MANIF D’OPPOSANTS EN GAMBIE : Un signe des temps ?
La météo sociopolitique est très mauvaise en Gambie. En effet, alors que le président Yahya Jammeh était à Istanbul, en Turquie, où se déroulait le sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), une manifestation éclatait dans les rues de Sérékunda, du nom de cette ville très peuplée située en banlieue de Banjul, en Gambie. Cette poussée de fièvre fait suite à l’annonce du décès en détention de Solo Sandeng, haut responsable du Parti démocratique uni (UDP), le principal parti d’opposition en Gambie. Et comme pour ne rien arranger, les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force, allant jusqu’à interpeller certains manifestants. Qui arrêtera donc le rouleau compresseur de Jammeh ? Telle est la question qui est actuellement sur toutes les lèvres quand on sait que le maître de Banjul, qui a écourté son séjour à Istanbul, est hostile à la contestation, d’où qu’elle vienne. Si fait que manifester en Gambie relève de la pure témérité pour ne pas dire du suicide. A preuve, la dernière manifestation de rue à Banjul remonte à 2000 et avait été réprimée dans le sang, alors même qu’elle fut organisée par des scolaires qui ne demandaient pas plus que l’amélioration de leurs conditions d’études. En tout cas, au pays de Jammeh, les choses sont ainsi faites. Quand on n’est pas content, on se tait, sous peine d’être accusé de crime de lèse-majesté. Et les exemples sont si légion qu’à vouloir les citer exhaustivement, on finirait par perdre haleine. Cela dit, pourquoi l’opposition a-t-elle pris le risque d’appeler ses militants à descendre dans la rue, consciente que la réaction du dictateur Jammeh sera impitoyable ?
Yahya Jammeh gagnerait à écouter la voix de son peuple
S’agit-il là d’un signe des temps, surtout avec cette soif de changement qui caractérise de plus en plus la jeunesse africaine, aujourd’hui plus que jamais décidée à ne plus se laisser conter fleurette ? En tous les cas, Jammeh a beau se montrer intraitable, il ne peut rien contre un peuple qui, las d’être opprimé, décide de prendre son destin en main. Et Jammeh serait mal inspiré de croire qu’en réprimant comme à son habitude, il pourra étouffer dans l’œuf la contestation. Car, «l’on peut bâillonner le peuple pendant un temps, mais on ne peut le bâillonner pendant tout le temps », disait à juste titre l’ancien président burkinabè, Thomas Sankara. Don’t acte ! C’est dire que tôt ou tard, la mayonnaise finira par prendre en Gambie. Mais comme les dictateurs ne voient pas venir les choses, Jammeh sera, un jour, surpris de la réaction des Gambiens. Le cas le plus récent est celui de Blaise Compaoré qui, après plus d’un quart de siècle au pouvoir, avait fini par faire montre de mépris vis-à-vis de son peuple, au point qu’il minimisait sa capacité de réaction. La suite, on la connaît. Car, acculé par une rue en colère, l’homme a pris le chemin de l’exil alors qu’il aurait pu sortir de la manière la plus politiquement honorable qui soit. C’est pourquoi, plutôt que de faire dans la répression, Yahya Jammeh gagnerait à écouter la voix de son peuple, qui ne demande ni plus ni moins que de « véritables réformes politiques », plus de liberté et de démocratie. Or, c’est peu dire que la récente nomination d’un de ses proches à la tête de la commission électorale, et cela à quelques encablures de la présidentielle, n’est pas pour arranger les choses. Bien au contraire. Cela traduit l’aveuglement d’un assoiffé du pouvoir qui en fait à sa tête.
Boundi OUOBA