HomeA la uneDr ROMARIC SEDEGO, CARDIOLOGUE « L’hypertension artérielle opère en meurtrier silencieux »

Dr ROMARIC SEDEGO, CARDIOLOGUE « L’hypertension artérielle opère en meurtrier silencieux »


 

HTA, entendez par là, «hypertension artérielle ». Le Dr Romaric Sédégo, cardiologue, en dit plus dans votre rubrique « A propos de ma santé » de ce jour dont il est l’invité. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Qu’est ce que l’hypertension artérielle (HTA) ?

Dr Romaric Sédégo : Selon les normes de l’OMS, on parle d’Hypertension artérielle, en abrégée HTA, lorsque la Tension artérielle systolique (TAS) est supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou Tension artérielle diastolique (TAD) supérieure ou égale à 90 mmHg (OMS 1999) chez l’adulte de plus de 18 ans. Cette définition suppose que le patient est en position assise ou couchée pendant au moins 5 à 10 mn, à distance d’une émotion ou de prise de café, d’alcool, de tabac.
Le matériel de mesure utilisé doit être adapté au morphotype du patient.
L’HTA peut être aiguë ou chronique avec ou sans signes de gravité.
L’HTA est considérée comme étant l’un des principaux facteurs de risque cardio vasculaire et « opère en meurtrier silencieux ». Il faut signaler que cette définition pourrait évoluer.

Quelle est l’épidémiologie de l’HTA ?

En 2000, on estimait à 26,4% dans le monde, la proportion d’hypertendus (26,6% des hommes et 26,1% des femmes). D’ici 2025, cette proportion devrait atteindre 29,2% de la population mondiale soit 29% d’hommes et 29,5% de femmes. Parmi les 972 millions d’adultes hypertendus, 333 millions soit 34,3% proviennent des pays développés et 669 millions soit 65,7% des pays en développement. En Afrique, l’HTA est fréquente dans la population adulte urbaine avec une moyenne de 23%. L’enquête STEP 2013, au Burkina Faso, relevait une prévalence globale de l’HTA au sein de la population de 25 à 64 ans de 17,6% soit 865 638 personnes hypertendues. Cette prévalence augmente avec l’âge de façon globale dans les deux sexes. Elle était de 24,8% en milieu urbain soit 304 941 cas et de 14,8% en milieu rural soit 545 942 cas. L’HTA serait responsable d’un peu moins de 8 millions de décès par an dans le monde et près de 100 millions de jours d’invalidité. Elle serait la cause de près de la moitié des Accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des accidents cardiaques.
L’HTA traitée réduit de :
– 35-40 % les AVC ;
– 50 % l’insuffisance cardiaque ;
et 20-25 % les infarctus du myocarde

Quelle est la symptomatologie clinique de l’Hypertension artérielle ?

Dans de nombreux cas, l’hypertendu ne présente aucun symptôme et l’HTA est découverte de façon fortuite lors d’examens systématiques ou lors de consultations motivées par une autre cause.
Dans certains cas, des symptômes peuvent traduire la répercussion de l’élévation tensionnelle sur l’organisme. Bien que non spécifiques, les principaux symptômes pouvant être rencontrés lors d’une HTA sont :
– Des céphalées (maux de tête) : surtout le matin au réveil, dans la région occipitale (nuque et au dessus) ;
– Des acouphènes (sifflements auditifs, bourdonnement d’oreille), des phosphènes (perception de points lumineux) ;
– Des vertiges ;
– Des palpitations : sensation d’augmentation du rythme cardiaque et sensation désagréable du cœur qui bat dans la poitrine ;
– Une asthénie : sensation de fatigue ;
– Une dyspnée : difficulté à respirer ;
– Une épistaxis : saignement du nez ;
– Pollakiurie : miction fréquente ;
En revanche, les signes peuvent être caractéristiques de l’affection causale (maladie de Cushing, phéochromocytome…)

Quelles sont les principales causes de l’HTA ?

Dans 90% des cas, l’HTA est dite essentielle c’est-à-dire qu’aucune cause connue n’est retrouvée. Cette HTA essentielle pourrait s’expliquer par la coexistence de plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaires dont certains sont non modifiables (âge, sexe, hérédité) et d’autres modifiables (alimentation avec un apport exagéré en sel, consommation chronique d’alcool, consommation d’acides gras polyinsaturés, consommation de café, consommation exagérée de réglisse…).

Facteurs non modifiables :

-Age : en effet, chez les personnes qui ont une alimentation de type occidental, la pression artérielle augmente avec l’âge.
– sexe : avant la ménopause, les hormones féminines représentent un facteur protecteur face au risque cardio-vasculaire. Après la ménopause, la courbe du risque cardio-vasculaire des femmes rejoint progressivement celle des hommes de même âge et de même corpulence.
– Hérédité : il existe un déterminisme génétique de l’HTA essentielle dont la nature composite a été mise en évidence.

Facteurs modifiables :

excès d’apport en sel : l’importance de la consommation de sel alimentaire (NACL), pourrait déclencher ou du moins entretenir une HTA ;
– la consommation d’acides gras polyinsaturés a une relation inverse avec le niveau tensionnel ;
– – la consommation de café s’accompagne d’une augmentation de la tension mais l’effet est minime du fait du développement d’une tolérance à la caféine ;
– la consommation excessive de réglisse s’accompagne souvent d’élévation tensionnelle ;
– le poids : il existe une forte corrélation entre l’indice de masse corporelle et le niveau tensionnel ;
– le stress : il y a de nombreuses preuves qui relient le stress à l’HTA et aux maladies cardio- vasculaires ; Dans 10% des cas, l’HTA est secondaire : plusieurs causes peuvent en être donc à l’origine et certaines d’entre elles sont curables de façon définitive.

Les causes secondaires de l’HTA peuvent être de plusieurs origines:

origine rénale : sténose de l’artère rénale, insuffisance rénale chronique ;
– origine surrénalienne : phéochromocytome (tumeur sécrétant un excès des catécholamines) ; syndrome de cushing ; syndrome de Conn ;
– coarctaction de l’Aorte ;
– HTA gravidique : HTA apparaissant chez une femme enceinte ;
– origine toxique : réglisse, intoxication en plomb etc… ;
– origine endocrinienne : hyperthyroïdie, hypothyroïdie, acromégalie, hyperparathyroidie ;
– causes médicamenteuses : la corticothérapie, utilisation de certaines hormones.

Quelles sont les principales complications de l’Hypertension artérielle ?

Si l’HTA n’est pas maîtrisée, des complications peuvent survenir.
Elles sont essentiellement :
-complications cardiaques : l’augmentation de la pression artérielle peut entraîner une hypertrophie (augmentation du volume) du ventricule gauche (pompe cardiaque) très précocement, pouvant être détectée par l’electrocardiogramme (ECG) ou l’échographie cardiaque. Cette hypertrophie peut régresser sous un traitement antihypertenseur ;
-plus tardivement, les cavités cardiaques se dilatent et la fonction pompe du cœur se détériore, faisant apparaître alors des signes d’insuffisance cardiaque.
Par ailleurs l’atteinte des artères du cœur (coronaires) ainsi que les besoins en oxygène d’un cœur hypertrophié, expliquent la survenue fréquente d’une insuffisance coronaire (infarctus, crise cardiaque, mort subite) chez les hypertendus.
L’HTA facilite la formation d’une plaque d’athérome qui, lorsqu’elle est rompue, forme un thrombus (caillot) qui peut venir se loger au niveau d’une coronaire ;
-complications neurologiques : des modifications rétiniennes peuvent être observées au fond des yeux, ce qui permet de suivre l’atteinte vasculaire liée à l’HTA : spasme, rétrécissement des petites artères, exsudats ou hémorragie, œdème papillaire…
Une atteinte du système nerveux central est fréquente et se manifeste par un accident vasculaire cérébral hémorragique par rupture d’un vaisseau cérébral du fait de l’élévation tensionnelle ou ischémique par obstruction d’une artère par de l’athérome ou par un thrombus (conséquence de la rupture d’une plaque d’athérome). Selon l’OMS, un hypertendu a 2 à 3 fois plus de chances d’avoir un AVC.
L’atteinte du système nerveux central peut se traduire également par une encéphalopathie hypertensive (HTA sévère, troubles de la conscience, rétinopathie avec œdème papillaire, crises convulsives) ou par une démence artériopathique, par atteinte diffuse des artères cérébrales par de l’athérome ;
-complications rénales : au niveau des reins l’HTA est responsable d’une néphroangiosclérose et favorise la survenue d’une insuffisance rénale. L’altération de la fonction rénale est souvent très précoce et modérée, mais est susceptible de s’aggraver progressivement. Selon l’OMS, ce risque est multiplié entre 2 et 10 fois chez l’hypertendu ;

– Autres complications :
. accidents gravidiques : chez la femme enceinte, l’HTA favorise les accidents gravidiques : éclampsie, mortalité périnatale, etc… ;
. complications vasculaires diverses : anévrysme, dissection de l’aorte (l’aorte qui se rompt), artériopathie des membres inférieurs.

Comment peut-on traiter l’Hypertension artérielle ?

Dans les rares cas où une cause est trouvée, le traitement de cette dernière pourrait entraîner parfois la guérison de l’HTA (en retirant par exemple chirurgicalement un adénome de Conn, la tension artérielle peut se normaliser).
Le traitement de l’HTA vise à la normalisation des chiffres tensionnels, afin d’en prévenir les complications.
Dans tous les cas, le dépistage et la prise en charge des autres facteurs de risque cardio-vasculaire sont indispensables.
Plusieurs moyens sont disponibles :
– les mesures hygiéno diététiques : les règles relatives à l’hygiène de vie et aux habitudes alimentaires peuvent parfois suffire à normaliser la tension artérielle et doivent toujours être respectées.
Il s’agit de la perte de poids, la diminution de la consommation de sel, la limitation de la consommation d’alcool, l’augmentation de la consommation de fibres alimentaires, en particulier avec une alimentation riche en légumes et en fruits en diminuant celle riche en graisse.
Il faut impérativement lutter contre les facteurs de risque associés (tabac, cholestérol, diabète, sédentarité).
Il faut pratiquer une activité physique continue et régulière, entre 30 et 45 minutes et en moyenne 3 à 4 fois par semaine (préférer les activités dynamiques (marche, footing, vélo, natation…) ;
– les traitements médicamenteux : il existe plusieurs familles d’antihypertenseurs, dont la prescription médicale se fait souvent en association. On peut citer, entre autres, les diurétiques, les beta bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes de l’angiotensine II, les inhibiteurs calciques, les antihypertenseurs centraux, les alpha bloquants, les inhibiteurs de la rénine.

Propos recueillis par Valérie TIANHOUN

 


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