ENIEME MANDAT DE OBIANG NGUEMA : Comme une lettre à la poste
Hier dimanche 24 avril a eu lieu la présidentielle équato-guinéenne. Face au président sortant, Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, six autres candidats qui ont la particularité de ne représenter aucune menace pour le trône du maître absolu de la Guinée équatoriale. D’ailleurs, l’on peut se demander si ce n’est pas lui qui a suscité ces candidats “motards” pour signifier à ses détracteurs que le jeu politique dans son pays est ouvert. En tout cas, l’on peut être sûr d’une chose. Un dictateur de la trempe de Teodoro Obiang Nguema ne peut pas être battu dans les urnes. Il passera comme une lettre à la poste. Sa victoire avec brio qui se profile à coup sûr à l’horizon sera par conséquent un non-événement pour les démocrates de son pays et pour ceux d’ailleurs. On le sait, une démocratie digne de ce nom, marche sur 2 pieds : le pouvoir et l’opposition.
La dictature semble être en Guinée équatoriale une question de gènes
Or, il est de notoriété publique qu’à l’intérieur de la Guinée équatoriale, le simple fait de créer un parti d’opposition et de l’animer s’apparente à une action de kamikaze. Le risque qui y est lié est très grand. Dans le meilleur des cas, c’est la prison à vie. Il en résulte que tous ceux qui sont excédés par les excès du régime et qui veulent l’exprimer politiquement et publiquement n’ont d’autre choix que l’exil. Tous les Equato-guinéens restés au pays, s’ils veulent échapper à la répression implacable du pouvoir, ne font que reprendre en chœur l’évangile selon Saint Teodoro Obiang Nguema. Et il en est ainsi depuis 1979, date à laquelle il a déposé par un coup d’Etat sanglant son cousin, Francis Macias Nguema, un autre satrape devant l’Eternel. La dictature semble être en Guinée équatoriale une question de gènes. C’est dans ce contexte d’unanimisme à marches forcées autour du dictateur et de verrouillage stalinien de l’espace politique que se tient ce scrutin présidentiel comme d’ailleurs tous les scrutins que le pays a organisés de par le passé. L’on se souvient qu’en 2009, Teodoro Obiang Nguema s’était fait réélire avec 95,37% des voix. Cette fois-ci encore, il pourra reconduire le même score. Mais pour atténuer la laideur des choses et être dans l’air du temps, il peut se contenter, comme l’a fait avant lui Idriss Deby, de la fourchette de 60 à 65%. Et pour se donner la pleine latitude de manipuler et de fabriquer les résultats à sa guise, l’homme n’a pas hésité à faire piloter la Commission électorale par son propre ministre de l’Intérieur. Tous ces faits, qui visiblement sont aux antipodes de la démocratie, peuvent inspirer la question suivante : à quoi bon organiser des élections dans ce genre de pays ? La réponse va de soi. Les élections ne servent à rien. Obiang Nguema, comme tous les autres dictateurs en activité, serait cohérent avec lui-même en se faisant élire par acclamation. Cette procédure serait d’autant plus bénéfique qu’elle permettrait aux pays de dictature de réaliser des économies qui pourraient être injectées dans des structures éducatives et sanitaires. Décidément, les satrapes africains ont tellement tropicalisé la démocratie qu’elle est devenue méconnaissable. Ce faisant, l’on peut aisément imaginer ce que pensent certains démocrates occidentaux des pratiques gondwanaises de la démocratie. En réalité, bien de ces Occidentaux en sont arrivés à se convaincre, même s’ils ne le clament pas ouvertement comme l’a déjà fait l’ancien président français Jacques Chirac, que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ». Il peut arriver que, pour se donner bonne conscience ou par hypocrisie, ils fassent des déclarations de principe face aux excès de certains dictateurs du continent noir. Mais ça s’arrête là. Dans le cas d’espèce, l’on a déjà enregistré des sorties de l’Union européenne (UE) et du Parti socialiste français pour dénoncer l’iniquité de la présidentielle équato-guinéenne. A l’analyse, on peut se rendre compte que la démocratie chez les Bantous les amuse beaucoup plus que cela ne les indigne. Si tel n’était pas le cas, ils ne se seraient pas limités à des condamnations de principe. Ils auraient pu, à l’image de ce que François Mitterrand a fait en 1990 à l’occasion du sommet de la Baule, pris des engagements fermes vis-à-vis des présidents qui trichent avec la démocratie sous nos tropiques. Car trop, c’est trop.
Les élections seront une véritable mascarade
Et que dire de l’attitude de l’Union africaine (UA) face aux dérives des dictateurs qui s’opèrent sous ses yeux ? Franchement, cette organisation représente pour les démocrates africains une véritable imposture, au regard de ses accointances avec les dictateurs. Non seulement, elle n’hésite pas à s’asseoir sur sa Charte sur la démocratie et la bonne gouvernance dans ses rapports avec les satrapes, mais aussi elle pousse l’indécence jusqu’au bout en allant observer des élections organisées par ces derniers. Et toute honte bue, au terme de leurs villégiatures dorées chez les dictateurs, ils ne se gênent aucunement de faire des observations du genre « globalement, les choses se sont bien passées ». Yayi Boni et ses camarades, qui ont été dépêchés en Guinée équatoriale par l’UA, aboutiront à ce genre de résultats. L’on peut en être d’ores et déjà certain. Pourtant, les choses sont claires. Obiang Nguema est un dictateur avéré. Et les élections qu’il organise dans son pays sont à son image. Ce sera une véritable mascarade à l’issue de laquelle bien de ses pairs africains lui enverront des messages de félicitations. Au Tchad, l’on a assisté au même scénario, à la différence que Deby avait quand même en face de lui des opposants connus. L’autre différence est que le dictateur Obiang Nguema donne l’impression de mettre en orbite son sulfureux fils, Teodorin, pour lui succéder quand ses forces le lâcheront. C’est pourquoi, l’on peut dire que ce n’est pas demain la veille que les Equato-guinéens cesseront de subir, les fers aux pieds, la dictature des Nguema. Hier, c’était la dictature de l’ubuesque Francisco Macias, aujourd’hui, c’est celle de Teodoro et probablement demain ce sera celle de Teodorin.
« Le Pays »