INTRODUCTION ANNONCEE DE L’ETHYLOTEST DANS LA CIRCULATION : Une chose est de prendre de bonnes mesures, une autre est de les appliquer
Le Conseil des ministres, en sa séance du jeudi 6 avril dernier, a adopté un décret définissant les taux maxima d’alcoolémie autorisés en conduite automobile au Burkina Faso et rendant obligatoire l’installation d’éthylotests dans les gares routières de voyageurs. L’adoption de ce décret vise, selon le Conseil, à « réduire les accidents de la route par le renforcement du cadre règlementaire sur l’alcool au volant ».
La pertinence du décret ne fait l’ombre d’aucun doute. En effet, les ravages causés par les accidents de la route imputables à l’excès de consommation d’alcool sont édifiants. Les statistiques produites chaque année par les services de sécurité en rapport avec les causes des accidents de la circulation, pointent du doigt, entre autres, le phénomène. Bien sûr, bien d’autres causes existent, mais nous avons choisi de nous intéresser à celle liée à l’alcoolisme. Il convient d’emblée de saluer à sa juste valeur l’installation d’éthylotests, en français courant alcooltests, dans les gares routières. Il est envisagé, plus tard, de contrôler le taux d’alcoolémie chez les conducteurs des automobiles à usage privé. Ce décret vient s’ajouter à d’autres mesures déjà adoptées dans le cadre de la sécurité routière, mais qui n’ont jamais été mises en œuvre de façon sérieuse. A titre d’illustration, l’on peut citer le port de la ceinture de sécurité. L’on peut aussi évoquer le cas du port du casque, même si à ce niveau, l’on peut comprendre certaines raisons qui poussent les usagers de la route à ne pas l’intégrer dans leurs habitudes. La canicule et le coût du produit sont souvent avancés pour justifier cela. De ce qui précède, l’on peut aboutir à la conclusion qu’une chose est de prendre de bonnes mesures, et qu’une autre est de les appliquer. Pour revenir à l’installation d’éthylotests dans les gares routières et au contrôle des taux maxima d’alcoolémie autorisés en conduite automobile au Burkina, l’on peut oser formuler quelques inquiétudes. La première est liée à la fiabilité des éthylotests qui seront installés. Car, il n’est pas exclu que des agents indélicats profitent de l’opération pour réaliser des affaires juteuses, en commandant des appareils qui mesurent tout, sauf le taux d’alcoolémie. Et dans l’hypothèse même où les éthylotests à installer seraient de bonne qualité, l’on peut se poser la question de savoir si les personnes qui doivent les manipuler, ont la compétence requise pour le faire.
Pour une innovation révolutionnaire de ce genre, il faut beaucoup de pédagogie
Une autre difficulté qui se profile à l’horizon, est la détermination des taux maxima d’alcoolémie autorisés. Quand la mesure va s’étendre à l’ensemble des conducteurs d’automobiles, il faut craindre qu’à ce niveau, il y ait des gorges chaudes et des tensions à n’en pas finir entre les agents de sécurité et les usagers de la circulation. Car, le taux d’alcoolémie ne s’évalue pas forcément à l’aune des bouteilles de bière et de calebasses de dolo absorbées. Il se mesure surtout par rapport à des critères scientifiques que bien des usagers pourraient avoir du mal à comprendre. Une autre observation que l’on peut encore faire à propos du décret, est qu’il ne prend pas en compte les motocyclistes. Or, l’on peut faire le constat que ceux qui circulent à moto alors qu’ils sont visiblement en état d’ébriété, sont légion. C’est aussi à ce niveau que les vitesses supersoniques qui sont à l’origine de bien des accidents graves, peuvent être enregistrées. Bien sûr, l’on peut rétorquer que dans toute chose, il faut bien commencer par un bout. Mais il faut avoir le courage de reconnaître que tant que le décret sur l’alcoolémie ne touchera pas les deux roues, les effets escomptés risquent de ne jamais être véritablement atteints. Dans le même registre, on peut évoquer le cas de tous ceux qui conduisent sous l’effet des substances addictives. A ce propos, l’on peut citer cette fameuse substance connue sous le nom de « Tramadol ». L’on sait que ce produit est très dangereux. Et la frange de la population qui en consomme le plus est malheureusement la jeunesse. Les écarts de comportement de celle-ci en matière de circulation, à ce que l’on dit, sont liés à sa consommation. De manière générale, pour se donner plus de chances d’aboutir à la réduction significative des risques d’accidents en matière de circulation routière, l’idéal aurait été d’associer la mesure portant sur l’alcool au volant à d’autres mesures. L’une d’elles, à notre sens, est l’obligation de posséder le permis pour tous les motocyclistes conduisant des engins d’une certaine cylindrée. Sous tous les cieux, cela est un minimum. Au Burkina, c’est le cadet des soucis. Le résultat est que chacun circule selon son propre Code de la route. Subséquemment, en cas d’accident, chacun est convaincu qu’il a raison et y va de ses insultes et autres tentatives pour corriger physiquement l’autre. L’on serait incomplet sur la question si l’on omettait de pointer du doigt également, l’état de nos routes. En effet, la plupart d’entres elles ne sont pas dignes de ce nom. Tout au plus, l’on peut les qualifier de pistes, tant elles sont impropres à la circulation, surtout en milieu urbain. Pour finir, l’on peut suggérer à l’état de faire précéder l’installation des éthylotests dans les gares routières, d’une vaste campagne d’information et de sensibilisation. Il faut, à ce effet, s’adresser aux populations dans leurs langues respectives. Car, le risque est grand que l’on passe à côté de la plaque, si l’on s’adresse à elles rien qu’en français. Il serait aussi intéressant, dès que l’installation des éthylotests sera effective, de prévoir des temps d’arrêt pour procéder à des évaluations à mi-parcours pour corriger à temps les imperfections. En somme, pour une innovation révolutionnaire de ce genre, il faut beaucoup de pédagogie. On croise les doigts en tout cas, pour que cette exigence ne fasse pas défaut.
Sidzabda