HomeA la uneDENOUEMENT DE LA CRISE GAMBIENNE : La démocratie a triomphé mais…  

DENOUEMENT DE LA CRISE GAMBIENNE : La démocratie a triomphé mais…  


 

 

Après 22 ans de gouvernance Jammeh, passés sous le sceau de la terreur, de la patrimonialisation de l’Etat et de la bouffonnerie, après un mois et demi de crise politique marquée par l’angoisse, les Gambiens peuvent se permettre enfin de savourer la liberté. En effet, le samedi 21 janvier à 21h précises, le sulfureux Yahya Jammeh a quitté la Gambie pour la Guinée-Equatoriale, après une escale à Conakry. Les Gambiens peuvent lancer un tonitruant ouf de soulagement et avec eux, tous ceux d’Afrique et d’ailleurs qui sont épris de paix et de démocratie. Ce dénouement pacifique de la crise politique, qui avait laissé entrevoir et craindre des moments de larmes pour le petit pays de l’Afrique de l’Ouest au cas où l’option militaire de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) s’était imposée pour que Jammeh évacue le palais présidentiel, ce dénouement pacifique, disons-le tout net, est à saluer à sa juste valeur. Car, l’Afrique n’est pas si amnésique au point d’oublier la manière dont les choses avaient été gérées en Libye. Dans ce pays, en effet, la communauté internationale avait mis la manière forte pour débarrasser la Libye de la férule de Kadhafi sans se soucier aucunement du service après-vente. Aujourd’hui encore, les Libyens et l’ensemble des populations de l’espace sahélo-saharien sont en train d’en payer le prix fort.

La CEDEAO a fait la preuve de son efficacité en Gambie

La CEDEAO a tout fait pour ne pas reproduire en Gambie, le scénario libyen. Et c’est tout à son honneur qu’aucun coup de feu n’ait été tiré par ses forces pour libérer la Gambie des griffes du tyran. La cerise sur le gâteau est que par la pédagogie de la diplomatie soutenue en arrière-plan par la posture de l’imminence d’une intervention militaire, la CEDEAO a rendu un énorme service à la démocratie en Gambie. Chapeau bas donc à la CEDEAO ! Si seulement son œuvre salvatrice en Gambie, pouvait inspirer la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) ! Toute l’Afrique le souhaite vivement. Car, dans cette partie du continent noir, chaque pays a son Yahya Jammeh. L’on peut également, en plus de l’hommage rendu à la CEDEAO, se permettre de saluer le leadership de Macky Sall. En effet, sans sa détermination constante à chasser ici et maintenant l’usurpateur de la Gambie, on n’en serait pas là. Et c’est cette posture de fermeté qui a dû décider des démocrates bon teint comme le tout nouveau président ghanéen et le chef de l’Etat du Nigeria, à se joindre au président sénégalais pour envisager, le cas échéant, la méthode forte, pour faire plier le dictateur. Il reste à souhaiter que désormais, la recette de la CEDEAO, qui a fait la preuve de son efficacité en Gambie, soit appliquée à tous les pays de l’organisation à chaque fois que la démocratie y sera fortement malmenée. Cela dit, les 2 grands enseignements que l’on peut tirer du dénouement de la crise gambienne, sont les suivants. Le premier est que l’Afrique a les ressources pour résoudre par elle-même les crises politiques qui se présentent à elle. Si elle avait attendu les conciliabules à n’en pas finir venant d’ailleurs, la crise gambienne aurait couru le risque de l’enlisement. Le deuxième grand enseignement est que la diplomatie, quand elle n’est pas soutenue en arrière- plan par la force, est de nul effet pour ramener un dictateur à de meilleurs sentiments. Aujourd’hui, cette vérité a été expérimentée avec Yahya Jammeh en Gambie. Il revient aux autres satrapes, qui sont encore aux affaires, de faire usage du peu de lucidité qui leur reste, pour faire leur introspection avant que le ciel ne leur tombe un jour sur la tête. Et ce jour viendra tôt ou tard, s’ils continuent dans leur goût immodéré et gargantuesque du pouvoir, rien que pour le pouvoir. La rançon de cette posture est l’exil et la honte dans le meilleur des cas. En Gambie, l’entêtement bovin de Yahya Jammeh à s’accrocher à son trône, lui a valu l’exil forcé, loin de son pays natal. Mais quelque part, ce n’est pas cher payé pour lui, au regard de tout le mal qu’il a fait à son pays et à bien de ses compatriotes. Mieux, c’est sous les ovations de ses sympathisants et avec la fanfare de la garde Républicaine qui a joué l’hymne gambien sur le tarmac, qu’il s’est envolé pour la Guinée-Equatoriale. Et le moins que l’on puisse dire est que la cérémonie officielle qui a précédé son départ, représente trop d’honneur pour un dictateur de sa trempe.

Le départ de Yahya Jammeh est un triomphe de la démocratie

Yahya Jammeh peut donc s’estimer heureux pour avoir réussi à quitter sa Gambie natale en « héros » et en « croyant » qui aurait choisi de renoncer au pouvoir pour éviter le bain de sang. Vrai ou faux ? En tout cas, c’est cette image que le désormais ex-président gambien voudrait qu’on garde de lui. Pour quelqu’un qui a une haute idée de sa personne au point de croire qu’il est le nombril de la Gambie, l’on peut dire que c’est lui-même qui a agencé ainsi les choses. Et la CEDEAO, connaissant parfaitement le profil psychologique de l’homme, lui a concédé cela pour flatter son ego. Cette concession peut donc se comprendre car c’est le moindre mal. Mais le véritable point faible de l’accord qui a permis le départ du dictateur, est lié à ceci : dans une déclaration commune publiée peu après le départ de Jammeh, la CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU ont annoncé garantir les droits du Satrape, y compris le droit de revenir dans son pays. Cette disposition n’augure rien de bon pour la Gambie d’Adama Barrow. Car, elle s’apparente au fait de signifier à un lion, chassé de la bergerie pour ses méfaits, qu’il peut y revenir quand il veut et comme il veut. Dans le cas d’espèce, ce lion, qui n’est autre que Yahya Jammeh, qui plus est dispose non seulement d’une immense fortune acquise dans des conditions troubles, mais aussi de nombreux sympathisants qui regrettent son départ notamment pour des raisons œsophagiques, peut encore nuire à la Gambie. A cet effet, il peut, à loisir, exploiter la moindre faille du nouveau régime pour activer les réseaux qu’il a laissés en partant, pour déstabiliser Adama Barrow. Et dans une Gambie où les attentes des populations sont fortes et pressantes, et où la démocratie est au stade de vagissements,  la possibilité offerte au satrape de revenir en Gambie à sa guise, plus qu’un risque, est une faute de la part de la communauté internationale. De ce point de vue, l’on peut se permettre de dire que le départ de Yahya Jammeh est un triomphe de la démocratie. Mais le risque est grand que ce triomphe soit de courte durée, pour la simple raison que non seulement Adama Barrow aura fort à faire pour répondre aux nombreuses attentes légitimes des populations, mais aussi que certaines largesses offertes à Yahya Jammeh sont susceptibles de lui permettre un come-back politique en Gambie. Et cette fois-ci, il n’organisera plus des élections pour les perdre.

« Le Pays »


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