HomeA la uneDIALOGUE CITOYEN AVEC LE PRESIDENT DU FASO : Une initiative louable mais à repenser

DIALOGUE CITOYEN AVEC LE PRESIDENT DU FASO : Une initiative louable mais à repenser


Ils étaient certainement nombreux les Burkinabè qui ont suivi avec intérêt, la prestation de leur président à la RTB (Radio-Télévision du Burkina), le mardi 26 avril dernier, dans le cadre de l’émission « Dialogue citoyen ». Cette plateforme offerte aux Burkinabè à l’initiative de la CODEL (Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections) et de Diakonia, qui visait à échanger avec le chef de l’Etat sur leurs préoccupations, est une première. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle peut permettre aux citoyens d’interpeller en direct et en temps réel, le premier des Burkinabè sur les grandes questions qui agitent la vie de la Nation et de recevoir en retour des réponses officielles et à chaud. Toute chose qui peut permettre d’atteindre les objectifs suivants : changer la perception qu’ont les Burkinabè de la fonction du président du Faso. En effet, le simple fait de donner aux citoyens Tartempion la possibilité de s’adresser à la personnalité qui incarne le plus l’Etat, peut susciter une sorte de démystification dans le bon sens, de la fonction présidentielle. Car, ne n’oublions pas, sous nos tropiques, le président est perçu comme un demi-dieu retranché dans une tour d’ivoire. Dans l’imaginaire populaire, il est donc inaccessible au commun des mortels.  C’est cette distance entre le président et ses concitoyens, qui explique, entre autres, que bien des présidents africains finissent par se comporter comme de véritables monarques. De ce fait, ils ne s’imposent pas le devoir de rendre compte directement à leurs compatriotes. De toute évidence, une démocratie digne de ce nom, ne doit pas fonctionner de cette manière. Une émission comme « Dialogue citoyen » peut donc avoir l’avantage d’amener le président à descendre de son piédestal de Zeus, pour se mettre au niveau de son peuple à l’effet de l’écouter et de réagir à ses cris de détresse. Et en la matière, mieux vaut les adresser à Dieu plutôt qu’à ses saints. Ensuite, ce genre d’émissions peut avoir l’avantage de réduire considérablement la prégnance du phénomène de la rumeur sur la vie des citoyens. Et par ces temps qui courent où chaque jour que Dieu fait, Radio cancan déverse sur les villes et campagnes, sa dose d’informations, le plus souvent alarmistes en rapport avec la vie de la République, la personne la plus indiquée pour rassurer les Burkinabè, est bel et bien le président de la République, même si l’on ne doit pas oublier le fait que, par moments, pour des raisons liées à la sécurité de l’Etat, celui-ci peut être tenté de ne pas déballer certaines affaires sur la place publique.

 

Repenser les choses pour que l’émission ne soit pas une vitrine juste pour soigner l’image d’un homme politique

 

Enfin, cette émission peut contribuer à installer une culture citoyenne dans notre pays. En effet, elle donne l’occasion à chacun et à tous d’évoquer publiquement à qui de droit, tous les aspects liés à la vie de la cité. Et cela, il faut le rappeler, est un droit consacré par la Constitution. Ce faisant, le citoyen s’invite, peut-on dire, à la gestion de la cité. Et la démocratie en a besoin pour se nourrir et pour grandir dans la transparence et le dialogue. De ce qui précède, l’on peut affirmer que « Dialogue citoyen » est une initiative louable. Il faut donc rendre hommage à la CODEL et à Diakonia qui ont eu le nez creux de l’avoir portée sur les fonts baptismaux. L’on peut aussi se réjouir du fait que le président a accepté volontiers de se prêter à l’exercice. Car, un tel grand oral n’est pas chose aisée. Pour le réussir, il faut non seulement faire preuve d’éloquence, mais aussi faire montre d’une parfaite maîtrise des sujets brûlants de la cité. Toutefois, pour que cette initiative louable aille au-delà d’une simple communication politique pour se donner toutes les chances d’ajouter de la terre à la terre de l’édification d’une vraie démocratie au Burkina, il convient de la repenser. Et à cet effet, l’on peut suggérer ce qui suit : d’abord, l’on peut relever et déplorer la proximité de l’émission avec la sortie médiatique du président à propos de ses « cent jours de pouvoir ». Cela a donné l’impression que bien des questions évoquées dans « Dialogue citoyen », étaient sans objet puisque le président les avait traitées en long et en large quelques jours plus tôt lors de son bilan des cent jours. Il faut donc en tenir compte dans les émissions à venir pour ne pas contraindre le président à répéter ce que les Burkinabè savent déjà. Cela, de toute évidence, est lassant et ennuyant. Ensuite, l’on doit veiller à ce que les personnes chargées de faire le tri et le filtrage des préoccupations exprimées par les citoyens, ne partagent pas les mêmes sensibilités politiques voire idéologiques que le président. L’on ne dit pas que c’était le cas de ceux qui ont assuré ce rôle lors de l’émission. Mais sait-on jamais ? Car, ce genre de profil de partisans, pour ne pas dire de courtisans, peut les prédisposer à ne pas retenir les questions pertinentes et dérangeantes. Par ailleurs, un devoir de clarification s’impose : soit c’est une émission exclusivement réservée aux citoyens et les journalistes qui l’animent s’en tiennent à un rôle de relais ; soit c’est une émission exclusivement réservée aux journalistes. Dans ce cas de figure, il faut prendre le soin de faire en sorte que les animateurs reflètent la pluralité de la presse burkinabè. Cela dit, comme c’est une première, l’on peut tolérer les insuffisances qui ont été constatées et nourrir l’espoir, au regard de l’utilité publique de l’initiative, que ce ne sera pas la dernière. Et que dans les émissions à venir, ceux qui en ont eu l’initiative, repenseront les choses véritablement pour qu’elle ne soit pas une vitrine juste pour soigner l’image d’un homme politique. Car, c’est le principal danger qui guette ce genre d’émission.

 

Sidzabda   


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