MANIFESTATIONS CONTRE LA VIE CHERE AU TCHAD :Il y a des signes qui ne trompent pas
Depuis deux jours, le Tchad de Idriss Deby est traversé de part et d’autre par des mouvements de protestations des populations. De N’Djaména, la capitale à Moundou en passant par Sarh, deux provinces du Sud du pays, ce sont des centaines de manifestants qui descendent dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol d’un système dans lequel ils ne trouvent plus leur compte. Tout a commencé avec l’appel du syndicat des enseignants « pour protester contre le non- paiement des primes et surtout contre l’augmentation du prix du carburant ». Ces crève-la faim sont-ils en train d’écrire, comme l’ont fait les Burkinabè, une nouvelle page de l’histoire du Tchad ? Le syndrome burkinabè a-t-il touché le Tchad ? Il est peut- être trop tôt pour le dire. Toutefois, il y a bien dans ces manifestations, des signes qui ne trompent pas. Du reste, au Burkina aussi, tout avait commencé par des marches-meetings contre la vie chère.
Après la période des putschs militaires, où des soldats sont parvenus au pouvoir à la faveur de coups d’Etat généralement sanglants, on peut dire que l’Afrique vit aujourd’hui. En effet, de la Tunisie à l’Egypte en passant par la Libye et le Burkina Faso, le vent de liberté qui souffle sur l’Afrique depuis un certain temps, semble troubler le sommeil de bien des dictateurs sur le continent.
Pendant deux jours, ces jeunes qui ont déferlé dans les rues de N’Djaména, n’ont pas hésité à s’opposer aux forces de l’ordre qui usaient de gaz lacrymogènes et de tout l’arsenal de répression mis à leur disposition par le régime.
Idriss Deby est bien placé pour savoir jusqu’où peut conduire l’obstination
Ce qui devait être une marche de protestation s’est alors vite transformé en course-poursuite entre policiers et manifestants.
Déjà, le bilan est lourd et doit donner à réfléchir. Un mort, des dizaines de blessés et de nombreux véhicules incendiés. Idriss Deby a sans doute pris la mesure de la situation. Nul doute que le cri de colère du peuple tchadien a atteint le somptueux palais du prince régnant. En tous cas, inspiré par l’actualité brûlante, Idriss Deby a vite fait de lâcher du lest.
Ainsi, dans l’après-midi du 12 novembre, le prince a décidé de renoncer au bras de fer et de distribuer aux enseignants les primes de la discorde.
Il y a lieu de saluer la réaction rapide du président Deby, car en renonçant au bras de fer avec les forces vives du Tchad, il a réussi à faire baisser la tension. Mais cela n’a été que de courte durée. Car, au même moment où les enseignants rentraient dans leurs droits, un nouveau mot d’ordre était lancé pour un mercredi sans engin. Une façon bien originale de s’en prendre à un symbole du pouvoir de Idriss Deby, l’or noir. Tout comme les Burkinabè se plaignaient de ne pas profiter des retombées de l’exploitation minière, les Tchadiens souffrent de la mauvaise redistribution de la manne pétrolière au Tchad. Quelques mauvaises langues vont même jusqu’à accuser le président Deby d’en faire une affaire de clan. Ce mot d’ordre de boycott du pétrole laisse entrevoir clairement que c’est du système Deby dans son ensemble, que le peuple tchadien ne veut plus. Après 27 ans aux commandes du pays, on n’a pas besoin d’être un devin pour comprendre que le maître de N’Djaména est atteint par l’usure du pouvoir et qu’il est temps pour lui de faire la place à d’autres fils du pays pour continuer à faire avancer la barque tchadienne. Refuser l’alternance à la tête de l’Etat s’apparente à de l’obstination et Idriss Deby, pour être un grand ami de Blaise Compaoré, est bien placé pour savoir jusqu’où peut conduire l’obstination. Tous ces remous peuvent s’apparenter à un signe des temps. Et en renonçant à sa propre succession en 2016, Idriss Deby Itno donnerait là, la preuve qu’il a décrypté le message.
Dieudonné MAKIENI