HomeA la uneEVACUATION DU PRINCIPAL CO-ACCUSE DE KARIM WADE :Bourgi comme Loïk Le Floch Prigent

EVACUATION DU PRINCIPAL CO-ACCUSE DE KARIM WADE :Bourgi comme Loïk Le Floch Prigent


Après le délai d’un mois de traitement à Paris, que vient de lui accorder la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), il n’est pas évident que Bibo Bourgi revienne de sitôt au Palais de Justice de Dakar. Les avocats de la défense ont bataillé fort pour obtenir cette évacuation d’urgence vers la France. Ils auront donc finalement été bien récompensés par leurs efforts. Toutefois, le citoyen lambda doit se demander pourquoi, dans l’intérêt de la manifestation de la vérité, l’on n’a pas choisi d’évacuer l’intéressé au Maroc ou ailleurs en Afrique ?

 

Il faut espérer que le départ du témoin majeur n’entrave rien

 

La destination France méritait d’être écartée. Ne pas l’avoir fait, laisse planer énormément de doutes dans les esprits. Difficile alors de croire qu’en plus de l’Elysée, certains intérêts français et même de milieux internationaux, n’ont rien à voir avec un tel déroulement du procès de Karim Wade. En effet, l’homme d’affaires libano-sénégalais est aussi de nationalité française. Or, de manière générale, la France n’extrade pas ses ressortissants.

Voilà une affaire qui en rappelle une autre, non moins troublante : l’affaire Bertin Agba-Loïk Le Floch-Prigent. Il s’agit d’une affaire d’escroquerie dont aurait été victime un homme d’affaires ressortissant d’Abu Dhabi, dans les Emirats arabes. A cette occasion, le sieur Loïk Le Floch-Prigent avait été arrêté en septembre 2012 à l’aéroport d’Abidjan, puis extradé le lendemain vers le Togo où il fut inculpé de complicité d’escroquerie avec Bertin Agba. Après cinq mois de prison au Togo, Loïk Le Floch-Prigent fut libéré pour raisons de santé en février 2013. Tout en niant toute implication dans cette affaire d’arnaque, il a porté plainte contre X visant les chefs de « corruption » et « atteinte arbitraire à la liberté par une personne exerçant une fonction publique ».

Ce procès de Karim Wade suscite des interrogations, d’autant que la défense persiste à dire que le dossier est vide, que son client est innocent, et que cette affaire sent à plein nez les règlements de comptes politiques. Pourquoi la cour et le pouvoir ont-ils reculé en laissant partir l’intéressé ? Karim Wade qui s’est toujours dit innocent, avait avancé qu’il ne dirait rien en l’absence de Bibo Bourgi. Parlera-t-il après le départ de son compagnon d’infortune ?

Il faut espérer que le départ du témoin majeur n’entrave rien. Mais, qui peut garantir vraiment que cette absence ne compliquera pas les choses ? A coup sûr, pour protéger Karim et ses complices, on exploitera à fond la maladie comme arme contre la cour. Ce d’autant que du côté de l’Hexagone, on verrait probablement d’un bon œil, une issue heureuse et rapide de ce procès qui doit tourmenter bien des gens !

Bibo Bourgi souffre de problèmes cardiaques aggravés par une infection nosocomiale contractée dans un hôpital de la capitale sénégalaise. Le délai d’un mois suffira-t-il pour traiter cet évacué sanitaire hors du commun ? Reviendra-t-il ? Ne reviendra-t-il pas ? A Dakar, les spéculations vont bon train, indépendamment même des indications éventuelles des experts de la santé. Et il y a de quoi être sceptique, même si l’un des avocats du principal co-accusé de Karim Wade se veut rassurant : « Il reviendra », soutient Maître Boubacar Cissé. Il avoue cependant qu’en dehors d’un engagement écrit, aucune assurance n’a été donnée. Certains de ses collègues trouvent le délai très court, eu égard aux « éléments indiqués par les médecins ». Ils dénoncent à l’appui « l’inertie » de la cour depuis deux ans.

 

L’affaire Karim Wade se trouve à un tournant décisif

 

Quel traitement sera réservé à l’affaire Wade si l’intéressé ne revient plus ? Que fera la CREI, le 13 novembre prochain, à la reprise des audiences ? ira-t-on jusqu’à suspendre le procès en attendant un hypothétique retour de Bourgi? Assurément, le décryptage de l’affaire Wade sera très difficile. Selon des sources indépendantes, il appartiendra à la cour seule de décider. La CREI ayant déjà entamé l’audition des témoins, « elle peut bien continuer sur sa lancée ». Du côté des avocats de l’Etat sénégalais, on maintient le cap, vaille que vaille : avec ou sans Bibo Bourgi, le procès se poursuivra. En apparence, le choix de Bibo Bourgi n’était pas un fait du hasard : ce citoyen à triple nationalité était sans doute l’une des personnes les mieux indiquées pour accomplir certaines tâches. A présent qu’il se trouve en dehors du Sénégal, l’opinion croit difficilement probable, un retour du co-accusé principal de Karim Wade au Palais de Justice de Dakar. Si un tel scénario advenait, il y a vraiment peu de chances de voir le procès se dérouler normalement et déboucher sur du concret. Tout porte à croire qu’on tourne en rond.

Cela dit, l’affaire Karim Wade, qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive au Sénégal plus qu’ailleurs, se trouve à un tournant décisif. Vu les péripéties qui se multiplient, comment exclure à moyen ou long terme, l’éventualité d’un accord bien négocié ? « Mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès », dit l’adage.

La CREI parviendra-t-elle à relever pleinement le défi, dans cette croisade contre l’impunité au sommet de l’Etat en Afrique ? Aux acteurs impliqués à tous les niveaux, de nous convaincre qu’ils sauront conduire à terme le dossier Karim Wade, à la pleine satisfaction du citoyen sénégalais et de tous les Africains.

 

« Le Pays »

 


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