HomeA la uneENQUETES SUR LES VIOLENCES EN RDC : Le jeu du chat et de la souris continue

ENQUETES SUR LES VIOLENCES EN RDC : Le jeu du chat et de la souris continue


On se souvient, le 6 juin dernier, à l’occasion de la 35ème session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le Haut-commissaire aux droits de l’Homme, Zeid Ra ’ad Hussein avait haussé le ton contre les autorités congolaises, leur donnant un ultimatum de 48 heures  pour mettre en place une commission d’enquête conjointe sur les violations commises contre les civils. Cette sortie musclée du « monsieur droits de l’homme » de l’ONU s’était fait le relais de l’appel de 262 associations congolaises et de 9 associations internationales, auquel il faut joindre celui des évêques de la région. La réponse de Kinshasa ne s’est pas fait attendre. En effet, dès le lendemain, le ministre congolais des droits de l’Homme, Marie Ange Mushobekwa Likulia, a fait part de la disponibilité de la RDC à collaborer avec les Nations unies, avant d’ajouter cependant que la justice congolaise se réservait le droit de garder la direction des enquêtes.

La situation ne plaide pas en faveur du gouvernement congolais

Faut-il le rappeler, depuis plus de 6 mois, trois provinces de la RDC, en l’occurrence le Kasaï, le Kasaï central et le Kasaï-occidental sont secouées  par des violences dont l’épicentre est la première citée. A l’origine de cette explosion de violences, la mort de Jean-Pierre Pandi, chef coutumier appelé des Kamuina Nsapu  et opposant au régime de Joseph Kabila, lors d’un assaut policer en août 2016. Des miliciens se présentant alors comme des Kamuina Nsapu, armés d’armes blanches, s’en sont pris aux agents de l’Etat et aux populations, entraînant en retour une répression militaire implacable. Les affrontements entre miliciens et armée ont été accompagnés d’incendies, de pillages et d’exécutions sommaires. L’on a répertorié à ce jour 42 fosses communes et dénombré plus d’un million d’exilés, sans compter les centaines de disparus. L’on ne peut donc, au regard de ce sombre tableau, que se féliciter que les efforts de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU et des nombreuses associations de défense des droits humains, bien dans leur rôle,  aient produit l’effet escompté avec la réaction positive du gouvernement congolais. Toutefois, il faut craindre que le temps mis par Kinshasa pour accéder à la requête n’ait été mis à profit pour effacer certaines traces  et que  l’exigence faite par la  justice congolaise de garder la direction des enquêtes, ne servira pas à maquiller les velléités du gouvernement de brouiller les pistes. Il faut le dire, les autorités congolaises n’ont jusque-là pas fait montre d’une réelle volonté de faire la lumière sur les violences au Kasaï. L’on garde encore bien à l’esprit le mystère de l’assassinat des deux experts onusiens, Zaida Catalan et Michael Sharp, enlevés et exécutés à bout portant alors qu’ils enquêtaient précisément sur ces violences au Kasaï. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation ne plaide pas en faveur du gouvernement congolais dont la responsabilité est pointée du doigt dans ces violences. L’on comprend d’ailleurs difficilement pourquoi ce gouvernement se hâte si lentement, alors que l’occasion lui est donnée par ces enquêtes, de montrer patte blanche. En effet, le gouvernement a toujours rejeté toutes les responsabilités sur les miliciens du Kamuina Nsapu et en a usé même comme argument, pour demander l’aide de l’ONU pour mettre fin aux exactions.

L’on se demande si le satrape ne joue pas la carte du pourrissement

Cela dit, si l’ONU qui demande à travers sa Commission des droits de l’Homme une enquête internationale, se veut plus crédible, elle doit faire preuve de plus de cohérence. D’abord, on comprend difficilement que l’instance internationale puisse continuer à apporter son soutien à travers la MONUSCO au satrape de Kinshasa, alors qu’il se révèle de plus en plus comme un féroce prédateur des droits de l’Homme et des libertés démocratiques. Ensuite, l’on se demande sur quels critères elle opère le distinguo entre les mauvais rebelles qu’elle aide à combattre  et les bons rebelles dont l’attaque par le régime congolais, doit donner lieu à des enquêtes internationales qui devraient logiquement être assorties de sanctions. Ceci étant, en attendant que l’ONU et Kinshasa accordent leurs violons  sur l’opérationnalisation de cette commission d’enquête sur les violences au Kasaï, cette affaire  vient remettre bien à propos au goût du jour, le chaos généralisé qui s’est installé dans le pays. Aux attaques des miliciens et des forces gouvernementales contre les populations, succèdent aujourd’hui les assauts contre les prisons avec pour effet de relâcher dans la nature de dangereux repris de justice. La dernière attaque de centre pénitencier en date est celle de la prison de Béni, celle-ci étant la quatrième depuis le début de la crise politique. L’on se demande, au regard des atermoiements du pouvoir contre ce chaos généralisé et de la dernière sortie de Kabila à propos de la tenue de l’élection présidentielle, si le satrape ne joue pas la carte du pourrissement pour ne pas aller aux élections et se maintenir au pouvoir. L’homme jure en tout cas « n’avoir rien promis du tout» en ce qui concerne la tenue du scrutin d’ici la fin 2017. Nul besoin d’être sorcier de la forêt congolaise avec un 3ème œil pour lire la trajectoire que le pouvoir s’apprête à emprunter. De toute évidence, si l’objectif de la présence onusienne n’est pas de sécuriser l’exploitation des immenses ressources minières de la RDC au profit des puissances occidentales, mais de sécuriser le pays afin d’y permettre l’expression des libertés démocratiques, il est donc temps qu’au-delà des commissions d’enquêtes et des « mesurettes »  de quelques puissances occidentales, la communauté internationale mette fin à ce jeu du chat et de la souris qui n’en finit pas avec Kabila.

« Le Pays »


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