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LEGISLATIVES EN ETHIOPIE


Après deux reports, les législatives se sont finalement tenues le 21 juin 2021, en Ethiopie où les électeurs  étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés. Un scrutin initialement prévu pour se tenir en août 2020 et qui intervient quelque dix mois plus tard dans un climat de tensions, non seulement en raison de la situation conflictuelle et de belligérance dans la province septentrionale du Tigrée, mais aussi des conflits communautaires qui secouent par endroits le pays, comme par exemple les tensions entre les deux principales composantes ethniques du pays, à savoir les Oromo et les Amhara. C’est dans ce contexte difficile qui n’appelle pas à l’optimisme, tant les préoccupations des Ethiopiens semblent ailleurs, que le Premier ministre Abiy Ahmed, en quête de légitimité populaire, a tenu à organiser ces élections décriées par la communauté internationale, notamment l’Union européenne (UE) qui a émis des doutes sur les conditions de transparence, d’équité et d’inclusivité. Comment peut-il en être autrement quand au moment où on parle de renaissance démocratique, le pays fait plutôt l’objet de profondes divisions politiques et sociales sur fond d’emprisonnement de leaders de l’opposition ?

 

Le parti au pouvoir est bien parti pour faire une razzia

 

 

Et que dire de la dégradation continue et de la fragilité de la situation sécuritaire qui a privé, entre autres, une bonne partie des 37 millions d’électeurs de la possibilité d’accomplir librement leur devoir civique ?  Si l’on ajoute à cela, le rétrécissement de la compétition avec le boycott auquel ont appelé plusieurs grands mouvements de l’opposition et les insuffisances techniques qui viennent assombrir encore un peu plus le tableau de ces législatives, on se demande de quelle légitimité pourront se prévaloir les nouveaux élus.  Et quand on sait que le parti au pouvoir est bien parti pour faire une razzia, il y a lieu de se demander si le Premier ministre Abiy Ahmed n’évolue pas finalement en roue libre vers une reconduction sans coup férir, à son poste, pour ce qui devrait pourtant être les premières véritables élections pluralistes du pays depuis bien longtemps.    Pourtant, le Prix Nobel de la paix 2019 avait suscité l’espoir à son arrivée au pouvoir en 2018, notamment à travers le lancement de réformes osées, la libération des prisonniers politiques, la favorisation du retour des exilés politiques mais aussi et surtout à travers la paix obtenue avec le voisin érythréen. Aujourd’hui, Abiy Ahmed n’est pas loin, aux yeux d’une certaine opinion, de vendanger le capital de sympathie que lui avait valu ce départ prometteur, pour être finalement le reflet de l’image scélérate du dictateur que dénoncent certains opposants. Cela est d’autant plus regrettable qu’aussi cruciales que puissent être ces consultations populaires, elles risquent de creuser davantage le fossé de la division entre les Ethiopiens.

 

La question, à l’issue de ce scrutin, est surtout de savoir si le héros d’hier qui suscitait l’espoir, passera pour le tyran d’aujourd’hui en voie d’opérer un passage en force

 

 

 

 Et si, peut-on dire, le successeur du démissionnaire Haïlé Mariam Dessalegn joue quelque part son avenir politique à la tête du pays, il n’en demeure pas moins qu’une légitimité de façade arrachée au détour d’une élection biaisée, ne servirait pas la cause de la paix dans une Ethiopie qui n’a jamais su montrer les vertus de la démocratie parlementaire que d’aucuns pensent être la panacée face aux dérives totalitaires de ses dirigeants.  En tout état de cause, si l’on peut reconnaître au PM Abiy Ahmed, le mérite d’avoir poussé sa gouvernance dans le sens du changement et de la rupture, le risque, pour lui, est de paraître, à présent, un mal élu s’il venait à triompher dans des conditions qui jurent avec les standards internationaux, quel que soit le taux de participation de ses compatriotes.   La question, à l’issue de ce scrutin, est surtout de savoir si le héros d’hier qui suscitait l’espoir, passera pour le tyran d’aujourd’hui en voie d’opérer un passage en force, là où des opposants et pas des moindres pensent et soutiennent « que l’Ethiopie n’est pas prête à organiser des élections pour l’instant », quand d’autres affirment de façon péremptoire que « ce vote ne sera pas important pour la communauté et que seule le pouvoir en bénéficiera ».

 

 « Le Pays »

 

 


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