HomeA la uneMme YVETTE BELEM, membre du BEN du CDP : « Les hommes doivent cesser (…) de considérer les femmes comme des proies à dévorer »

Mme YVETTE BELEM, membre du BEN du CDP : « Les hommes doivent cesser (…) de considérer les femmes comme des proies à dévorer »


 

Mme Yvette Bélem est membre du Bureau exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) où elle occupe le poste de 1re secrétaire adjointe chargée des mouvements associatifs et des organisations de la société civile. Elle s’occupe en particulier du volet femme. Institutrice de formation, cette ancienne directrice régionale de la Promotion de la Femme de la région du Centre et conseillère municipale au secteur 9 de Ouagadougou, aborde avec nous la place de la femme en politique. En plus de ses activités politiques, elle est consultante indépendante dans les domaines des sciences juridiques et politiques, du management des organisations et des projets.

 

« Le Pays »: Comment êtes-arrivée en politique ?

 

Yvette Bélem : Je ne suis pas arrivée en politique ; je suis née dans la politique. Non seulement mon papa était député à l’Assemblée nationale à l’époque, mais aussi j’étais déjà engagée dans les activités de développement de mon quartier. A la création de l’ODP/MT, je me suis laissée embarquer et j’ai évolué avec ce parti jusqu’à la création du CDP où je milite toujours avec beaucoup d’enthousiasme.  Mon papa m’a transmis le virus de la politique. Il m’a toujours encouragée et donné constamment les bons tuyaux pour faire une belle carrière politique.

 

Dans l’engagement politique, on s’attend toujours à avoir des prébendes, des postes de nomination, de la richesse. Avez-vous été récompensée  sur le plan politique ?

 

Je n’ai pas eu de récompenses en politique. J’ai été conseillère municipale et vous connaissez comment on est rétribué à un tel poste. Entre-temps, j’ai été directrice régionale de la Promotion de la femme de la région du Centre mais c’est un poste administratif et non politique. Dire que j’ai eu un poste grâce à la politique, je ne pense pas que cela soit vrai. Peut-être que ça viendra un jour. Je n’ai pas non plus eu de l’argent, de villa ou de véhicule de part mon engagement politique. Ces questions ne sont d’ailleurs pas importantes pour moi. J’ai la satisfaction morale de pouvoir m’exprimer, d’exprimer mes idées, mes pensées, contribuant ainsi au développement de mon pays et au bien-être de mes concitoyens.

 

D’aucuns estiment qu’il est difficile pour une femme de faire la politique. Qu’en dites-vous ?

 

Les femmes rencontrent plusieurs difficultés en politique. Une femme qui n’a pas confiance en elle-même, ne peut pas faire la politique. Une femme qui n’a pas confiance en son mari et en ses enfants, ne peut faire la politique. Pour faire la politique, il faut avoir l’appui et les bénédictions de la famille, notamment le mari et les enfants. Cela permet de faire face à certains stéréotypes. Les hommes croient, par exemple, que quand une femme fait la politique, surtout dans les cas où elle gravit les échelons, elle est frivole  ou est sujette à des mœurs légères. Ce qui n’est pas vrai. Dans tous les cas, le milieu politique vit à l’aune de la société. Dans ce contexte, si une femme n’est pas équilibrée, si elle ignore ce qu’elle veut en entrant en politique, elle risque de prendre le chemin que certains essaient de tracer aux femmes dans le milieu politique.

 

Pensez-vous que toutes les allégations faites sur les femmes dans le milieu politique, soient fausses?

 

Rien n’est fondé. Les préjugés qu’on a des femmes  sont les mêmes dans la société, dans la famille, dans le milieu du travail et dans la politique. La débauche, on la retrouve partout. Des femmes faciles, on en retrouve partout. Des hommes faciles aussi, on en trouve partout. Les gens veulent salir systématiquement l’image de la femme  et je ne saurais accepter cela.

 

De façon objective, ne pensez-vous pas qu’il y a des femmes aux pratiques peu catholiques dans le milieu politique ?

 

S’il en existe, cela voudrait dire qu’elles ont été entraînées par des hommes. Ce sont les hommes qui sont à la base de tout. Certains hommes sont comme certaines femmes. Les hommes doivent cesser, dans le milieu politique et même ailleurs, de considérer les femmes comme des proies à dévorer. Je précise qu’en politique, en ce qui concerne le CDP en tout cas, les femmes sont respectées par les hommes. Dans tous les cas, tous les préjugés à l’encontre de la femme, se justifient par le fait qu’elle est en position de faiblesse.

 

La politique est un domaine où on se donne des coups. Avez-vous personnellement reçu des coups ?

 

J’ai ma manière d’appréhender les choses en politique.  Quand il y a des coups fourrés à gauche, Mme Bélem se met à droite.

 

Mme Bélem esquive donc les coups !

 

Mon père m’a appris que là où ton cœur ne rit pas, n’y mets pas le pied.

 

Avez-vous reçu des coups en politique ?

 

Je n’ai jamais reçu de coups.

 

En avez-vous donné à quelqu’un ?

 

Je ne peux pas donner des coups à quelqu’un.  Politiquement, je ne suis pas le président du parti, ni le secrétaire, ni un responsable à un haut niveau. Je ne peux pas donc donner de coups.

 

Voulez-vous dire que c’est à certains postes qu’on peut donner des coups aux autres ?

 

Donner des coups, c’est quoi ? C’est quand, par exemple, on te propose à un poste et des gens partent dire de ne pas te nommer. On propose un poste ministériel à Mme Bélem et quelqu’un va dire à celui qui l’a proposée, que je ne suis pas compétente pour occuper un tel poste. C’est là un exemple de coup bas. Je ne suis pas en mesure de faire cela à une personne. La pratique consistant à donner des coups ne peut pas prendre fin dans les partis politiques. Quand les places sont limitées avec beaucoup de prétendants, des coups ne sont pas à exclure. Maintenant, les coups bas en politique ne sont pas toujours mauvais. Dans le sillage de ce que vous qualifiez de coups, moi je préfère parler de management des hommes sur lequel les militants des partis politiques doivent être sensibilisés. Etre un Homme politique, ce n’est pas chercher des postes. Un Homme politique qui court après les postes n’en est pas un ; il est plutôt un chercheur de postes et un dealer. Un Homme politique, c’est celui qui est engagé dans la vie du parti et qui contribue au développement  de son pays à travers la vie de son parti.

Il nous revient de façon récurrente, que le mauvais positionnement des femmes au niveau politique, est lié au fait qu’elles ne « banquent » pas. Elles ne financent pas les activités des partis. Qu’en dites-vous ?

 

J’ai dit toujours à mes camarades femmes que c’est mieux de travailler à avoir l’argent avant de s’engager dans les partis. Il ne faut pas s’y engager avant de commencer à chercher l’argent. Cela dit, le mauvais positionnement des femmes s’explique en partie par le fait qu’elles sont pauvres. De même, la précarité des femmes fait que certains préjugés sur les femmes, en politique, persistent. Pour venir aux réunions, il faut avoir du carburant. Si tu n’as pas l’argent pour payer ce carburant, tu es obligée de demander, notamment aux hommes. Donc, je pense que la femme doit avoir un minimum avant d’entrer en politique. Tout cela dérive d’une situation générale où les conditions financières sont peu enviables. Ne dit-on pas que la pauvreté a un visage féminin ? Comment une femme qui n’a pas de source de revenus, peut-elle venir à toutes les réunions du parti ? Comment peut-elle mobiliser les gens quand on sait qu’en matière de mobilisation, il faut de l’argent ? Comment une femme sans argent peut-elle répondre aux différentes sollicitations qui ne manquent pas ? Ce sont des interrogations. Si tu n’as rien, tu seras amenée à puiser dans ce que ton mari te donne pour faire certaines dépenses. Là, ton époux risque de te chasser. Je pense que le milieu politique doit tenir compte de cette situation de pauvreté de la femme. Dans tous les cas, aujourd’hui, les femmes ont compris toute la problématique. Elles mettent également la main à la poche et se soutiennent mutuellement pour faire face aux charges. Aujourd’hui, on n’écoute que ceux qui ont l’argent et ce sont ceux qui ont l’argent qui sont capables de mobiliser sur le plan politique.

 

Que pensez-vous de la place de l’argent dans le milieu politique ?

 

L’argent a une place de choix dans le milieu politique comme partout ailleurs. On dit que l’argent est le nerf de la guerre ; cela s’applique partout. Tout est beau mais il faut l’argent si fait que je pense, personnellement, que l’on doit tenir compte de la question de la femme dans le financement des partis politiques. Au CDP, je constate que le président est sensible au genre et il s’investit pour les femmes mais aussi pour les jeunes.

 

Les femmes, tout comme les jeunes d’ailleurs, ne sont que du bétail électoral !

 

Les femmes ne constituent plus du bétail électoral. Il y a eu des changements  grâce notamment à l’alphabétisation et la décentralisation. Les femmes ont les yeux ouverts et  ne sont plus comme avant. Nous connaissons notre importance et nous savons que les hommes seuls ne peuvent pas développer le Burkina Faso. Nous accompagnons qui  nous voulons et nous votons, en toute âme et conscience, qui nous voulons.

 

Peut-on dire aujourd’hui que les tensions et rivalités constatées lors du dernier congrès du CDP, relèvent désormais du passé ?

 

Je peux vous assurer que ces tensions sont derrière nous.  On a pu constater des rivalités mais cela est propre à tout parti politique qui se veut démocratique. Nous avons un bureau exécutif qui est bien dans sa forme et dans son ensemble, présidé par un homme derrière qui et auprès de qui nous sommes tous engagés pour des victoires futures.

 

Il nous semble que certains militants du CDP ont déjà lancé des processus de création de nouveaux partis politiques. Le confirmez-vous ?

 

Moi, je ne saurais le savoir. Je sais seulement que le travail de mobilisation et de redynamisation au sein du CDP, continue avec beaucoup de détermination. Le CDP a un père qui est Blaise Compaoré et quand il y a un père dans une famille, les bagarres ne durent jamais.

 

Que pensez-vous des sorties de presse laissant croire à une alliance déjà nouée entre le CDP et l’UPC pour les élections de 2020 ?

 

Je suis militante d’un parti politique et je réponds toujours au mot d’ordre de ce parti. Sur le sujet que vous évoquez, je suis l’actualité comme vous et ce qui est sûr, les responsables de nos partis savent prendre de bonnes décisions. Quand le moment viendra, chacun sera situé.

 

Pourquoi n’avez-vous pas  démissionné du CDP comme certains de vos anciens camarades ?

 

Je ne peux pas démissionner du CDP. Depuis l’ODP/MT, je suis engagée dans ce parti qui a connu une évolution à un moment donné de l’histoire et je n’ai pas trouvé de motif qui puisse me faire quitter le CDP. Je respecte le choix de ceux qui ont décidé de quitter et je prie Dieu pour que chacun se porte bien et ait longue vie.

 

Le ministère de la Femme a initié une opération de retrait des enfants vivant dans la rue. Que pensez-vous de cette initiative ?

 

C’est sa vision et c’est sa politique. Elle est à la tête de ce département et c’est normal qu’elle travaille dans le sens à avoir des résultats, pour  le marquer de son empreinte. Je pense aussi qu’elle le fait pour aider les enfants qui se retrouvent malgré eux dans des situations d’inconfort.  C’est vrai, c’est bien de recueillir ces enfants mais il faut surtout qu’il y ait la manière, le processus devant être participatif.

 

Interview réalisée par Michel NANA

 

 


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