L’EGLISE CATHOLIQUE CONTRE L’ADOPTION DE LA NOUVELLE CONSTITUTION AU TCHAD PAR VOIE PARLEMENTAIRE
Quand le clergé met du sable dans le couscous de Deby
Alors que le Tchad s’achemine vers une IVe République qui verra les pouvoirs du chef de l’Etat se renforcer, l’Eglise catholique vient de jeter un pavé dans la mare. Au lieu de la voie parlementaire, les Evêques de la Conférence épiscopale du Tchad appellent à une adoption, par référendum, de la nouvelle Constitution. Selon eux, le changement de « Constitution doit se faire dans le respect de la Constitution » qui stipule que « la révision de la Constitution est adoptée par référendum ». Et d’ajouter : « L’adoption de la Constitution par voie parlementaire risque de fausser gravement les règles du jeu démocratique », étant donné qu’une « grande partie de la population tchadienne ignore complètement ce qui se passe ». Les prélats voudraient jeter du sable dans le couscous du président Idriss Deby Itno qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Car, pour ce dernier, la chose était déjà pliée, l’adoption de la nouvelle Constitution étant prévue pour fin avril à l’Assemblée nationale majoritairement composée de députés de la majorité présidentielle. Alors, que va-t-il se passer maintenant ? Deby va-t-il écouter le sermon des Evêques en battant en retraite ? Ou va-t-il opérer un passage en force pour mettre en place son projet de nouvelle Constitution qui prévoit l’avènement d’un régime présidentiel, le poste de Premier ministre ayant été supprimé ? On attend de voir. Toujours est-il que le clergé n’est pas le seul à soutenir la révision de la loi fondamentale tchadienne par voie référendaire, étant donné que le mandat même des députés est achevé depuis juin 2015.
Idriss Deby rêve d’un pouvoir à vie
En effet, sept associations de la société civile, dans une correspondance adressée aux élus nationaux, le 17 avril dernier, leur demandaient de ne pas voter la nouvelle Constitution. Morceau choisi : « Nous avons demandé aux députés de s’abstenir et de ne pas voter le projet de Constitution, parce qu’ils sont illégitimes. Leur mandat a pris fin en 2015. ( …) La Constitution encore en vigueur dit qu’une telle révision passe par un référendum », a déclaré l’un des leaders en la personne de Mahamat Nour. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opposition, avec à sa tête Saleh Kebzabo, qui avait boycotté le forum sur les réformes institutionnelles ayant rassemblé forces politiques, religieuses et sociales du pays en mars dernier, a eu le nez creux. Idriss Deby rêve d’un pouvoir à vie. Il est vacciné contre la honte. Car, aux affaires depuis 1990, son régime a brillé par la corruption, la prédation des droits humains et des ressources de l’Etat au point que le Tchad est aujourd’hui sous perfusion économique et sociale. Conséquence, le pays est même, par moments, obligé de tendre la sébile pour boucler les salaires des fonctionnaires. Et les Evêques ne disent pas autre chose quand ils concluent en ces termes : « La pauvreté grandit de plus en plus et de graves violations des droits humains fondamentaux se généralisent au Tchad ». Mais les hauts faits d’armes engrangés par l’homme fort de N’Djamena dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, font que, tout dictateur qu’il est, il est toujours dans les bonnes grâces des puissances occidentales, en l’occurrence la France et les Etats-Unis qui en ont fait un allié sûr. Pitié pour le peuple tchadien !
B.O