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PROCES DE PRO-GBAGBO EN CÔTE D’IVOIRE : Quand les accusés nient l’évidence


Le procès en assises ouvert fin décembre dernier contre les pro-Gbagbo, se poursuit en Côte d’Ivoire. En effet, ils étaient six à comparaître le 6 janvier dernier, pour répondre des faits qui leur sont reprochés, au regard du rôle qu’ils ont joué pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Parmi eux, se trouve Jean Marius Keipo, surnommé « Petit marteau », ou encore le « Général des brûleurs ». Plusieurs témoins le présentent comme un chef milicien dont l’un des hauts faits d’armes a été d’avoir assassiné une femme enceinte de six mois, dans un quartier de Yopougon, à Abidjan. Mais, voilà ce que l’intéressé a déclaré devant les juges qui lui demandaient s’il reconnaissait les crimes dont on lui impute la responsabilité. « J’ai un grand-frère qui a été tué pendant la crise ; je suis moi-même une victime de cette crise », a-t-il lâché dans un air de mépris, indigne d’un prévenu dans le prétoire. Quand les bourreaux   jouent les victimes, est-on tenté de croire. C’est le moins que l’on puisse dire, au regard de l’attitude de ces six accusés qui cherchent à se disculper. Ils tentent à tout prix de cacher le soleil avec leurs doigts, oubliant que les faits parlent d’eux-mêmes et contre eux. Du reste, leur posture laisse transparaître une certaine spécificité ivoirienne. Car, contrairement au Rwanda ou en Afrique du Sud, par exemple, où certains bourreaux ont reconnu ouvertement avoir commis des crimes et ont fait leur meaculpa, en Côte d’Ivoire, ils ont choisi de faire dans la dénégation et la suffisance, au point même de frustrer les parents de certaines victimes qui n’ont désormais que leurs yeux pour pleurer.

La posture qu’adoptent Simone Gbagbo et ses anciens lieutenants n’est guère surprenante

Certes, il est un sacro-saint principe du droit qui veut que le doute profite à l’accusé, au risque de condamner des innocents. Mais on se demande si le mensonge et la mauvaise foi profiteront à Simone Gbagbo et à ses co-accusés. Pas si sûr. Car, on le sait, les juges devant lesquels les pro-Gbagbo débitent leur version des faits, ne sont pas dupes. Ils sauront certainement faire la part des choses en distinguant le mensonge de la vérité,   pour dire le droit, dans leur intime conviction. Cela d’autant qu’avec les pro-Gbagbo, le déni semble devenu la règle de conduite. On se souvient encore de l’arrogance indécrottable dont avait fait montre Charles Blé Goudé qui, devant la Cour pénale internationale, avait rejeté en bloc toutes les images que la procureure Fatou Bensonda  avait recueillies en Côte d’Ivoire, croyant pouvoir ainsi lui clouer le bec. Fidèle à lui-même, l’ex-général de la rue avait déclaré, à mots couverts, qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un grossier montage visant à le détruire. Oh, mauvaise foi, quand elle nous tient. En fait, on ne le sait que trop bien, même Laurent Gbagbo, on s’en souvient, avait fait de la roublardise, de la fuite en avant et de la diversion, des principes de gouvernance. On le revoit encore paraphant de ses propres mains des accords à Marcoussi, Accra et Prétoria qu’il refusait de reconnaître, une fois de retour au pays, croyant pouvoir avoir la communauté internationale à l’usure. C’est dire que la posture qu’adoptent Simone Gbagbo et ses anciens lieutenants n’est guère surprenante. Elle s’inspire de la méthode Gbagbo au sujet duquel on peut dire : celui qui a pu renier éhontement sa propre signature ne trouvera aucune gène à nier un crime, même si l’on fait parler le cadavre lui-même. Cela dit, la tâche aurait été moins ardue pour les juges si la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) avait réussi à baliser le terrain avec des rapports concluants. Malheureusement, cette structure n’aura été que l’ombre d’elle-même.

Boundi OUOBA


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