HomeA la uneELUCIDATION DES CRIMES ECONOMIQUES ET DE SANG AU BURKINA FASO : La Justice doit s’assumer  

ELUCIDATION DES CRIMES ECONOMIQUES ET DE SANG AU BURKINA FASO : La Justice doit s’assumer  


 

Une dizaine d’Organisations de la société civile (OSC) ont organisé, le 20 mai dernier, une « journée de dénonciation de l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques », dans l’enceinte de la mythique Maison du peuple, à Ouagadougou. Ces OSC sont vent debout contre l’immobilisme réel ou supposé de l’appareil judiciaire dans les dossiers en souffrance depuis des années dans les différents palais de justice du pays, dont les plus emblématiques sont assurément ceux concernant l’assassinat de Thomas Sankara, de Dabo Boukari et de Norbert Zongo. Les Burkinabè, dans leur majorité, ont, en effet, de la peine à comprendre que des dossiers aussi vieux et sensibles, de même que tous les autres où les acteurs sont plus ou moins connus, ne puissent pas à ce jour être enrôlés, alors que beaucoup de langues se sont déliées et que les magistrats ont acquis formellement leur indépendance depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014, qui a balayé le régime sous lequel la plupart des crimes cités ont été commis. Certes, la Justice a ses raisons que la raison des parents des victimes et du citoyen lambda ignorent, mais d’aucuns y voient une certaine volonté des autorités politiques via l’appareil judiciaire, de noyer les poissons…du crime dans la mare de sang des victimes et, subséquemment, d’éviter la reddition des comptes de “môgos puissants” impliqués dans ces basses besognes. Pour éviter toutes ces supputations et ces insinuations dirigées à tort ou à raison contre des personnalités politiques bien connues et qui sont d’office déclarées coupables par une opinion publique exaspérée par le silence assourdissant des juges, il n’y a pas trente-six mille solutions : la Justice devra se hâter…lentement afin d’élucider ces dossiers qui tiennent tout le pays en haleine, sans évidemment escamoter les règles et les procédures dont le respect permettra de garantir une justice équitable. A priori, rien ne semble désormais s’y opposer, puisque le régime de Blaise Compaoré qui serait comptable de la plupart de ces crimes politiques et économiques, a été destitué par le peuple burkinabè assoiffé de justice, et puisque la Transition qui l’a remplacé au pied levé, a tracé les sillons en rouvrant certains dossiers et en consacrant, dans la foulée, l’indépendance de la magistrature en y injectant des moyens qui font jaser les autres composantes de la Fonction publique.

Le peuple burkinabè ne tolérera aucun amateurisme dans l’instruction et le jugement de ces dossiers

A vrai dire, il n’est jamais facile de démêler l’écheveau dans des dossiers aussi complexes où certains acteurs et non des moindres ne sont plus de ce monde ou sont en exil, et où il existerait des intérêts croisés, donc des destins communs entre les dignitaires des régimes ancien et actuel. Si on ajoute à cette possible collusion dans la commission des crimes entre les anciens et les nouveaux hommes forts du pays, les visées politiques sous-jacentes de ceux qui crient aujourd’hui justice pour ne pas dire vengeance, on ne peut que comprendre la démarche prudentielle de notre appareil judiciaire, au nom du sacro-saint principe selon lequel  il vaut mieux laisser courir mille coupables plutôt que de prendre le risque de condamner un seul innocent. En ironisant sur les terminologies utilisées pour rassurer le peuple du genre « le dossier suit son cours » (sous Blaise Compaoré) ou encore « le dossier avance » (sous le régime actuel), le président du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) exprime son ras-le-bol face à ce glissement sémantique qui, à ses yeux, ne traduit que l’incapacité du pouvoir judiciaire à s’assumer et à se défaire définitivement des chaînes politiques qui ont longtemps travesti sa mission de rendre justice au peuple. Mais si l’on en croit Madame la procureure du Faso qui a reçu, le 19 mai dernier, les étudiants venus au Palais de justice crier leur colère face à la lenteur dans le traitement du dossier Dabo Boukari, c’est un démenti formel qui sera bientôt apporté au président du MBDHP, puisque les petits plats sont en train d’être mis dans les grands afin que les assises criminelles tant attendues soient organisées pour enfin vider les tiroirs et solder les comptes, sans tomber dans de grossières erreurs judiciaires comme on en a connu ici et ailleurs. Venant  du ministère public qui connaît bien les dossiers en cours, ces propos devraient calmer pour ainsi dire un tant soit peu les assoiffées de la justice pour tous, et on espère qu’au bout du compte, la déception ne va pas gagner les rangs parce qu’on aura alpagué du menu fretin ou condamner des lampistes, en lieu et place des têtes couronnées qu’une certaine opinion avait très vite rendu coupables de tous les péchés de…la IV République. En tout état de cause, le peuple burkinabè qui a longtemps crié haro sur le baudet…de la justice et qui a rongé ses freins des années durant, ne tolérera aucun amateurisme dans l’instruction et le jugement de ces dossiers, d’autant que, répétons-le, nos magistrats ont eu largement le temps et énormément de moyens pour dire le droit. Les commanditaires et les coupables de ces assassinats ciblés et des prévarications de nos maigres ressources, doivent rendre gorge, quels que soient leur rang ou leur statut, sans passion mais aussi sans acrimonie, afin que le peuple soit rétabli dans ses droits et que les familles des victimes puissent, enfin, faire leur deuil. Dura lex, sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi) disent les latins, et il faut bien punir les fautifs et blanchir les innocents dans toutes ces affaires qui ont pollué le climat politique et parasité la vie socioéconomique des Burkinabè depuis une trentaine d’années au moins.

Hamadou GADIAGA


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