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MALI : Conférence d’entente sur fond de mésentente


L’accord de paix d’Alger du 20 juin 2015 avait, entre autres, prévu une conférence d’entente nationale à l’effet d’évoquer la crise malienne et d’élaborer in fine une charte de la réconciliation nationale. C’est pour mettre en route cette recommandation, ô combien importante pour le Mali, que la date d’aujourd’hui, 27 mars, a été retenue par le gouvernement. Les échanges sont prévus pour durer jusqu’au 2 avril prochain. Pendant une semaine donc, en principe, les Maliens et les Maliennes, de manière inclusive, doivent diagnostiquer sans complaisance les grands maux dont souffre leur pays, afin de leur trouver des remèdes appropriés. L’objectif opérationnel poursuivi est qu’à l’issue de la conférence, les Maliens en ressortent avec la volonté partagée de vivre désormais ensemble dans la paix et l’harmonie, dans un Mali unique. Tous les Maliens épris de paix et de développement n’en demandent pas mieux. Car leur pays, depuis Modibo Kéita en passant par Moussa Traoré jusqu’à Ibrahim Boubacar Kéita, a trop souffert de la volonté souvent larvée et parfois affichée de certains de ses enfants de s’inscrire dans une logique sécessionniste.

Avant le coup d’envoi de la conférence d’entente nationale, il y a déjà de l’eau dans le gaz

C’est cette velléité indépendantiste qui avait, on se rappelle, fragilisé le Mali au point de dérouler le tapis rouge à la kyrielle de mouvements narco-djihadistes dans le septentrion du pays. N’eût été la riposte vigoureuse de l’armée française d’ailleurs, la probabilité était grande que les fous de Dieu fassent de l’ensemble du pays leur califat. Ce rappel vient remettre au goût du jour le bien-fondé et la légitimité de la conférence d’entente nationale, si tant est qu’elle vise réellement  la réconciliation nationale. En effet, avant même que le coup d’envoi de la conférence d’entente nationale ne soit donné, l’on peut faire le constat qu’il y a déjà de l’eau dans le gaz. Ainsi, les groupes armés, dans leur écrasante majorité ainsi que l’opposition républicaine, ont annoncé qu’ils n’y participeraient pas. Pour justifier leur boycott de la rencontre, les groupes armés, à l’exception toutefois du  Mouvement arabe de l’Azawad  (MAA) membre de la plateforme progouvernementale, évoquent encore le non- retour des réfugiés et le fait de n’avoir pas, selon eux, été associés à la définition des termes de référence de la rencontre. L’opposition malienne est dans la même posture que les groupes armés et refuse fermement d’honorer de sa présence l’invitation à elle faite par le gouvernement. L’un de ses porte-parole, Ila N’Diaye, s’est voulu sans ambiguïté sur le sujet en ces termes : « A l’unanimité, les partis politiques de l’opposition ont décidé de ne pas participer à la conférence. Puis, sur le fond, nous avons demandé une réunion de concertation nationale inclusive ». Dans l’hypothèse où les choses se passeraient de cette manière, l’on peut se poser la question suivante : à quoi joue le gouvernement malien ? Le moins que l’on puisse dire est que c’est un jeu qui ne rend pas service au Mali. En effet, on ne doit pas aller à une conférence d’entente nationale sans se  donner la peine, au préalable, d’impliquer de bout en bout  toutes les parties prenantes. Car, en ne prenant pas cette précaution, le  gouvernement de Ibrahim Boubacar Kéita (IBK)  court le risque d’organiser un grand monologue, occultant de ce fait les grandes questions qui sont à l’origine du malaise malien. Au rendez-vous de l’histoire, dit-on, tous les témoins doivent avoir la parole. C’est cela qui peut permettre de mettre sur la table tous les éléments susceptibles de conduire à la vérité. Le Mali ne peut s’offrir le luxe de passer par pertes et profits ces échanges contradictoires, si tant est que le véritable but est de rechercher l’étiologie du mal qui ronge le pays depuis les premières heures de son indépendance. Sans l’étude collective et contradictoire de cette étiologie, le risque est grand que l’on se méprenne sur la matière exacte de la pathologie dont souffre le pays. De ce point de vue et toujours dans l’hypothèse où le gouvernement malien organiserait la conférence d’entente de façon solitaire, l’on peut lui suggérer de revoir sa copie. Car, vaut mieux tard que jamais. Et quand on analyse ce que demandent les groupes armés et l’opposition, l’on ne peut pas dire que cela représente la mer à boire pour le pouvoir de Bamako. En tout cas, le mieux serait de balayer la case pour éviter de donner raison au scorpion en cas de piqûre. Surtout que dans le cas d’espèce, l’on sait que les scorpions vénimeux sont légion au Mali. Et tous sont à la recherche d’alibis pour enfoncer leur dard là où ça fait mal. IBK doit tout faire pour ne pas leur en donner.

Le chemin conduisant à la réconciliation  est encore long

Cette sagesse est d’autant plus à intégrer dans  la mise en œuvre de la Conférence d’entente nationale que les associations des Maliens de France ont apporté de l’eau au moulin des partisans du boycott par la voie de leur porte-parole, Bakary Traoré. En effet, les Maliens qui résident au pays de nos ancêtres, les Gaulois, ont dénoncé le caractère précipité et non inclusif de la Conférence d’entente nationale. Et ils n’ont pas tort, car le moins que l’on puisse dire, c’est que cette conférence d’entente se déroule sur fond de mésentente. Tout espoir n’est cependant pas perdu pour le gouvernement, de faire fléchir les réticents. Car, au moment où nous tracions ces lignes, tout était mis en œuvre pour que des chaises ne restent pas vides aujourd’hui, à l’ouverture de la Conférence d’entente nationale. Mais même si par extraordinaire, le gouvernement parvenait à élargir le cercle des participants à cette rencontre, l’on peut prendre le risque de dire que le chemin conduisant à la réconciliation  est encore long. En effet, le vrai problème des acteurs de la sempiternelle crise malienne, c’est leur manque de bonne foi. C’est ce qui explique que toutes les initiatives de ce genre, dans le passé, ont été de véritables fiascos. Cette fois-ci, les Maliens sauront-ils se débarrasser de leur masque pour se parler au cas où la Conférence d’entente se tiendrait effectivement ? L’on touche du bois car, au cas où cette conférence accoucherait d’une souris, faute d’inclusion, l’on peut aisément imaginer ceux qui se frotteront les mains. C’est  cette horde de narcotrafiquants et autres  djihadistes qui ne peuvent prospérer que dans un Mali qui marche sur la tête.

« Le Pays »


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