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DIALOGUE POLITIQUE EN COTE D’IVOIRE  


Après une présidentielle fortement agitée en raison de la réélection d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) pour un troisième mandat sur fond de désaccord sur l’interprétation de la loi, l’on s’achemine, en Côte d’Ivoire, vers un dialogue politique pour sortir le pays de la crise post-électorale. En effet, au lendemain du scrutin du 31 octobre dernier,  l’opposition avait annoncé la création d’un Conseil national de transition (CNT) dirigé par Henri Konan Bédié. Ce, en signe de non-reconnaissance du nouveau mandat de l’enfant de Kong déclaré vainqueur avec un score à la soviétique, d’une présidentielle largement boycottée par la même opposition qui est toujours dans la contestation. S’en sont suivies des arrestations parmi ses leaders dont certains sont toujours en cavale, le président désigné du fameux CNT qu’est Henri Konan Bédié ayant lui-même fait l’objet d’une assignation à résidence qui ne dit pas son nom, jusqu’à la rencontre du 11 novembre dernier avec  le président Ouattara. Une rencontre de décrispation honorée en guise de réponse favorable à la main tendue du chef de l’Etat pour un dialogue.

 

Cette initiative de dialogue est louable

 

En attendant de savoir la suite que l’opposition dans son ensemble va y donner, elle à qui l’interlocuteur d’un soir du chef de l’Etat compte « faire le point », le moins que l’on puisse dire, c’est que cette initiative de dialogue est louable, car il faut bien sortir de la crise pour aller de l’avant. Mais on peut déplorer qu’elle intervienne un peu sur le tard. Car, si les protagonistes avaient commencé par là, on aurait certainement pu faire l’économie des 85 morts que pleure aujourd’hui le pays et qui risquent de passer par pertes et profits, sans oublier les centaines de blessés et les dégâts matériels commis sur des biens publics et privés. Cela doit interpeller les Ivoiriens. Notamment sur le niveau de civisme, de patriotisme et de  responsabilité de leur classe politique qui donne finalement l’impression d’avoir  la fâcheuse tendance à régler ses contradictions par la violence dans laquelle elle entraîne presque systématiquement le peuple, pour in fine s’accorder sur un modus vivendi où chacun essaie de tirer ses marrons du feu, en attendant de rebattre les cartes pour un nouveau gbangban*. En effet, en 2010-2011, des milliers d’Ivoiriens étaient morts dans la crise post-électorale qui s’est aussi traduite par une forte déchirure sociale. Mais plus que le recollage du tissu social à travers une réconciliation qui continue de se faire attendre, la finalité a été un rapprochement des leaders politiques à travers la coalition au pouvoir (ADO, Bédié, Soro) qui a géré le pays tout en tenant en laisse l’ennemi commun d’alors (le FPI), jusqu’à l’épisode de la présidentielle de 2020 qui est venu à nouveau lézarder la maison avec les conséquences et les développements qui ont conduit à la situation actuelle. D’où ce retour sous l’arbre à palabres qui se dessine à l’horizon. Une fois encore, les frères ennemis ivoiriens pourraient d’être appelés à se parler pour trouver une issue à une crise politique. Une fois encore, cela risque de se terminer par une sorte de consensus qui consistera à faire un peu de place au soleil « aux grognards » pour ménager autant que faire se peut les susceptibilités.

 

Il est temps, pour les Ivoiriens, de prendre la pleine mesure de la profonde crise que traverse leur pays et d’en tirer les leçons

 

Si c’est le prix à payer pour le retour de la paix, on ne peut qu’en prendre acte. Mais tout porte à croire que quel que soit le compromis qui sera trouvé, tant que les cœurs ne seront pas désarmés en Côte d’Ivoire, l’histoire continuera de se répéter de façon tragique dans ce pays. Mieux, l’on est fondé à croire que les rancœurs sont si vives et les rancunes si tenaces, qu’il faudra bien plus que ces petits arrangements entre politiciens et autres dispositions folkloriques plutôt bonnes pour la communauté internationale, pour sortir véritablement le pays de l’impasse. Finalement, c’est le peuple qui se révèle comme le dindon de la farce.  Car, au bilan final de ces violences politiques, presque jamais, comme par hasard, un leader politique ne déplorera la perte d’un proche lorsque le pays commencera à compter ses morts. Ce sera toujours, et c’est loin cette fois-ci d’être un hasard, les enfants des autres qui constitueront le gros de la liste du bilan macabre. Et l’histoire se répètera. C’est dire s’il est temps, pour les Ivoiriens, de prendre la pleine mesure de la profonde crise que traverse leur pays et d’en tirer les leçons. Au-delà, c’est toute la jeunesse africaine qui est appelée à une prise de conscience dans le combat politique dans lequel elle est souvent entraînée par ses leaders politiques. Tout le mal que l’on puisse souhaiter à la Côte d’Ivoire, c’est de trouver une issue heureuse à cette nouvelle crise d’envergure que traverse le pays. En attendant, au vu des dégâts humains qui viennent ouvrir de nouvelles  plaies sur les cicatrices encore fraîches de 2010-2011 avec la suite que l’on en sait, on a envie de rappeler cette maxime non écrite qui  dit que « mourir pour un homme politique, c’est mourir cadeau », et que peinent encore à faire leur, de nombreux Africains.

 

« Le Pays »

 

* Gbangban: tambouille en langage Nouchi (argot ivoirien).


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