HomeA la uneDESIRE GUINKO, COORDONNATEUR DE LA COORDINATION DES ORGANISATIONS POUR LA LIBERATION DE L’EX-PRESIDENT ROCH KABORE  :« Les militaires se consacrent à installer des gens à leur service dans le but d’asseoir un système politique »

DESIRE GUINKO, COORDONNATEUR DE LA COORDINATION DES ORGANISATIONS POUR LA LIBERATION DE L’EX-PRESIDENT ROCH KABORE  :« Les militaires se consacrent à installer des gens à leur service dans le but d’asseoir un système politique »


Il est le coordonnateur national de la Coordination des organisations pour la libération de l’ex-président Roch Marc Christian Kaboré dont il a été d’ailleurs, à l’époque, l’un des chargés de missions. Désiré Guinko, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est l’invité de « Mardi Politique » de ce jour. Dans cet entretien réalisé dans la soirée du 29 mai 2022 à Ouagadougou, le coordonnateur revient sur quelques aspects de la lutte que lui et ses camarades mènent. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Pourquoi avoir créé un mouvement pour la libération de Roch Marc Christian Kaboré ?

 

 

Désiré Guinko : Pour mener un combat, il est parfois nécessaire de s’organiser et de se structurer afin de mieux canaliser les initiatives. Nous avons décidé de nous regrouper en coordination parce que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait beaucoup de structures, de mouvements et de personnes ressources qui étaient dans la dynamique du combat pour la libération de Roch. Nous comptons une centaine d’associations et nous structurer dénote du sérieux de la lutte que nous menons en toute responsabilité.

 

 

Qui finance les activités de votre coordination ?

 

 

On n’a pas besoin que quelqu’un finance nos activités. Les associations sont organisées. Elles ont cette capacité à cotiser de l’argent, à lever des fonds. Dans le cadre de la coordination, chaque structure contribue à sa manière et c’est ce qui fait qu’on peut mener nos activités. Il faut se dire une chose : l’argent ne fait pas tout. Il ne faut pas tout résumer aux questions d’argent. Des gens pensent que pour mener des initiatives, il faut une mobilisation extraordinaire d’argent. Certes, il y a des volets dans lesquels l’argent est important mais il y a d’abord la volonté, la conviction et la détermination.

 

 

Vous êtes le coordonnateur du mouvement. Est-ce une manière pour vous d’être reconnaissant à l’ex-président Roch Kaboré dont vous avez été d’ailleurs l’un des chargés de missions ?

 

 

Ce n’est pas ce qu’il a fait pour ma personne mais ce qu’il a fait pour le pays tout entier. Pour toutes les réalisations qu’il a faites pour ce pays, la reconnaissance est d’ordre général. Le président Kaboré a servi ce pays pendant plus de 30 ans. Au-delà de cet aspect, il est un citoyen burkinabè qui vit une situation qui est illégale. Ce qui arrive aujourd’hui au président Kaboré, peut arriver à n’importe quel citoyen burkinabè. C’est pourquoi nous estimons que notre combat est celui de la défense de la liberté, des droits humains.

 

 

D’aucuns vous diront que beaucoup d’autres citoyens burkinabè se retrouvent dans cette situation mais que vous ne les défendez pas !

 

 

Evidemment, c’est un aspect que certains peuvent évoquer mais comme nous le disons, nous sommes dans une situation où la Constitution a été violée par ceux qui sont arrivés au pouvoir. Quand on viole la Constitution, les droits élémentaires seront aussi violés. Dans un contexte où on peut piétiner les droits des citoyens à tout moment, c’est la gravité de la situation qui nous appelle à réagir.

 

 

Quelles sont les raisons qui ont été invoquées pour annuler votre meeting du 28 mai dernier ?

 

 

Sur cet aspect, il faut que je revienne sur un volet. D’abord, nous avons été outrés d’apprendre via les réseaux sociaux, l’interdiction de notre activité. Nous avons introduit de façon responsable, en bonne et due forme, une demande d’autorisation à la date du lundi 23 mai 2022. Nous avons joint le récépissé de reconnaissance et cinq copies de nos CNIB pour montrer notre bonne foi et pour dire que nous assumons pleinement et entièrement la tenue de cette activité qui a un caractère pacifique. Du lundi au vendredi, nous n’avons pas eu de suite. Vendredi vers 10h, lorsque nous nous sommes rendus au Haut-commissariat autour de 10h pour nous enquérir de la suite de notre demande, on nous a demandé de revenir à 15h30 et cela, pour nous maintenir dans un certain suspense puisque la note était déjà prête. Vers  12h, quand nous avons compris qu’on tournait en rond, nous avons fait un communiqué pour dire que nous tirons toutes les conséquences de la non-réaction par rapport à notre demande. Moins de 10mn après, nous avons vu circuler sur les réseaux sociaux, la note administrative signée du Haut-commissaire du Kadiogo, interdisant notre activité. Nous-mêmes, jusqu’à l’heure actuelle (dimanche 29 mai 2022, ndlr), nous ne sommes pas entrés en possession de cette note. Administrativement, cela ne se fait pas. On ne gère pas un Etat avec de telles légèretés. Qu’à cela ne tienne, nous nous sommes réunis et compte tenu du contexte général du pays avec ces lots de morts, de massacres de la population civile, nous avons pris acte et avons décidé de ne pas poser d’acte qui va à l’encontre de cette décision.

 

 

Aviez-vous d’ailleurs le choix ?

 

 

Bien sûr. Dans des dates récentes, il y avait des interdictions de manifester faites par la mairie de Ouagadougou mais les gens manifestaient. Ils manifestaient, saccageaient et circulaient. A Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et dans certaines villes, c’était le cas. Nous aurions pu nous comporter de la sorte. Rien ne nous empêche de le faire.

 

Au risque d’aller en prison ?

 

 

Aller en prison pour la défense de nos convictions, est une victoire pour nous. Se retrouver en prison dans ces conditions n’est pas un drame. Si nous devions nous retrouver en prison pour avoir défendu les droits humains et la dignité, ce serait avec honneur et dignité. Nous sommes prêts pour cette cause. Nous sommes conscients que chaque acte que nous posons, peut nous amener en prison selon les humeurs de ceux qui sont au pouvoir.

 

 

Avez-vous été inquiété dans l’organisation de votre activité du 28 mai ?

 

 

La vendredi 27 mai, aux environs de 9h-10h, j’ai reçu un appel de la direction chargée de la répression de la cybercriminalité. Celui qui était au bout du fil m’a demandé de venir dans cette direction non loin du Stade municipal, « juste pour un entretien ». Je lui ai demandé s’il s’agissait d’une convocation et il m’a répondu par l’affirmative. J’ai dit à mon interlocuteur que je ne pouvais pas me rendre dans un endroit sans une convocation physique. Sur un ton menaçant, il me dit que je suis en train d’aggraver mon cas en parlant d’avocat et de convocation physique. Il m’a alors donné 30 minutes pour leur indiquer comment je peux leur permettre de me remettre la convocation physique. Il ne m’a plus rappelé.

 

 

« Aujourd’hui, le président est en détention et le MPSR ne peut pas dire le contraire »

 

De quels éléments disposez-vous pour dire que l’ex- président est en prison ?

 

 

L’ex-président est en détention parce qu’il ne peut pas sortir de chez lui. Un homme libre, c’est celui qui peut aller et revenir sans être inquiété. Le président ne peut pas communiquer avec ses téléphones sans une autorisation des soldats du MPSR. La petite famille du président n’a qu’une heure pendant laquelle elle peut rendre visite au président dans la matinée. A une certaine heure, elle est priée de repartir. Ce n’est pas normal. Il faut mettre fin à cet état de fait. Aujourd’hui, le président est en détention et le MPSR ne peut pas dire le contraire.

 

 

Et si cette situation était pour mieux sécuriser Roch ?

 

 

Je le dis et je le répète, le président Roch Kaboré peut circuler dans les rues de Ouagadougou, il n’aurait aucun problème avec un citoyen burkinabè et ce, contrairement à ceux qui le détiennent et qui tiennent les armes. Roch est un homme qui n’a pas de problème avec les gens.

 

Jusqu’où êtes-vous capables d’aller pour défendre la cause du président Roch ?

 

 

Nous sommes des combattants pacifiques et nous respectons les règles de notre pays. Ce combat contribue à l’enracinement de la démocratie au Burkina Faso. Nous avons eu des devanciers qui se sont battus pour la liberté dans notre pays. Je salue la mémoire de feu Norbert Zongo.

 

 

Avez-vous des nouvelles de Roch et comment se porte-t-il ?

 

 

Par personnes interposées, nous avons des éléments sur l’état de santé et la force morale du président Kaboré. Nous saluons déjà sa capacité de tolérance, sa capacité de résilience exceptionnelle.

 

Il se susurre que vous payez les gens pour venir à votre manif. Qu’en dites-vous ?

 

 

C’est écœurant d’entendre ce genre de propos. C’est insultant de tenir ces genres de propos quand on voit de vielles dames venues à vélo pour participer au meeting de soutien au président Kaboré. On achète ces braves dames à quel prix ? Il y a des gens qui résument tout en achat de consciences dans ce pays. Ce sont les personnes qui ont commandité ces propos pour nous discréditer qui sont dans la manipulation et qui ont ces comportements depuis des années.  

 

 

Quelle est la position du MPP par rapport à votre initiative ?

 

 

Il y a une convergence de vues et nous saluons l’engagement du MPP pour la libération du président Roch. Le président Alassane Bala Sakandé a dit clairement que ce que nous faisons, va en droite ligne avec leur combat. Naturellement, même si le MPP ne fait pas partie de notre coalition, il ne peut pas empêcher ses militants de nous soutenir. Le MPSR fait fausse route en pensant qu’en détenant le président Kaboré, cela arrangerait peut-être quelque chose dans sa gouvernance. Ce sont les gens du MPSR qui savent pourquoi ils détiennent le président Kaboré mais nous disons que ce dernier est un fils de ce pays, un ex-chef de l’Etat qui peut leur apporter beaucoup dans la gestion du pays. On ne peut pas gouverner un pays en divisant ses fils et filles. La situation que nous vivons aujourd’hui appelle nécessairement à un rassemblement.

 

 

Quelle est votre lecture de la conduite de la transition ?

 

 

Cette transition ira directement à un échec si elle ne se recadre pas elle-même. Si elle continue d’œuvrer à diviser les Burkinabè, si elle continue de travailler dans l’intérêt d’un groupuscule, elle va échouer. Si elle ne fait pas son autocritique, elle va foncer droit dans le mur.

 

« Quand on est militaire, on ne va pas s’asseoir dans les salons feutrés pour faire la politique dans un contexte d’insécurité généralisée. On se consacre au front »

 

Comme ce qui s’est passé sous Roch ?

 

 

Le président Roch n’a pas échoué.  Il a été élu une première fois, et a été réélu une seconde fois. Il a posé les bases d’un développement économique et social du Burkina Faso. Aujourd’hui, le pays est en train de plonger. Tous les indicateurs sont au rouge et il est grand temps de se ressaisir. Le MPSR a dit qu’il était venu rétablir la sécurité. Faites le constat. En quatre mois, le bilan est désastreux. Si on devrait s’en tenir aux raisons invoquées pour prendre le pouvoir, le MPSR ne devrait plus gérer ce pays parce qu’il a trompé les Burkinabè. Quand on est militaire, on ne va pas s’asseoir dans les salons feutrés pour faire la politique dans un contexte d’insécurité généralisée. On se consacre au front. On mobilise les fils et filles du pays pour affronter l’ennemi. On se donne la main. Mais lorsqu’on vient pour la restauration d’un ordre politique en vue de s’enraciner au pouvoir, on ne peut pas aller loin dans ce Burkina actuel.

 

Un ordre politique pour s’enraciner au pouvoir. Qu’est-ce à dire ?

 

Regardez, au quotidien chaque mercredi, c’est un renouvellement à la tête de tous les services. Le MPSR n’a même pas le temps de se consacrer à la question sécuritaire. Les militaires se consacrent à dépoussiérer ou encore à installer des gens, militaires comme civils, à leur service dans le but d’asseoir un système politique. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est cela l’objectif ; asseoir un système politique à travers des individus à leur solde. Et le résultat, c’est l’enracinement d’un système politique. Vous pouvez me croire, c’est ce qui est en cours. Lorsqu’on a parlé de restauration, il ne s’agit pas de la question sécuritaire, de l’intégrité du territoire, de la bonne gouvernance. Il s’agit d’asseoir un ordre politique en faisant un nettoyage généralisé quotidien, chaque mercredi. On ne peut pas libérer ce pays dans ces conditions. On ne peut pas aboutir à un Etat stable en étant assis au palais de Kosyam pour faire la politique.

 

Propos recueillis par Michel NANA

 


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