HomeA la uneNOMINATION D’UN NOUVEAU MEDIATEUR POUR LE BURUNDI : On fait du surplace  

NOMINATION D’UN NOUVEAU MEDIATEUR POUR LE BURUNDI : On fait du surplace  


 

Un nouveau médiateur vient d’être désigné en la personne de Benjamin Mbaka pour, n’ayons pas peur des mots, tenter l’impossible dans la crise burundaise, c’est-à-dire trouver une solution négociée et acceptée par tous les acteurs. C’est un combat perdu d’avance que s’apprête à mener ce diplomate et ancien président de la république tanzanienne, tant le fossé qui sépare les frères ennemis du Burundi est abyssal. Les anti 3è mandat de Nkurunziza qui ne savent plus à quel médiateur se vouer, doivent accueillir cette énième tentative de faire entendre raison au boucher de Bujumbura comme la preuve supplémentaire de l’incurie et de la duplicité de l’Union africaine, face au bras d’honneur de Pierre Nkurunziza contre la communauté africaine et internationale depuis le début de la crise. En revanche, les partisans du satrape ont dû sabler le champagne en apprenant que les spécialistes de la duperie et du dilatoire sont encore une fois entrés en action, avec Benjamin Mbaka dans le rôle de l’homme providentiel que le président actuel de la Tanzanie,  John Magufuli, a bien voulu leur trouver. En vérité, on n’a pas besoin d’être Saint Thomas pour être sceptique quant à la réussite de cette médiation, d’autant que tous les signaux envoyés par l’UA et les chefs d’Etat de la région, y compris John Magufuli de la Tanzanie, indiquent que l’objectif ultime de tous ces ballets diplomatiques vise le maintien de Nkurunziza au trône, envers et contre tous. Et comme tout semble indiquer que le stratagème a bien fonctionné grâce en partie à la naïveté et la crédulité des opposants burundais, certains « metteurs en scène » qui étaient jusque-là tapis dans l’ombre, commencent à présent à sortir du bois, pour afficher leur soutien au président burundais et à son clan. Malheureusement pour l’opposition burundaise et au grand dam de la démocratie dans ce pays, l’UA et la communauté des Etats de l’Afrique de l’est (EAC) qui devaient brandir le carton rouge contre la dérive totalitaire de Nkurunziza, se sont paradoxalement le plus ingéniés à sauver le pouvoir et la tête du dictateur, en appelant hypocritement tous les acteurs à la négociation.

Tout ce cirque n’est destiné qu’à la communauté internationale

C’est un peu comme si l’instance continentale et sa « fille » de l’EAC condamnent dans la journée l’anti constitutionnalité de la candidature de Nkurunziza, et assènent des coups en tapinois à l’opposition la nuit venue, en rassurant le contesté président qu’il peut compter sur leur soutien indéfectible, comme ça a été le cas pour Omar El Béchir qui est dans le viseur de la CPI. Dans ce jeu trouble où l’hypocrisie le dispute au cynisme, certains chefs d’Etat ont décidé d’ôter la cagoule et de se prononcer à visage découvert contre la remise en cause du mandat de Nkurunziza. L’un de ces chefs d’Etat qui est véritablement à la hauteur de ses pêchés est le Sud-Africain Jacob Zuma, qui a profité de son dernier séjour à Bujumbura dans le cadre de la mission que l’UA a dépêchée sur place, pour s’exprimer en son nom personnel et probablement au nom de ses homologues qui préfèrent encore jouer la prudence en avançant masqués dans ce dossier. Zuma est resté en terre burundaise après le départ du reste de la délégation de l’UA non pas à cause du décor de carte postale de Bujumbura, mais certainement pour transmettre le message officieux de soutien de ses pairs au président burundais. Que ceux qui pensent qu’il y a une contradiction entre la position de Zuma qui est ouvertement pro Nkurunziza et celle de l’UA qui est officiellement vent debout contre ce dernier se ravisent, car tout ce cirque n’est destiné qu’à la communauté internationale et aux mouvements de droits de l’homme qui s’inquiètent de la passivité du continent face aux tueries de masse qui se préparent au Burundi. En réalité, l’UA et Zacob Zuma sont sur la même longueur d’onde, pas question de contester la réélection de Pierre Nkuruziza dont la légitimité n’a rien à envier à celle de beaucoup d’autres chefs d’Etat, à commencer par ses voisins immédiats. La seule différence, s’il en existe une, entre le président sud-africain qui est lui-même loin d’être un exemple vivant de la vertu et l’Union africaine, réside dans leur démarche, le premier n’hésitant plus à faire la « quenelle » aux apôtres de l’alternance au Burundi, et la seconde agissant dans le même sens, mais avec art et tact afin qu’on fasse du surplace jusqu’à la fin du mandat actuel de Nkurunziza. Et la nomination du nouveau médiateur est l’un des éléments du puzzle que le syndicat des chefs d’Etat africains a mis en place pour égarer tout le monde dans ce dossier. Le coup a d’autant plus réussi qu’on ne sait plus sur quoi portent encore les négociations dans cette crise. Est-ce sur le départ de Nkurunziza ? Ou est-ce sur l’acceptation par l’opposition du fait ou plutôt du crime accompli avec la réélection de Nkurunziza ? C’est cette dernière hypothèse qui tient plutôt la route, et l’opposition n’a plus besoin de lunettes infra rouges pour lire et décrypter les messages d’apaisement que les prétendus médiateurs lui envoient, mais qui visent en réalité à les mettre en garde contre toute tentative de prise de pouvoir par la force . Ces messages explicites et compréhensibles même pour les esprits les plus tordus, ont certainement ramolli pour ainsi dire l’opposition républicaine burundaise. Mais seront-ils entendus par les autres opposants qui sont déjà dans la logique de l’affrontement ? Rien n’est moins sûr.

Hamadou GADIAGA


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