HomeA la uneMPSR II : Le capitaine Traoré saura-t-il bien tracer les lignes de l’avenir ?

MPSR II : Le capitaine Traoré saura-t-il bien tracer les lignes de l’avenir ?


« Vive le général ! A bas le général », chantait l’artiste comme pour prophétiser sur la situation que le Burkina Faso a vécue les 30 septembre et 1er octobre derniers. Le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ovationné le 24 janvier 2022 par les Burkinabè  pour avoir « descendu » le président Roch  Marc Christian Kaboré taxé d’incapable face à la crise sécuritaire qui n’a cessé d’évoluer de Charybde en Scylla, a été à son tour déposé par ses compagnons d’armes du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) sous la conspuation quasi générale des populations. Qu’est-ce qui explique ce brusque désamour entre Damiba que d’aucuns ont qualifié de messie et son peuple ? La réponse à cette question est donnée en partie par ses frères d’armes qui ont engagé contre lui, le bras-de-fer qui lui a été fatal. L’homme est accusé d’avoir trahi les attentes de la population, notamment en matière de lutte contre l’insécurité. En effet, même si l’on ne peut nier le fait que les lignes ont bougé sur le front, la réponse apportée par Damiba contre la dégradation de la situation sécuritaire est jugée largement insuffisante.

 

La tragédie de Gaskindé a constitué la goutte de trop dans le vase trop plein

 

 

Et l’on en tient pour preuve les menaces qui se sont accentuées sur les principales voies de circulation du pays, avec pour exemple emblématique le tronçon Bourzanga-Djibo devenu, dans l’imaginaire collectif, l’axe de la mort. C’est justement sur cet axe qu’est intervenue la tragédie de Gaskindé qui a constitué la goutte de trop dans le vase trop plein des Burkinabè qui soupçonnaient Damiba d’avoir changé, entretemps,  de priorité. A ces résultats en deçà des attentes des populations dans la lutte contre l’insécurité, est venu s’ajouter le renchérissement de la vie avec l’inflation vertigineuse des coûts des produits de première nécessité comme les denrées alimentaires et les produits pétroliers. Cette situation a été à l’origine d’une réprobation quasi générale face à l’augmentation des salaires des membres du gouvernement que l’on a accusés de desserrer la ceinture au moment même où ils demandaient à la population le contraire.  Au plan politique, l’un des chemins qui a causé la perte du Lieutenant-colonel est sans doute le chantier de la réconciliation nationale avec l’éphémère retour controversé au bercail,  de Blaise Compaoré sous le coup d’une condamnation de la justice. Cet intermède malheureux a cristallisé contre le soldat égaré en politique, les rancœurs des insurgés des 30 et 31 octobre 2014 qui le soupçonnaient déjà d’œuvrer à instaurer l’ancien régime déchu  du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).  L’homme n’a pas non plus  eu la main heureuse dans la réforme de l’Etat qu’il a initiée et qui, in fine, a consisté en une vaste entreprise de militarisation de l’appareil d’Etat et de promotion de ses proches.  C’est donc l’ensemble de ces œuvres qui a causé la perte de Damiba qui, malgré tout, aura réussi à faire rêver les Burkinabè en laissant aller jusqu’à son terme, le jugement de l’affaire Thomas Sankara et plus récemment, le dossier  Dabo   Boukary, en lançant une vaste opération d’audits dans les structures étatiques et surtout en évitant, par son succès diplomatique, les sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre le Burkina Faso. 

 

Le capitaine doit s’assurer qu’il laisse le pays à l’homme qui n’aura d’autre guide que la « Vox populi »

 

 

« Quelles leçons le capitaine Traoré pourrait-il tirer de ce tableau noir du bilan de Damiba pour tracer au mieux les chemins de l’avenir ? »  Telle est la question que l’on peut aujourd’hui se poser. La première grande leçon que Traoré devrait tirer du bilan de son prédécesseur est de se rendre à l’évidence qu’il ne suffit pas d’être revêtu du treillis militaire pour prétendre être la panacée aux  problèmes du Burkina Faso et plus spécifiquement  pour gagner la guerre contre les terroristes.  Pour gagner une guerre, il faut certes des stratèges militaires et des hommes de terrain, mais l’histoire de l’humanité le démontre à l’envi, il faut aussi une économie de guerre et une culture de la guerre, c’est-à-dire un peuple debout, qui travaille à l’arrière des lignes pour soutenir ses soldats  au front. Et là, point n’est besoin forcément d’être un militaire à la tête de l’Etat, il faut juste un patriote. Georges Clemenceau disait bien à ce propos : « la guerre, c’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ». Le capitaine Traoré doit donc comprendre que tout militaire au pouvoir n’est pas Thomas Sankara et que Thomas Sankara est entré dans le cœur des Burkinabè non pas parce qu’il était militaire mais parce qu’il était patriote. Il a montré sa dimension patriotique de diverses façons. En effet, sous son magistère, il n’y avait pas d’institutions inutilement budgétivores comme l’ALT, ni de salaires faramineux pour les ministres, ni de grosses cylindrées pour les déplacements de ces derniers. Sankara a mené une vie d’acète, le regard rivé sous la patrie et l’intérêt général. C’est pour tout cela qu’il repose aujourd’hui et jusqu’à là fin des temps dans le panthéon africain des immortels. Le capitaine Ibrahim Traoré devra donc faire preuve de  patriotisme, pas en s’arcboutant à Kosyam qui n’est pas un QG militaire mais en faisant ce qu’il sait le mieux faire, c’est-à-dire remobiliser ses troupes pour aller au front.  Mais avant de céder Kosyam,  le jeune officier devra éviter le piège des OSC qui ont étalé toutes leurs limites sur la place publique. C’est pourquoi les Assises des forces vives annoncées pour désigner le président de la Transition, doivent faire l’objet d’une préparation rigoureuse mais inclusive par un casting qui ne laisse passer entre les mailles du filet, que les fils et filles intègres du Burkina Faso, conscients des enjeux du moment et soucieux de l’avenir de la Nation. Le capitaine, en un mot, doit s’assurer qu’il laisse le pays à l’homme qui n’aura d’autre guide que la « Vox populi ».

 

« Le Pays »

 

  


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