PRESIDENTIELLE EN GUINEE-BISSAU
Dimanche 24 novembre 2019, les Bissau-Guinéens sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Douze postulants avaient vu leur candidature validée par la Cour suprême, sur les dix-neuf dossiers reçus. Parmi eux, le président sortant, José Mario Vaz, en rupture de ban avec son parti, le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) au pouvoir, et qui se présente en indépendant, faute d’avoir eu l’investiture d’un autre parti. Au nombre de ses principaux challengers, Domingos Pereira, son ancien Premier ministre limogé en 2015 à la suite de dissensions entre les deux hommes, et qui a eu l’onction du parti au pouvoir dont il est par ailleurs le chef, pour le présent scrutin. En plus de ce dernier, sont sur la ligne de départ, Carlos Gomes Junior, un autre ancien Premier ministre renversé en 2012 par un coup d’Etat avant le second tour d’une présidentielle dont il était donné pour favori et qui se présente aussi au scrutin de dimanche prochain en candidat indépendant, et Umaro Sissoco Embalo, un autre ancien PM, adoubé par les frondeurs du PAIGC dont il sera le porte-étendard.
Le scrutin de dimanche prochain est censé remettre le pays sur les rails
Une présidentielle sur fond de crise politique, qui a vu, fin octobre dernier, le pays être momentanément doté de deux gouvernements avant que le Premier ministre Fautino Imbali ne soit contraint à la démission, une dizaine de jours après sa nomination au forceps par le président Vaz, sous la pression de la communauté internationale qui a renouvelé sa confiance à Aristide Gomez et son équipe dont ils reconnaissent la légitimité de l’organisation de ces élections. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette présidentielle est un défi pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, l’institution sous-régionale attache tellement du prix à la stabilisation de ce pays, qu’elle s’est fortement impliquée pour le maintenir autant que faire se peut dans le chemin de la démocratie, en tenant la soldatesque du pays particulièrement férue de coups d’Etat, à distance du pouvoir. Et le scrutin de dimanche prochain est d’autant plus important qu’il est censé remettre le pays sur les rails, en mettant fin aux crises politiques à répétition que connaît le pays et qui ont émaillé le règne de José Mario Vaz; le chef de l’Etat ayant multiplié la valse des Premiers ministres au gré de ses intérêts, au point d’en compter une demi-douzaine en cinq ans. Et Aristide Gomes est le dernier d’une longue liste qui, outre Domingos Pereira, compte aussi Baciro Dja, Carlos Correia, Umaro Sissoco Emballo, Artur Sylva et l’éphémère Faustino Imballi. Le tout, sur fond de mésentente et de difficile cohabitation avec son parti, le PAIGC, à l’épreuve de la gestion du pouvoir dans le cadre d’un régime semi-présidentiel. C’est dire si le pays était abonné à des crises institutionnelles et politiques chroniques qui ont nécessité l’intervention de l’institution sous-régionale. Usant à la fois de tact et de fermeté, celle-ci est parvenue à un accord avec les protagonistes, pour le maintien à son poste, jusqu’aux élections, du président Vaz contre lequel étaient organisées des manifestations. D’autant que le scrutin, initialement prévu pour se tenir le 3 novembre dernier, a dû être repoussé de trois semaines, soit au 24 novembre qui apparaissait alors comme un délai de rigueur.
Le président Vaz joue son avenir politique
Mais la situation sera rendue encore plus difficile par le président Vaz, à la suite du limogeage du Premier ministre Aristide Gomes, qui a quelque peu remis le feu aux poudres ; toute chose qui a nécessité une nouvelle intervention de la CEDEAO, pour désamorcer la crise. C’est donc dans un contexte d’indécision et de légère crispation que s’annonce le scrutin de dimanche prochain. Que réservera-t-il aux Bissau-Guinéens ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. Mais, privé du soutien de son parti après s’être mis à dos la communauté internationale, c’est peu de dire que le président Vaz qui va à ce scrutin présidentiel en candidat libre, joue son avenir politique. D’autant qu’il a échoué à imposer son homme-lige à la tête de l’Exécutif. Pourra-t-il tirer son épingle du jeu ou bien s’aliénera-t-il la confiance de son peuple ? L’avenir nous le dira. En attendant, si avec la tenue de l’élection de dimanche, la CEDEAO est en passe de tenir le pari du respect de son calendrier électoral, la grande question reste la participation des Bissau-Guinéens et surtout les conditions de tenue du scrutin dans un climat apaisé. Les électeurs se déplaceront-ils massivement dans les urnes ou bien les bouderont-ils par peur ou par désaffection compte tenu du climat délétère qui entoure le scrutin ? En tout état de cause, les enjeux sont énormes. C’est pourquoi il est impératif que le vote se passe non seulement dans le calme, mais aussi et surtout dans les meilleures conditions de transparence, pour ne pas laisser place à une quelconque contestation qui pourrait envenimer la situation et ouvrir la voie à une crise post-électorale. C’est dire si la CEDEAO doit garder l’arme au pied, pour parer à toute éventualité. En cas de second tour, les électeurs seront appelés à revenir aux urnes, le 29 décembre prochain.
« Le Pays »