HomeA la uneJOURNEE d’HOMMAGE AUX MARTYRS DE L’INSURRECTION : Entre espoirs et craintes

JOURNEE d’HOMMAGE AUX MARTYRS DE L’INSURRECTION : Entre espoirs et craintes


 

Le samedi 30 mai 2015 dernier, le gouvernement de la transition a rendu hommage aux Burkinabè tombés les 30 et 31 octobre 2014 sur le champ du combat pour la démocratie au « pays des hommes intègres ». Ils étaient 28 dont les noms ont été égrenés par le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, à avoir été élevés, à cette occasion, au rang de chevaliers de l’Ordre national à titre posthume par les autorités de la transition au nombre desquelles l’on comptait le président du Faso, Michel Kafando. L’événement donc était de grande importance pour la Nation et la République. Car, si aujourd’hui, tous les démocrates d’Afrique et d’ailleurs considèrent le peuple burkinabè comme l’Homme de l’année et si l’espace politique a été complètement déverrouillé au point que l’on en est arrivé à percevoir les élections d’octobre prochain comme le scrutin le plus ouvert de l’histoire politique  du pays, c’est grâce au sacrifice de ces 28 chevaliers, peut-on dire, de la démocratie. Leur mort marque la fin d’une ère et le début d’une autre qui charrie beaucoup d’espoirs pour le peuple burkinabè. Il est donc légitime que la Nation reconnaissante, les élève au rang de héros nationaux. Le peuple burkinabè doit donc se réjouir qu’une journée d’hommage consacrée à leur mémoire ait eu lieu. Dans le même temps, l’on peut espérer que la promesse solennelle faite à l’occasion de cette journée par la première autorité du pays,

Michel Kafando, selon laquelle justice leur sera rendue, soit traduite dans les meilleurs délais, dans les actes. Car, si certains Burkinabè se sont arrogé le droit d’ôter la vie à d’autres Burkinabè, c’est parce que, quelque part, ils avaient la certitude que la justice ne lèverait jamais le petit doigt pour leur demander des comptes. De ce fait, ils n’avaient aucune inquiétude à envoyer de vie à trépas des Burkinabè. Et, ils sont nombreux les Burkinabè qui ont payé de leur vie et dont les parents attendent jusqu’à ce jour que justice leur soit rendue. C’est pourquoi l’on peut comprendre que le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) ait refusé de s’associer à la journée d’hommage, estimant que le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux martyrs est d’abord de faire la vérité sur les circonstances de leur mort. Or, pour le premier responsable du MBDHP, Chrisogone Zougmoré, dans le cas d’espèce, jusqu’à ce jour, on n’est pas arrivé à identifier ou du moins, précise-t-il, on ne veut pas  identifier ceux qui ont donné l’ordre de tirer sur les manifestants. Les représentants des proches des victimes ont la même exigence.

La balle est désormais dans le camp des autorités de la transition

Leur porte-parole l’a dit en ces termes : «Nous réclamons justice, justice pour apaiser les cœurs». La balle est désormais dans le camp des autorités de la transition. Il leur revient de travailler à ce que l’impunité ne soit pas de mise dans cette affaire. Car, cela viendrait vider de tout son sens l’idée lumineuse d’instituer une journée du souvenir pour les martyrs de l’insurrection des 30 et 31 octobre derniers. Certes, les autorités de la transition peuvent objecter en faisant valoir  que déjà 9 dossiers en rapport avec la question, ont connu un début d’instruction judiciaire, mais l’impression générale est qu’elles traînent les pieds de manière à refiler la patate chaude au prochain gouvernement. A cette impression, on peut ajouter que la célébration de la journée d’hommage aux martyrs de l’insurrection d’octobre dernier a laissé de marbre les gens de l’ex-majorité. Si cela s’avérait, leur attitude signifierait qu’ils sont dans une logique de négationnisme qui, de toute évidence, n’augure rien de bon pour la réconciliation nationale dont ils ont tout à gagner. L’attitude la plus constructive de leur part aurait été d’y prendre part. Ce faisant, ils auraient apporté la preuve qu’ils sont dans un état d’esprit nouveau, susceptible de favoriser le rapprochement entre tous les Burkinabè.

Cela dit, la plus grande insulte à la mémoire des martyrs de l’insurrection serait le retour aux affaires de tous ceux qui ont prêté leur langue, leur génie et même leur silence à Blaise Compaoré pour qu’il modifie l’article 37 de la Constitution à l’effet de s’accrocher au pouvoir. Un tel scénario, pourtant, peut être sérieusement envisagé aujourd’hui pour les considérations suivantes. D’abord, la transition, par un excès de scrupule ou par amateurisme politique, a permis aux bourreaux d’hier de s’autovictimiser aujourd’hui et de se faire passer sans frais pour des gens qui sont persécutés au quotidien, à tort. C’est fort de cette logique que certains d’entre eux ont perçu le nouveau Code électoral comme une disposition qui les exclut du jeu électoral. Pourtant, ils devraient plutôt le percevoir comme un acte de moindre mal, parce que sous d’autres cieux, ils n’auraient pas eu droit à ce traitement  de faveur. Encore que ce ne sont pas des partis politiques qui sont exclus du Code électoral mais plutôt des individus. Sauf à considérer que les individus concernés sont plus importants que les partis, la thèse de l’exclusion ne peut prospérer. De ce point de vue, Michel Kafando a raison quand il estime que le gouvernement de la transition a été très tolérant à l’égard des partisans de Blaise Compaoré. Ensuite, le scénario d’un retour des partisans de Blaise Compaoré n’est pas à écarter aujourd’hui parce qu’ils ont les grands moyens. Si l’on prend en compte la pauvreté et l’ignorance dans lesquelles ils ont maintenu les populations pendant les 27 ans, l’on peut parier  qu’avec ces  grands moyens dont certains ne se gênent pas de faire  étalage, ils pourront procéder à un achat massif des consciences comme ils l’ont toujours  fait à chaque scrutin, pour reconquérir le pouvoir. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que la célébration de la journée d’hommage aux martyrs de l’insurrection a été faite entre espoirs et craintes.

Pousdem PICKOU


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  • Le 2 décembre 2014, les obsèques des 6 martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers ont été très pathétiques. Ce fut le symbole d’un patriotisme collectif des fils et filles de la nation pour le combat pour la justice, la liberté et la démocratie au Burkina. Félicitations à tous ceux qui ont laissé leur travail pour assister à l’inhumation de ces martyrs qui ont sacrifié leur vie pour un Burkina démocratique. Félicitations également à la direction du CHU Yalgado et au génie militaire pour l’organisation de ces obsèques avec la volonté et l’engagement politiques du président du Faso, du premier ministre et de toutes les composantes des organes de la transition. Les félicitations s’adressent aussi aux nombreux donateurs en espèces et en produits médicaux pour la prise en charge gratuite des blessés. Ces dons ont permis au CHU Yalgado de prendre en charge les frais médicaux des blessés et l’acquisition de cercueils pour les défunts de l’insurrection hospitalisés au CHU. Le génie militaire a assuré les travaux des tombes avec une bonne coordination des obsèques avec le CHU Yalgado. Paix à l’âme des défunts et réconfort à leurs familles. Hommage aux martyrs de l’insurrection à qui la journée du 31 mai est dédiée comme journée de souvenir en leur mémoire.

    1 juin 2015

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