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LEVEE DE L’EMBARGO SUR LES ARMES EN RCA


 Les Centrafricains sauront-ils s’en servir à bon escient ?

Depuis 2013, la République centrafricaine vit sous embargo sur les armes, imposé par l’ONU, suite au déclenchement de la guerre fratricide entre, d’une part les groupes armés Séléka et anti-Balaka, et d’autre part entre ces groupes rebelles et les forces armées centrafricaines ou du moins ce qu’il en reste, puisque de nombreux soldats de l’armée régulière se retrouvent parmi les combattants des groupes armés qui contrôlent la majeure partie du territoire national.

Six ans après l’imposition de cet embargo, le constat est que cela n’a pas permis d’endiguer la violence entre groupes armés, encore moins la circulation des armes dans ce pays déchiré par l’une des guerres civiles les plus sanglantes du continent.

La Centrafrique présente aujourd’hui le visage d’un pays en guerre contre lui-même

Pire, l’armée centrafricaine, pratiquement démunie, se retrouve aujourd’hui comme le dindon de la farce, puisqu’il lui est impossible d’acquérir des armes en raison de cet embargo, au moment où les groupes armés rivaux réussissent à renforcer leur arsenal de guerre par des circuits parallèles.

Dans ces conditions, il était difficile à l’ONU de rester encore sourde aux complaintes des autorités centrafricaines qui en appellent à une levée de cet embargo pour leur permettre de s’équiper et de mieux organiser les forces de défense et de sécurité afin de faire face à la situation. Des cris de cœur qui ne pouvaient laisser l’ONU indifférente, puisque la question était au centre d’une rencontre de l’organisation mondiale qui est favorable à un assouplissement de la mesure, mais sous certaines conditionnalités. Notamment l’identification et la définition de « critères-clés clairs » sur « la réforme du secteur de la sécurité, le désarmement, la démobilisation, le processus de réintégration et de rapatriement (des combattants), la gestion des armes et munitions », qui feront l’objet d’évaluations. C’est dire  si une perspective s’ouvre pour la RCA, mais tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille que cet embargo sera définitivement levé puisque Bangui devra d’abord satisfaire aux exigences posées par l’ONU.

Quoi qu’il en soit, si la légitimité d’une telle requête ne semble pas souffrir de débat, la question que l’on pourrait se poser, est la suivante : en cas de levée de cet embargo, les Centrafricains sauront-ils s’en servir à bon escient ? La question est d’autant plus pertinente que la Centrafrique présente aujourd’hui le visage d’un pays en guerre contre lui-même, et le risque est grand, si l’on n’y prend garde, que l’on assiste à un surarmement tous azimuts, au moment où l’Etat a toutes les peines du monde à contrôler la circulation des armes et surtout à affirmer son autorité sur des groupes armés qui règnent en maîtres absolus sur des zones entières du territoire. En tout cas, si l’interdiction d’importation des armes n’a pas eu l’effet escompté sur les groupes armés qui ont réussi à contourner la mesure pour renforcer leur arsenal militaire, l’on peut craindre que la levée de l’embargo ne leur soit encore plus favorable dans leurs funestes desseins. En même temps, la position de l’Etat centrafricain semble difficile à tenir, dans un contexte où il est finalement le seul à avoir les mains liées par cette mesure d’embargo qui fragilise davantage sa position face aux groupes armés.

Plus qu’à la Centrafrique, c’est aux marchands de la mort qu’une levée de l’embargo profiterait le plus

C’est dire si la levée de la mesure d’interdiction pourrait permettre à la Centrafrique de se refaire une santé sur le plan militaire où tout ou presque, est à reconstruire, à commencer par l’armée qui a besoin d’une nouvelle âme. Et c’est peu dire que la levée de l’embargo pourrait permettre à la Grande muette d’aller vers un équilibre des forces sur le terrain avant d’espérer en inverser le rapport.

Mais au-delà, la véritable porte de sortie pour la Centrafrique, reste la réconciliation nationale. Et il est temps que les Centrafricains eux-mêmes le comprennent et sachent que la solution du retour de la paix dans leur pays, est entre leurs seules mains. En cela, il faut espérer que les pourparlers de paix amorcés au Soudan la semaine dernière, n’accoucheront pas d’une petite souris. En tout cas, il appartient aux Centrafricains de savoir se parler et de se donner la main pour sortir leur pays de la mauvaise passe dans laquelle il se trouve englué depuis bientôt six ans. Car, à quoi servirait-il, in fine, à l’Etat  centrafricain de se ruiner à acheter des armes si c’est pour les retourner, au bout du compte, contre d’autres Centrafricains ? Cela serait moralement pénible. Et à y regarder de près, tout porte à croire que plus qu’à la Centrafrique, c’est aux marchands de la mort qu’une levée de l’embargo profiterait le plus. Autrement dit, ce sont les vendeurs d’armes qui pourraient se frotter les mains. Car, eux, savent toujours tirer leur épingle du jeu, tant qu’il y a des foyers de tensions, ici ou ailleurs. En tout état de cause, la situation, en Centrafrique, doit interpeller au plus haut point tous les Africains. Car, c’est la preuve, si besoin en est, que l’on sait toujours quand commence une guerre, mais on ne sait jamais quand elle prend fin.

 

 « Le Pays » 


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