HomeA la une  LA LETTRE DE L’EDITEUR ; BURKINA FASO : Garder chevillé au corps l’esprit de l’insurrection populaire   

  LA LETTRE DE L’EDITEUR ; BURKINA FASO : Garder chevillé au corps l’esprit de l’insurrection populaire   


2015 s’en est allé, définitivement englouti dans les brumes moroses du néant. L’implacable loi de la cessation a donc voulu qu’à l’instar de ses devanciers, il aille se fracasser contre le grand récif du Temps, et que, de ses décombres, surgisse une année nouvelle : 2016. Qu’en espérer d’autre, sinon qu’il soit meilleur que 2015. Vivement que 2016 soit l’humus qui verra pousser l’arbre qui produira les fruits parfumés, juteux et savoureux de nos joies, succès et espérances. Mais en attendant, jetons un bref regard rétrospectif sur l’année 2015.  Comme toute année, 2015 aura connu ses ombres et ses lumières. Au pays dit des Hommes intègres, l’on ne saurait faire abstraction du coup d’Etat foireux du Général Diendéré, qui claqua comme un coup de tonnerre dans un ciel maussade de septembre 2015, lequel aura suscité grand tollé et incompréhensions, tant l’unanimité se sera quasiment faite sur son caractère inopportun voire absurde. Un coup de force qui ambitionnait de renverser la table d’une démocratie prometteuse, et pour laquelle tant de vies burkinabè auront été sacrifiées. Fort heureusement, le putsch a fait pschitt ! Pour le grand bonheur du vaillant peuple burkinabè qui aura lutté et séduit par sa maturité, sa témérité et son sens élevé de la responsabilité.

Depuis lors, la démocratie au Burkina Faso est en marche, fière comme Artaban ! Mais un Burkina nouveau était déjà né,  au terme  d’un accouchement, ô combien au forceps, les 30 et 31 octobre 2014, qui sonna le glas du régime Compaoré.

« Assurément, des exhalaisons chargées de perspectives alléchantes montent de la glèbe burkinabè »

 

Ce Burkina nouveau force respect et admiration planétaires. D’autant qu’il aura de surcroît réussi le tour de force de porter à sa tête le président le plus démocratiquement élu de son histoire.  Le fait est suffisamment rare pour être souligné : un président civil remettant fièrement et de bonne grâce, les attributs du pouvoir à un autre sur cette terre du Burkina où la dévolution du pouvoir s’est presque toujours opérée sur fond de liturgie des armes et de rafales de l’horreur. Assurément, montent de la glèbe burkinabè, des exhalaisons chargées de perspectives alléchantes, depuis que ce pays s’est engagé dans une trajectoire qui devrait le mener vers les hauteurs ensoleillées du renouveau. Cela dit, tout n’est pas définitivement réglé, après ce prodigieux bond en avant démocratique. Le mal est toujours en embuscade, il peut  surgir  à tout moment. Vigilance, donc ! Il faudra continuer à dormir du sommeil du lièvre. En tout état de cause, une page est définitivement tournée : celle d’une feinte satrapie vieille de plus de deux décennies. Mieux, des sillons ont été labourés et les semis d’un Burkina florissant enfouis par la vigoureuse action d’une Transition dont on peut dire, dans l’ensemble, qu’elle aura plongé la main dans le cambouis. Elle n’a pas démérité ; loin s’en faut.

Quant au nouveau dirigeant que le peuple burkinabè a librement choisi, il sait bien qu’il devra s’armer de l’huile de coude, les chantiers étant multiples, les défis immenses, les attentes nombreuses et la tâche à accomplir, cyclopéenne. Mais le président Roch peut faire sien l’aphorisme selon lequel : «là où se trouve une volonté, se trouve un chemin ».  Le moindre mal qu’on puisse souhaiter à lui  et à son équipe, c’est qu’ils puissent se frayer le chemin de la réussite. Réconciliation nationale, justice équitable, restauration de l’autorité de l’Etat, gouvernance vertueuse, etc., ils ont bien du pain sur la planche !  Le président Roch devra, par-dessus tout, avoir chevillé au corps, l’esprit de l’insurrection populaire au sujet duquel son prédécesseur, Michel Kafando, a eu à dire « qu’il imprégnera à jamais notre histoire ». Il lui appartient de travailler à ce que les fruits de l’insurrection portent les promesses des fleurs. Toujours est-il que l’exemple burkinabè fait la fierté de tous les démocrates sincères du  continent. Même si, hélas, l’on peut regretter que l’hirondelle burkinabè ne fasse pas encore le printemps dans le reste de l’Afrique subsaharienne où bien des satrapes s’obstinent à fermer toutes les vannes d’une alternance en douceur et continuent à s’enraciner profondément dans le terreau de leur palais. Que dire du Burundi qui poursuit sa longue et vertigineuse  descente aux enfers, par le seul fait d’un cerbère sanguinaire dont la boulimie du pouvoir le dispute à l’irresponsabilité et à la folie politique ? Quid de la République démocratique du Congo (RDC), du Congo Brazzaville, du Rwanda, etc., où les lois fondamentales, telles de belles filles aux mensurations exquises, ont déjà ou devraient bientôt baisser la culotte pour subir l’ultime outrage du viol constitutionnel ? C’est bien triste, mais ainsi va l’Afrique ! Et il y a malheureusement lieu de croire que pour longtemps encore, le continent trainera les tares de la mal gouvernance sous toutes ses formes.

A qui imputer cette situation ? Bien entendu aux dirigeants africains d’abord, dont certains ne se gênent même plus de passer pour des «cancres de la démocratie ». Mais aussi aux peuples africains eux-mêmes dont  bon nombre semblent avoir fini par s’accommoder de leurs chaînes ou par abdiquer. Mais, il est vrai qu’à leur décharge,  ceux-ci ne parviennent pas toujours à constituer la masse critique suffisante pour  s’affranchir de la tyrannie.  Ce n’est pas toujours simple, on en convient, en raison notamment du fait que ces peuples d’Afrique ont aujourd’hui la claire conscience qu’ils ne peuvent compter ni sur le soutien des organismes régionaux africains, ni sur un vigoureux coup de pouce de structures continentales comme l’Union africaine, encore moins sur le soutien de l’Occident qui n’arrive décidément pas à transcender le jeu étroit de ses intérêts. Mais plus révoltante est l’attitude de l’Union africaine dont le manque de moyens a toujours eu bon dos. Il faut plutôt y voir un manque de volonté politique doublé de veulerie. Il est navrant de constater que l’UA se montre toujours prompte à prendre le parti des dirigeants oppresseurs au détriment des peuples opprimés du continent. Ce faisant, elle a achevé de faire la preuve de son inanité face aux lubies et autres excès des autocrates africains.

« Sous les ponts de la démocratie, le courant impétueux des eaux  de l’alternance finira tôt ou tard par emporter tous ces autocrates si la nature elle-même ne s’en charge pas. »

 

Cela dit, tous ces dirigeants gagnés par le syndrome d’hubris ou la maladie du pouvoir, dorment aujourd’hui d’un sommeil agité. Et pour cause : ils voient de plus en plus se dresser sur leur chemin, des sociétés civiles proactives et organisées pour s’opposer à leurs dérives, et des populations déterminées à refuser la couleuvre du gangstérisme constitutionnel que s’emploient toujours à leur faire avaler leurs dirigeants.  Ils ne perdent rien pour attendre. Car, malgré leurs tentatives de contenir le trop-plein de fringale démocratique, les peuples finiront par triompher de la bataille du changement. De fait, sous les ponts de la démocratie, le courant impétueux des eaux  de l’alternance finira tôt ou tard par emporter tous ces autocrates si la nature elle-même ne s’en charge pas. N’ayant plus affaire aux mêmes peuples que ceux d’hier, tous ces « pouvoiristes » qui crachent au visage de la démocratie finiront par le payer cher. Tôt ou tard. Et leur âme  grelottera quand l’heure viendra pour les fantômes de leurs victimes, de frapper à la porte de leur conscience. Au total, l’espoir est permis pour ce continent. Notamment pour la Centrafrique qui vient de tourner la page d’une Transition pénible qui aura réussi, tant bien que mal, à organiser enfin les élections. Ce pays tragiquement émasculé, qui semblait condamné à vivre sous les fourches caudines de la malédiction et à porter sur ses frêles épaules le lourd poids de la fatalité, devrait enfin, on l’espère, se débarrasser de son fardeau. Plaise au Ciel qu’il se purifie à jamais des forces maléfiques  de l’instabilité et éructe la bienheureuse potion de  tolérance, de fraternité et de paix.  Il est temps d’emboucher le clairon de la paix !

 Au Mali et au Nigeria, notamment, deux pays d’Afrique particulièrement  traumatisés par la furie bestiale des « fous d’Allah »,  le terrorisme a désormais la tête des mauvais jours. Il se cherche aujourd’hui une survie et c’est fort heureux. 2015 se sera par ailleurs achevé sur des sonorités environnantes fort réjouissantes à travers les heureuses conclusions de la COP 21, tenue du 29 novembre au 12 décembre à Paris, qui devraient impacter positivement le destin de la planète.

Cela dit, à nos lecteurs et à nos partenaires, nous réitérons notre contrat de fidélité et notre engagement à continuer  notre  redoutable mais exaltante mission entamée un certain matin du 3 octobre 1991 : celle d’informer sainement et en toute impartialité. Nous réaffirmons encore une fois le caractère pérenne et  théologal  de notre ligne éditoriale qui est l’indépendance et la neutralité vis-à-vis de toute tribu politique. En plus de deux décennies,  elle n’a subi aucun dommage. Notre volonté d’indépendance et de liberté  reste toujours le limon, le ferment et le terreau des Editions « Le Pays », de sa praxis et de sa geste.

 Bonne et heureuse année 2016 à tous les Terriens.

Cheick Beldh’or SIGUE, Directeur général, Directeur de publication des Editions « Le Pays »


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