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ENIEME COUP D’ETAT A KHARTOUM


Au Soudan, la colère de la rue ne faiblit pas contre le coup d’Etat du général al-Burhan qui a mis un coup de frein à la transition hybride en place depuis deux ans suite à la chute du président Omar el-Béchir. Entre pression de la communauté internationale et refus de ses compatriotes de cautionner le coup de force qui a vu l’arrestation et l’éviction des dirigeants civils de la transition, le général putschiste tente de rassurer ses compatriotes et la communauté internationale.  En effet, au cours d’une deuxième allocution tenue en moins de 48 heures, l’ancien-nouvel homme fort de Khartoum veut encore faire croire en la noblesse de ses intentions et en la crédibilité d’une junte qui est en train de faire perdre aux Soudanais, les illusions d’une liberté qu’ils croyaient enfin conquise au prix de la mobilisation contre le régime déchu du président Béchir et du sang versé pour le changement à la tête de l’Etat. Mais les Soudanais, dans leur grande majorité, restent fortement mobilisés contre la forfaiture                de la junte et l’on se demande jusqu’où ira le bras de fer entre le peuple qui croit en la démocratie et l’armée qui a toujours été au cœur du pouvoir et qui est encore toujours déterminée à préserver ses privilèges.

 

Le peuple soudanais est plus que jamais face à son destin

 

La rue pourra-t-elle faire entendre raison au général al-Burhan ou le contraindre à la reculade pour remettre sur les rails, le processus de cogestion du pouvoir censé conduire le pays à des élections pluralistes ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les militaires semblent décidés à marcher sur les cadavres de leurs compatriotes pour rester au pouvoir, à en juger par la répression barbare et sanglante des manifestations qui ont laissé sur le carreau, pour la seule journée du 25 octobre dernier, une demi-douzaine de morts et plus d’une centaine et demie de blessés. Cela dit, on se demande si la pression de la communauté internationale et les sanctions brandies ça et là, seront suffisantes pour mettre fin au braquage de la révolution du peuple soudanais par une soldatesque visiblement jalouse de ses privilèges et nostalgique d’un passé révolu. Là aussi, il y a des raisons d’être pessimiste. Surtout quand on sait comment la loi du veto rend inopérantes bien des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU qui s’est aussi prononcé sur la question. Au passage, l’on peut regretter que le fragile processus de transition au Soudan, n’ait pas été suffisamment soutenu par la communauté internationale, pour lui donner des chances de succès ou, à tout le moins, le mettre à l’abri de situations du genre. Sachant comment de Bamako à N’Djamena en passant par Conakry, les militaires font peser le poids de leurs godasses sur les transitions respectives de ces pays, en avançant masqués sans donner une lecture claire de leurs intentions profondes. C’est dire si le peuple soudanais est plus que jamais face à son destin. Pourra-t-il faire échec à ce énième coup de force de la soldatesque et enfin goûter aux délices de la vraie démocratie ? Au-delà, le Soudan se passera-t-il jamais du pouvoir kaki ?

 

La résistance du peuple soudanais sonne comme une interpellation de la communauté internationale

 

La question est d’autant plus fondée que le combat s’annonce d’ores et déjà titanesque. Car, tout porte à croire que le général al-Burhan et ses camarades sont bien partis pour pousser des racines au palais de Khartoum. C’est à se demander si leur pouvoir ne porte pas en lui, les réminiscences du défunt régime. Autant dire que ce nouveau coup d’Etat est un véritable bond en arrière pour le Soudan. Ce, après 30 ans de règne de Omar el-Béchir parvenu lui-même à la tête du pays, par un coup d’Etat qui était, jusqu’à sa chute en 2019, le dernier d’une longue série que le pays a connue depuis son indépendance en 1956.  C’est dire aussi si le peuple soudanais qui a aussi connu deux guerres civiles, reste marqué au fer rouge par le pouvoir kaki dont l’un des plus célèbres, en dehors de Omar el-Béchir, reste celui de Gaafar Nimeyri, entre 1969 et 1985. En tout état de cause, dans cette confrontation entre l’armée et son peuple, l’on ne peut souhaiter que le triomphe de la volonté populaire. C’est pourquoi il faut saluer le courage et la détermination du peuple soudanais qui, loin de céder à la peur et de baisser les bras, semble au contraire prêt au sacrifice suprême pour sa liberté. C’est pourquoi cette résistance du peuple soudanais sonne comme une interpellation de la communauté internationale, à jouer sa partition en maintenant la pression pour remettre la transition soudanaise sur les rails de la cogestion civilo-militaire qui devait conduire  le pays à des élections pluralistes. Il lui faudra, pour cela, mettre un point d’honneur à faire respecter le chronogramme et le calendrier électoral. C’est la seule façon, pour la communauté internationale, à commencer par l’Union africaine, de redorer quelque peu son blason après avoir brillé par sa mollesse dans les précédents malien, tchadien et guinéen qui apparaissent peu ou prou comme autant d’encouragements pour les militaires soudanais et autres apprentis-putschistes encore tapis dans l’ombre. 

 

« Le Pays »

 

 


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