HomeA la uneMEDIATION DE L’UA EN RDC : Arrêter la comédie

MEDIATION DE L’UA EN RDC : Arrêter la comédie


Moins d’une semaine après sa nomination par l’Union africaine (UA) comme médiateur dans la crise politique en République démocratique du Congo (RDC), le Togolais Edem Kodjo s’est rendu à Kinshasa, le 19 janvier dernier,  afin de “mener les consultations nécessaires pour le lancement du dialogue” entre le pouvoir et l’opposition congolaise. Il s’agit, pour le tout nouveau médiateur, de rencontres de prise de contact, avant les négociations proprement dites visant à colmater les énormes brèches entre l’opposition dite radicale et la majorité présidentielle par rapport au principe même du dialogue inter-congolais. C’est un défi de taille pour cet ancien diplomate et homme politique togolais dont l’âge (78 ans) a été certainement déterminant dans le choix en tant que médiateur, par les sages de l’UA, d’autant que la RDC est connue pour être un panier à crabes, victime de l’irresponsabilité de ses propres fils qui se livrent depuis des décennies à des guerres de rapines sans merci et sans égard pour l’unité de leur pays. La récente immersion du médiateur dans les eaux politiques bourbeuses  du fleuve Congo nous a donné une illustration parfaite de la tâche parce l’opposition dite radicale a tout simplement snobé les rencontres préparatoires en vue des futures négociations. Et pour enfoncer le clou du doute quant au succès de cette médiation, même les opposants qui ont accepté de rencontrer Edem Kodjo, ont tenu à préciser que c’est  uniquement pour faire part des raisons de leur refus de participer à un tel dialogue qui risque de donner lieu à un report des élections. Seuls les partis affiliés au régime en place à Kinshasa semblent avoir cautionné le principe de ce dialogue qui, il faut bien le dire, n’est ni plus ni moins qu’un piège tendu aux forces politiques et sociales légalement et légitimement opposées à la candidature de Joseph Kabila à la prochaine élection présidentielle. On n’a pas, en effet, besoin de boule de cristal pour savoir que c’est juste pour se donner bonne conscience et un semblant de légitimité, que Joseph Kabila convie tous les chantres congolais de l’alternance à la table des négociations pour éviter une crise pré et postélectorale. Dites-nous, bonnes gens, si ce n’est pas une entourloupe visant à préparer un 3è mandat pour Joseph Kabila, qu’est-ce qui pourrait expliquer cet appel au dialogue pour statuer sur des questions dont les réponses se trouvent déjà dans la Constitution ? Ce mode opératoire ne peut plus tromper, même le Congolais, né de la toute dernière pluie, car cette potion toxique pour la démocratie a été déjà abondamment utilisée sur le continent par d’autres despotes du même acabit que Kabila fils, pour noyer certains poissons de l’opposition dans l’eau particulièrement sucrée qui coule dans leur palais présidentiel. L’objectif visé in fine est évidemment de diviser l’opposition, et de présenter ainsi ceux qui sont allés à la soupe en colonnes couvrées, comme l’opposition républicaine et constructive, les autres n’étant que de « petits aigris, menteurs et de surcroît mangeurs de haricot », pour reprendre la célèbre formule de l’Ivoirien Balla Kéita. Mais on espère que pour une fois, l’opposition congolaise donnera l’exemple à ses « consœurs » des autres pays du continent, en restant ferme et sans concession contre leur « Nehru » local qui rappelle, à bien des égards, ce serpent à deux têtes bien connu dans l’Etat de l’Indiana, qui mord par l’une des têtes et soigne par l’autre. Pour cela, les opposants à la forfaiture, qu’ils soient  de la sphère politique comme la « Dynamique de l’opposition » ou le G7, de la société civile comme « Filimbi » ou du monde religieux comme l’Eglise catholique, doivent se serrer les coudes et resserrer les rangs afin de pouvoir dire à la majorité présidentielle qu’ « à bon rat, bon chat ».

Edem Kodjo n’a pas le profil de l’emploi

Si les Congolais de l’autre côté du fleuve semblent avoir courbé l’échine face à l’autre Nazarbaev de l’Afrique centrale, Sassou Nguesso pour ne pas le nommer, le peuple burkinabè peut toujours servir de référence pour tous ceux qui ont maille à partir avec leur dictateur, et notamment pour le peuple martyrisé de la RDC. Car, qu’on ne s’y trompe pas, le sauvetage de la démocratie dans ce pays, pas plus que dans les autres, ne viendra ni de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) truffée de satrapes, ni de l’ONU bien souvent paralysée par sa lourdeur et son incurie, encore moins de l’UA incapable d’imposer la limitation des mandats présidentiels et d’empêcher le tripatouillage des Constitutions, alors qu’elle est prompte à condamner les coups d’Etat qui visent, dans la plupart des cas, à favoriser l’alternance. D’ailleurs, la nomination d’un médiateur dans le cas de la RDC, aurait pu faire rigoler (pour deux raisons), s’il ne s’agissait pas justement de la RDC, un pays chroniquement en crise où le dilettantisme dans la recherche de solutions peut s’avérer catastrophique pour l’ensemble de la région. La première raison est cette révoltante hypocrisie qui consiste à botter en touche à chaque fois qu’il faut taper du poing sur la table pour dire non à tous ces chefs d’Etat chirurgiens de la pire espèce, qui trouvent un malin plaisir à charcuter allègrement et sans anesthésie, leur Constitution juste pour se momifier au pouvoir. Que diantre l’UA va-t-elle chercher dans les contorsions et les ramdams diplomatiques quand les articles 4, 23 et 30 de sa propre charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance, condamnent sans ambiguïté les changements anticonstitutionnels et prévoient les sanctions qui en découleraient le cas échéant ? Pourquoi louvoyer et pourquoi ne pas se prévaloir de son acte constitutif pour crier haro sur le baudet…de la démocratie qu’est Joseph Kabila ? En vérité, nous avons nous-mêmes la réponse à nos propres questions : c’est parce que l’objectif de départ a été dévoyé pour aboutir à un conglomérat d’autocrates nombrilistes, plutôt qu’à une UA des peuples. Et si par-dessus le marché, cette UA aux tares congénitales désigne un médiateur comme Edem Kodjo pour voler au secours de la démocratie en péril au Congo Kinshasa, il ne nous reste plus qu’à joindre notre voix à celle du clergé catholique congolais pour prier et demander au Seigneur de sauver la RDC. En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur de la vie politique de Edem Kodjo, on n’a pas besoin d’être grand clerc de la démocratie pour savoir que ce médiateur-là n’a pas le profil de l’emploi, et sa seule contribution dans la résolution de la crise congolaise pourrait être d’avoir fait rêver, pour un temps, tous les naïfs de la RDC et d’ailleurs, face à cette crise profonde et protéiforme qui guette le Congo Kinshasa.

Hamadou GADIAGA


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