce que la situation soit relativement sous contrôle. Ce qui ne peut se faire, au stade où nous en sommes, sans la mise au pas des groupes armés. Et puis, il y a ces islamistes de tout poil qui font la pluie et le beau temps en Libye, qui verraient en une éventuelle mise sous tutelle du pays, une occupation étrangère. Pour eux, ce serait une occupation surtout occidentale du territoire libyen, étant donné que les Nations unies ne peuvent pas faire grand-chose sans une participation franche des puissances occidentales. Les extrémistes se serviraient alors de cet argument de la lutte contre l’occupation étrangère comme moyen de recrutement de combattants parmi les jeunes. Pour ce faire, il leur suffirait de continuer à attiser le sentiment anti-occidental largement répandu dans les pays arabes et entretenu par la crise israélo-palestinienne.
C’est donc une mission quasi impossible que celle qui se présente à la communauté internationale. Mais l’aveu d’impuissance des autorités et leur appel au secours ne sauraient être ignorés par la communauté internationale. Croiser les bras serait une sorte de « non- assistance à pays en danger ». La Libye se meurt et la communauté internationale, par devoir moral, ne saurait fermer les yeux face à cette réalité. Il faudra donc trouver les rarissimes leviers qui peuvent encore être actionnés dans ce pays, pour parvenir, ne serait-ce qu’à une situation relativement sécurisée du pays. A cet effet, les Nations unies pourraient commencer par dresser un inventaire des difficultés, des points d’achoppement en vue d’instaurer un dialogue entre les différents protagonistes, du moins ceux qui ont un minimum de volonté de sortir leur pays de ce bourbier. Certainement que les discussions, si elles sont lancées, risquent de trainer en longueur, d’être même difficiles. Mais cela vaut la peine d’être essayé au regard de l’enjeu du moment : restaurer l’Etat libyen.
« Le Pays »